30 juillet 2008
Amnesty International a appelé ce mardi 29 juillet les
dirigeants palestiniens rivaux de Cisjordanie et de la bande de
Gaza à mettre fin aux arrestations et détentions arbitraires et
à empêcher les actes de torture ou autres mauvais traitements de
prisonniers.
L’organisation a lancé cet appel à la suite d’une nouvelle vague
d’arrestations qui ont débuté après une série d’attentats à la
bombe visant des membres du Hamas dans la bande de Gaza. Cinq
membres du Hamas et un enfant de quatre ans ont été tués dans un
attentat le 25 juillet. Depuis, les forces de sécurité du Hamas
à Gaza ont arrêté plus de 200 partisans du Fatah, le parti
dirigé par Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne
(AP), tandis que les forces de sécurité de l’Autorité
palestinienne en Cisjordanie ont arrêté au moins 95 partisans
du Hamas, en représailles manifestes aux arrestations des
partisans du Fatah à Gaza.
Dans la bande de Gaza, les forces de sécurité du Hamas et les
milices armées ont remis en liberté la plupart des personnes
qu’elles avaient interpellées au cours de ces derniers jours,
mais le nombre de détenus reste important. La plupart de ceux
qui ont été arrêtés ont déclaré avoir été frappés et des
dizaines de maisons, de bureaux et de structures des partisans
du Fatah ont été mis à sac. En Cisjordanie, la plupart des
personnes arrêtées sont toujours privées de tout contact avec le
monde extérieur et les forces de sécurité de l’Autorité
palestinienne ont mené des opérations commando et fermé des
bureaux et des structures liés au Hamas.
Dans des lettres adressées au président de l’Autorité
palestinienne Mahmoud Abbas et au dirigeant du Hamas Ismaïl
Haniya, Amnesty International critique l’incapacité continue des
deux parties à respecter les garanties légales contenues dans la
Loi fondamentale palestinienne et la Loi relative à la procédure
pénale, permettant ainsi le développement d’une politique de
détentions arbitraires, de torture et mauvais traitements
infligés aux détenus, des violations du droit à la liberté
d’expression et d’association à la fois en Cisjordanie et dans
la bande de Gaza. L’organisation demande instamment aux deux
dirigeants de prendre des mesures concrètes visant à faire
cesser ces atteintes aux droits fondamentaux des personnes et à
faire respecter par leurs forces les engagements internationaux
en matière de droits humains.
Au cours de ces derniers mois, le Hamas a maintenu en détention
des partisans du Fatah et autres opposants politiques en
violation de la procédure fixée par le droit palestinien, qui
prévoit notamment le droit pour tout détenu de voir la légalité
de sa détention examinée par un procureur dans les vingt-quatre
heures et par un juge au bout de soixante-douze heures. Les
personnes arrêtées sont fréquemment soumises à des actes de
torture et autres mauvais traitements pendant leur détention
illégale et privées de tout contact avec le monde extérieur.
Parmi les méthodes de torture, on peut citer les coups, la
suspension par les poignets ou les chevilles et le maintien dans
des positions douloureuses. Taleb Abou Sitta, un homme de
soixante-douze ans, est mort le 27 juin 2008, le lendemain de
son arrestation par les forces du Hamas après avoir été
sévèrement battu au poste de police de Deir al Balah.
En Cisjordanie, les forces de l’Autorité palestinienne font
montre de la même indifférence pour la procédure pénale et les
garanties légales. Des personnes détenues par les forces de
l’Autorité palestinienne pendant des périodes prolongées en
violation du droit palestinien ont été remises en liberté sans
avoir été inculpées grâce aux efforts d’avocats défenseurs des
droits humains, mais ont été ensuite promptement arrêtées par
les forces israéliennes et placées en détention. Les actes de
torture et autres mauvais traitements par les forces de
l’Autorité palestinienne, notamment les services de sécurité
préventive et les renseignements généraux, sont fréquents ;
leurs méthodes vont des coups au maintien dans des positions
douloureuses en passant par la suspension par les bras ou les
chevilles au plafond ou aux murs. Majd al Barghouthi, un imam de
quarante-trois ans, est mort dans un centre de détention des
renseignements généraux de Ramallah le 22 février 2008, huit
jours après son interpellation, après avoir été sévèrement
battu, notamment alors qu’il était suspendu par des chaînes à la
fenêtre de sa cellule.
Le gouvernement de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie et le
Hamas qui administre de fait la bande de Gaza continuent de
restreindre le droit des Palestiniens à la liberté d’expression
et de réunion, notamment en ayant recours à une force
injustifiée et parfois meurtrière contre les manifestants. Au
cours de ces derniers mois, les services de sécurité du Hamas et
les milices armées dans la bande de Gaza ont dispersé par la
force plusieurs manifestations et autres rassemblements publics
du Fatah, tandis qu’en Cisjordanie, les partisans du Hamas sont,
pour beaucoup, passés dans la clandestinité de peur de se faire
arrêter par les forces de l’Autorité palestinienne ou les forces
israéliennes. Le Hamas à Gaza et l’Autorité palestinienne en
Cisjordanie ont tous deux interpellé des journalistes, interdit
des journaux et des chaînes de télévision favorables à l’autre
partie.
Ceux qui s’opposent au Fatah en Cisjordanie et ceux qui
s’opposent au Hamas dans la bande de Gaza vivent à présent dans
une atmosphère de peur et beaucoup de ceux qui ont été
interpellés et torturés par les forces de sécurité de l’autre
partie n’osent pas témoigner de ce qui leur est arrivé ou, s’ils
parlent de ce qu ‘ils ont subi, craignent de décliner leur
identité.
Cela n’est pas surprenant. À ce jour, ni l’Autorité
palestinienne en Cisjordanie ni le Hamas dans la bande de Gaza
n’ont fait en sorte que les auteurs présumés d’atteintes aux
droits humains n’aient à rendre compte de leurs actes, laissant
se développer un climat d’impunité qui ne sert qu’à encourager
de nouveaux abus.
La récente vague de violences à Gaza, ainsi que les arrestations
systématiques en représailles et autres actions menées par le
Hamas et les forces de l’Autorité palestinienne font resurgir le
spectre des violences entre factions du Hamas et du Fatah qui
avaient coûté la vie à plus de 300 Palestiniens en 2007.
Il est impératif et urgent que les dirigeants des deux parties
prennent des mesures concrètes pour permettre aux Palestiniens
d’exercer leur droit à la liberté d’expression et de réunion,
veiller à ce que nul ne soit arrêté simplement pour avoir
soutenu une faction d’opposition, faire en sorte que les forces
de sécurité respectent les garanties légales inscrites dans le
droit palestinien et protègent les détenus des actes de torture
et autres mauvais traitements et s’assurer que les auteurs
présumés d’atteintes aux droits humains aient à répondre de
leurs actes devant la justice.
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