Les Verts - Europe Ecologie - Communique de presse
Conquête du pouvoir par l'intervention militaire
Mauvais signal pour un gouvernement légitime en Côte d'Ivoire
Jeudi 7 avril 2011 L’intervention directe de
l’armée française le 4 avril 2011 contre le palais présidentiel,
la résidence de Laurent Gbagbo, où se trouvaient également des
familles, et des camps de militaires qui lui restaient fidèles,
est particulièrement choquante. Décidée en premier lieu à
l’Elysée sans que le Parlement français en soit informé, elle se
pare d’un couvert onusien de protection des civils pour en fait
donner le coup de grâce à la présidence de Laurent Gbagbo,
achevant ainsi la conquête du pouvoir par les Forces Nouvelles
soutenant Alassane Ouattara. Dès lors, que ce dernier fut le
véritable vainqueur de l’élection présidentielle du 28 novembre
2010 – ainsi que l’a certifié l’ONU et confirmé la société
civile ivoirienne trois semaines plus tard – n’a plus grand
sens : son accession au pouvoir, désormais, sera passée par
l’action militaire d’anciens rebelles ayant laissé sur leur
route des centaines de morts civils, et aura été parachevée par
le feu de l’ancienne puissance coloniale. Du point de vue de la
démocratie, que l’on peut définir au-delà de sa seule expression
électorale par la gestion pacifique des différends politiques,
mais aussi du point de vue de l’indépendance réelle de la Côte
d’Ivoire un demi-siècle après son indépendance juridique, on ne
pouvait guère imaginer pire scénario.
Les responsabilités de Laurent Gbagbo dans
l’escalade de la violence de ces dernières semaines sont bien
sûr primordiales : il aurait dû reconnaître sa défaite
électorale et quitter immédiatement le pouvoir. Mais celles de
la France sont également capitales. On s’est longtemps demandé,
en effet, à quoi servait la force Licorne en Côte d’Ivoire.
Placée sous l’autorité de l’Onuci, sa mission première était
théoriquement de préserver la vie des civils. Elle ne l’a pas
fait, ni quand les patriotes de Charles Blé Goudé commettaient
des centaines d’assassinats ciblés dans les rues d’Abidjan, ni
quand des troupes fidèles à Alassane Ouattara massacraient des
centaines de civils sur une base ethnique à Duékoué. En
revanche, elle était occupée à équiper et former militairement
les Forces Nouvelles dans le Nord de la Côte d’Ivoire et ce, en
violation totale de l’embargo sur les armes voté par l’ONU en
2004.
Si la France avait été sérieuse dans son
objectif de protéger les civils, elle aurait dû mener une autre
politique : amener le Conseil de Sécurité de l’ONU à exiger que
la Cour pénale internationale (CPI) se saisisse de façon
contraignante du dossier Côte d'Ivoire depuis le 19 septembre
2002, afin de mettre rapidement les éléments les plus violents
des deux camps hors d'état de nuire ; faire de Licorne une force
d'action effective au service de la protection des civils (comme
le veut la mission de l’Onuci) et des enquêtes de la CPI, toutes
deux encadrées par l'autorité de l'ONU.
Mais la France a préféré convaincre un
certain nombre de pays et jusqu’à l’ONU elle-même de s’engager
dans une résolution militaire de la crise post-électorale, en
vue d’installer au pouvoir le président ivoirien de son choix.
Il s’agit finalement d’une victoire pour la realpolitik
française et pour les chefs de guerre qui ont soutenu Alassane
Ouattara. Mais au prix d’un lourd tribut en vies civiles, et
d’un discrédit jeté pour longtemps en Côte d’Ivoire sur la
diplomatie française et l’idée même de démocratie.
Europe Ecologie Les Verts
Attachée de presse
Marjorie Delmond
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