Communiqué
Égypte. L'impunité
encourage les violences sexuelles
Amnesty
International
Jeudi 7 février
2013
L'absence de sanction envers les auteurs
d'actes de harcèlement et d'agressions
sexuelles en Égypte a encouragé des
attaques violentes contre les femmes ces
derniers mois, dans le secteur de la
place Tahrir, et de nouveaux crimes se
produiront si ce climat d'impunité
persiste, a souligné Amnesty
International mercredi 6 février 2013
dans un nouveau
document.
Selon les témoignages recueillis par
Amnesty International auprès de femmes
attaquées et de militants, les
agressions menées par des foules
violentes suivent un mode de déroulement
constant.
Les femmes sont attaquées quand elles
sont seules ou séparées de leurs amis
par un groupe d'hommes dont le nombre
croît rapidement ;
elles sont attirées de force au
milieu de la bande d'agresseurs, des
mains ou parfois des armes violent leur
corps, et les hommes tentent de les
déshabiller.
« Les agressions effrayantes menées
contre des femmes dans le secteur de la
place Tahrir montrent que le président
Morsi doit, de façon urgente, agir
énergiquement pour mettre fin à cette
culture de l'impunité et de la
discrimination basée sur le genre, et
que tous les dirigeants politiques
doivent prendre clairement position, a
déclaré Hassiba Hadj Sahraoui,
directrice adjointe du programme
Moyen-Orient et Afrique du Nord
d’Amnesty International.
« Il est essentiel de mener des enquêtes
impartiales et approfondies pour
déterminer si ces attaques de foules
violentes sont coordonnées par des
acteurs étatiques ou par des acteurs non
étatiques organisés, et pour que leurs
auteurs puissent être traduits en
justice.
« Les procédés employés par ces bandes
violentes lors de manifestations
récentes rappellent douloureusement les
actes de harcèlement sexuel et les
agressions envers des manifestantes sous
le président Moubarak, qui a été chassé
du pouvoir. Les femmes ont joué un rôle
essentiel lors des manifestations et ont
consenti de lourds sacrifices dans leur
combat pour la liberté et la justice
sociale.
Les autorités égyptiennes doivent
rendre honneur à leur militantisme et
recourir à tous les moyens nécessaires
pour résoudre la question de la violence
endémique subie par les femmes à tous
les niveaux de la société. »
Le groupe OpAntiSH/A (Operation Anti-Sexual
Harassment/Assault), une initiative
lancée par des organisations de défense
des droits humains et des personnes
privées égyptiennes, a reçu des
informations sur 19 agressions contre
des femmes commises le 25 janvier 2013 à
proximité de la place Tahrir. Le groupe
Shoft Taharosh (Témoins de harcèlement)
est intervenu au sujet de cinq autres
cas.
Amnesty International a recueilli des
témoignages de femmes récemment
attaquées place Tahrir ou aux alentours
par des foules d'hommes souvent armés,
la durée de ces agressions pouvant aller
de cinq minutes à plus d'une heure. Les
militants, femmes et hommes, qui sont
intervenus pour aider des femmes à
échapper à ce type d'attaques ont
également signalé avoir subi des
agressions physiques, parfois sexuelles.
Une femme médecin, Magda Adly, du Centre
Nadeem pour la réadaptation des victimes
de violences, a confirmé, dans au moins
deux cas, l'utilisation de lames, y
compris sur les parties génitales des
femmes attaquées.
Des défenseurs des droits des femmes et
certaines des femmes attaquées pensent
que les agressions ont pour but
d'empêcher la présence des femmes dans
l'espace public, de les réduire au
silence et de démoraliser l'opposition.
Le docteur Rawya Abdel Rahman, 67 ans,
grand-mère et militante des droits des
femmes, a raconté à Amnesty
International ce qui lui est arrivé lors
d'un défilé de femmes au cours des
manifestations du 25 janvier : « Des
dizaines de mains se sont posées sur
moi, certaines ont touché mes cuisses...
Je me suis mise à hurler... Alors cinq
ou six hommes m'ont fait sortir de
l'encerclement, au moment où quelqu'un
essayait de soulever mes vêtements. »
Malgré ces agressions, les femmes qui
les ont subies ne renoncent pas à lutter
pour la justice et tiennent à continuer
à participer aux événements qui donnent
forme à l'avenir de l'Égypte. Une
rescapée de violences sexuelles, Dalia
Abdelwahab, a ainsi déclaré à Amnesty
International : « Je ne me tairai pas.
Toutes les femmes d'Égypte doivent se
réveiller... Sans cela, les violences
continueront... »
« En raison du discrédit lié aux actes
de harcèlement et agressions sexuelles
envers les femmes et des réactions des
responsables de l'application des lois,
de nombreux cas ne sont jamais signalés.
Celles qui font quand même la démarche
de porter plainte se heurtent à un mur
d'indifférence, quand leur volonté
d'obtenir justice ne suscite pas blâmes
et mépris », a déclaré Hassiba Hadj
Sahraoui.
La Constitution égyptienne, adoptée à la
suite d'un référendum fin décembre 2012,
n'a donné aucune place aux droits des
femmes et n'a pas prohibé explicitement
la discrimination basée sur le genre, ce
qui a renforcé les pratiques et les
attitudes discriminatoires.
Le Conseil national pour les femmes, un
organisme d'État, a condamné les
violences et demandé des enquêtes. Il
est temps maintenant que le président
Morsi, en tant que chef de l'État, fasse
de même et témoigne d'une véritable
volonté politique d'agir contre les
violences.
En 2005, des groupes d'hommes auraient
été recrutés par les autorités pour
agresser les femmes journalistes qui
préconisaient le boycottage du
référendum sur la réforme
constitutionnelle. À ce jour, personne
n'a eu à répondre de ces actes.
En mars 2011, 17 manifestantes ont subi
des « tests de virginité » infligés par
l'armée. En mars 2012, un tribunal
militaire a jugé en faveur de l'accusé
dans le seul cas de plainte déposée par
une de ces femmes.
Lien vers le document :
http://www.amnesty.org/en/library/info/MDE12/009/2013/en
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