Communiqué
Maroc et Sahara
occidental : deux ans de trop -
la répression des manifestations doit
prendre fin
Amnesty
International
Mercredi 20 février
2013
Deux ans après que des milliers de
personnes sont descendues dans les rues
de Rabat, de Casablanca et d’autres
villes marocaines pour réclamer une
réforme, les manifestations sont
toujours systématiquement réprimées dans
le pays.
À ce jour, plusieurs dizaines de
militants affiliés au Mouvement du 20
février seraient maintenus en détention
pour avoir exprimé leurs opinions de
manière pourtant pacifique. Certains ont
affirmé avoir été torturés ou autrement
maltraités en détention.
Le Mouvement du 20 février, créé dans le
sillage des soulèvements populaires qu’a
connus la région du Moyen-Orient et de
l’Afrique du Nord, exige un plus grand
respect des droits humains et de la
démocratie, de meilleures conditions
économiques et la fin de la corruption.
« Il est incompréhensible que les
pouvoirs publics continuent de réprimer
violemment les voix critiques, en
violation flagrante de la nouvelle
constitution adoptée en juillet 2011,
qui garantit les droits à la liberté
d’expression, de manifestation pacifique
et d’association, a déclaré Ann
Harrison, directrice adjointe du
programme Moyen-Orient et Afrique du
Nord d’Amnesty International.
« Les réformes officielles mises en
œuvre par les autorités marocaines
semblent avoir pour but de se
débarrasser des critiques de la part des
partenaires internationaux tandis que la
répression des manifestations continue.
»
L’un des membres du Mouvement du 20
février, Youssef Oubella (24 ans), a été
interpellé lors d’une manifestation
organisée en juillet 2012 à Casablanca.
Il a raconté à Amnesty International que
des policiers l’avaient frappé, insulté
et torturé lors de son arrestation et en
garde à vue. On l’a contraint, a-t-il
expliqué, à signer une déclaration où il
affirmait avoir frappé un policier.
En septembre 2012, Youssef Oubella et
cinq autres membres du Mouvement du 20
février ont été condamnés à des peines
allant jusqu’à 10 mois d’emprisonnement
pour outrage à agent et violences contre
des policiers. Ils ont tous les six
déclaré avoir été victimes d’actes de
torture ou d’autres mauvais traitements.
Ils ont été remis en liberté en janvier
2013.
Mohamed Messaoudi, un avocat qui a
défendu de nombreux militants liés au
Mouvement du 20 février, a indiqué avoir
récemment noté une intensification de la
répression exercée par l’État contre les
rassemblements organisés par le groupe.
Il a déclaré à Amnesty International que
les personnes arrêtées étaient
régulièrement inculpées, notamment
d’outrage à agent et/ou de violences
contre des policiers, de trafic de
stupéfiants et de participation à une
manifestation non autorisée.
Il a ajouté que des mauvais traitements
étaient très souvent infligés à des
militants pendant ou après leur
arrestation, et que les tortures
évoquées par Youssef Oubella étaient
loin d’être un cas isolé.
Le rappeur Mouad Belghouat (un autre
membre du Mouvement du 20 février) a été
interpellé en mars 2012 et inculpé
d’outrage à la police à la suite de la
diffusion sur Internet d’une vidéo
montrant un policier affublé d’une tête
d’âne, avec en fond sonore l’une des
chansons du rappeur où il dénonce la
corruption de la police.
Il a été condamné à un an
d’emprisonnement, peine confirmée par la
cour d’appel de Casablanca en juillet
2012. Il a observé au moins deux grèves
de la faim pour protester contre ses
conditions de détention, et est toujours
incarcéré à la prison d’Oukacha, à
Casablanca.
« À ce jour, les autorités marocaines
ont agi au détriment des droits de la
population au lieu d’agir en leur
faveur. Les manifestations pacifiques
doivent pouvoir se dérouler sans faire
l’objet de mesures de harcèlement ou de
répression, et les participants à ces
manifestations ou d’autres personnes ne
doivent en aucun cas être arrêtés et
détenus arbitrairement. Il convient
d’ouvrir sans délai une enquête sur
toutes les allégations de mauvais
traitements et d’actes d’intimidation,
et de traduire en justice les
responsables présumés de ces
agissements, a indiqué Ann Harrison.
« Il est par ailleurs essentiel que les
personnes arrêtées puissent consulter
immédiatement un avocat, car elles
courent tout particulièrement le risque
d’être torturées et de subir d’autres
mauvais traitements au cours des
premières heures suivant leur
arrestation. »
À l’issue de sa visite au Maroc et au
Sahara occidental en septembre 2012, le
rapporteur spécial des Nations unies sur
la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou
dégradants, Juan Méndez, a déclaré que,
même si le Code de procédure pénale
garantissait l’accès à un avocat, «
…cette garantie n’[était] pas pleinement
respectée, ni en droit ni en pratique.
La personne arrêtée ne peut consulter un
avocat de son choix que 24 heures après
son arrestation, pendant 30 minutes et
en présence d’un enquêteur de police. »
Amnesty International engage le Maroc à
modifier sa législation pour veiller à
ce que les personnes arrêtées
bénéficient de l’assistance effective
d’un avocat de leur choix dès le début
de leur détention et tout au long de
celle-ci et puissent s’entretenir en
privé avec lui.
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