Gaza
L'enseignement du
français en Palestine
Ziad Medoukh
Ziad Medoukh
Dimanche 23 janvier 2011
Communication présentée par Ziad Medoukh, chef du département de
français de l'université Al-Aqsa de Gaza en Palestine lors de sa
participation au colloque international sur l'Enseignement du
français dans les pays de langue arabe, organisé au CIEP-
Centre international des études pédagogiques- de Sèvres le 8 et
le 9 décembre 2010.
Introduction
1- Situation de la langue française en Palestine
2- L’enseignement du français dans les écoles publiques
3- Le projet franco-palestinien à l’université Al-Aqsa
4- Le département
de français à l’université Al-Aqsa
5- Les activités du département de français.
6- L’image de la
langue française chez les étudiants Palestiniens
7- La Francophonie au service de la paix en Palestine
Perspectives
Conclusion
Introduction :
L’enseignement du français en Palestine est en train de se
développer surtout depuis l’arrivée de l’Autorité palestinienne
en 1994. Il ne se limite pas à l’enseignement de la langue
française comme deuxième langue étrangère car on enseigne aussi
la culture, les sciences et les techniques en français. Après
plusieurs années d’expérience, les apprenants palestiniens
découvrent qu’approfondir leurs connaissances de la
langue-culture française est devenu pour eux une nécessité ...
1-SITUATION DE LA LANGUE FRANCAISE
EN PALESTINE.
Depuis les années 80, la langue française est enseignée dans les
centres culturels français (Jérusalem, Gaza, Ramallah et
Naplouse) et dans les écoles privées. Le français n’a pas
beaucoup pénétré la société palestinienne pour des raisons
historiques (domination de l’anglais comme première langue
étrangère, et de l’hébreu comme langue de colonisation). A Gaza,
le français a été introduit en 1982 avec l’ouverture du centre
culturel français qui propose des cours de français et des
activités culturelles variées (films, expositions, conférences
animées par des conférenciers français au cours de la semaine
littéraire et culturelle). En 1990, le français a commencé à
être enseigné aussi dans les écoles privées palestiniennes
(Collège Gaza et Ecole Nasser) mais, en général, il est
considéré dans ces écoles comme une activité complémentaire et
comme langue de prestige pour attirer les élèves. Il a un plus
grand poids à Jérusalem et à Bethlehem où se trouvent beaucoup
d’écoles françaises (écoles chrétiennes et alliance française),
et où le français est nettement plus pratiqué qu’à Gaza. C’est à
partir de 1994 que la langue française a commencé à prendre une
place importante à Gaza avec le retour de l’Autorité
palestinienne qui avait son siège en Tunisie, et surtout, avec
le retour de quelques centaines de Palestiniens qui vivaient
dans les pays du Maghreb (Algérie-Tunisie-Maroc ) et voulaient
rester en contact avec le français qui était pour la plupart
d’entre eux soit leur langue d’étude, soit leur langue de
travail dans les pays francophones. Le centre culturel français
de Gaza est alors devenu un pôle d’attraction pour les
Palestiniens francophones qui, outre les activités qui les
attiraient dans ce centre souhaitaient pratiquer le français de
façon plus concrète, non seulement pour la poursuite de leurs
études en français mais aussi pour instruire et éduquer leurs
enfants en français. Il faut également souligner qu’après
l’installation des ministères palestiniens à Gaza, la France a
joué un rôle très important dans le domaine économique par des
aides gouvernementales accordées à l’Autorité palestinienne et
par les visites fréquentes de responsables : ministres,
délégations, journalistes, et tout particulièrement par la
visite historique du président français Jacques Chirac en
Palestine en 1995.
2-L’enseignement du français dans
les écoles publiques palestiniennes
Avant la signature de l’accord entre le Ministère palestinien de
l’Education Nationale et le Consulat général de France à
Jérusalem en 1996, comme nous l’avons déjà indiqué supra,
la connaissance et la pratique de la langue française ont été
très limitées en Palestine où l’arabe est la langue maternelle
et l’anglais la première langue étrangère enseignée .Mais
pourquoi aujourd’hui l’enseignement du français se pose-t-il en
termes neufs ? Son essor, à mon avis, tient à trois facteurs :
• La France partage avec les pays du contour méditerranéen un
même espace géographique. Les territoires palestiniens
s’engagent donc dans les échanges accrus économiques et
touristiques avec l’Europe et en particulier avec la France et
les pays francophones de la région (le projet Tempus Méda et
RUFO).
• Le Ministère palestinien de l’Education nationale veut
introduire l’apprentissage d’une seconde langue étrangère dans
ses programmes et poursuivre, avec le concours de la France, la
mise en place « d’écoles d’excellence » à filières bilingues
français-arabe. L’anglais s’étant généralisé, la maitrise d’une
autre langue internationale devient un atout non négligeable.
• Une partie de la diaspora palestinienne de retour de pays
francophones, du Maghreb en particulier, s’exprime naturellement
en français et souhaite maintenir ses liens avec la
francophonie.
Dans ce cadre, une convention a été signée en 1996 entre le
Consulat général de France à Jérusalem et le Ministère
palestinien de l’Education, pour mettre en place l’enseignement
du français comme deuxième langue étrangère dans le programme
scolaire palestinien, en commençant par deux écoles pilotes à
Gaza et en Cisjordanie à partir de l’année scolaire 1996-1997.La
France fournit le matériel didactique pour les écoles pilotes,
les manuels, les livres, les revues, les moyens et supports
audio-visuels, les ordinateurs avec accès à internet ainsi que
le suivi du projet et la formation des professeurs de français
palestiniens. Les Palestiniens, quant à eux, recrutent et paient
les salaires des professeurs palestiniens de français, assurent
l’organisation du projet dans les écoles et surtout travaillent
en partenariat avec les missionnaires français pour la
continuité et la progression de ce projet. Aujourd’hui, avec la
volonté de deux parties, le projet s’est développé et le
français est donc enseigné dans 16 écoles, collèges et lycées
publics de Palestine.
Ce développement a encouragé les universités palestiniennes à
introduire des modules de français dans leurs programmes jusqu’à
l’ouverture d’une licence de français à la faculté d’Education
de Gaza et à l’université El Najah de Naplouse l’année dernière.
Dans les écoles, le français est introduit à partir de la
quatrième année. Les élèves font trois ans de français à l’école
primaire et continuent le français pendant trois ans au collège
et trois ans au lycée. Après leur baccalauréat, et, nantis de
leur diplôme du DELF, les élèves palestiniens peuvent soit
poursuivre leurs études dans une filière universitaire
francophone en France ou dans un pays francophone, soit préparer
en Palestine une licence de français. Il existe donc une
possibilité de continuité dans l’enseignement/apprentissage du
français, et les apprenants palestiniens peuvent toujours
trouver un travail avec leur diplôme de français, ou poursuivre
leurs études dans les pays francophones. L’enseignement du
français dans les écoles et les universités palestiniennes se
déroule dans une atmosphère conviviale et dynamique grâce aux
efforts déployés par les Palestiniens et surtout par les
coopérants français qui ont fait un travail considérable
appuyant une politique culturelle et éducative très appréciée en
Palestine surtout au niveau de la formation initiale et continue
des professeurs palestiniens de français.
3-Le projet franco-palestinien à l’université Al-Aqsa
L'université Al-Aqsa de Gaza est une université pédagogique.
Elle forme les futurs professeurs dans presque toutes les
matières scientifiques, littéraires et techniques. Elle a été
fondée en 1955 sous la forme d'un institut des maîtres, après
quoi, elle s'est transformée en faculté d'éducation en 1991, et
en 2002, elle a pris le nom d'université Al-Aqsa.
Actuellement, plus de 15 000 étudiants et étudiantes fréquentent
cette université, encadrée par plus de 460 professeurs?
L'université Al-Aqsa a été la première université palestinienne
qui a ouvert un département de français en 2000, en coopération
avec le Consulat général de France à Jérusalem.
Le projet franco-palestinien d'introduire le français dans le
cursus universitaire en Palestine, a commencé en 1996 avec la
formation des professeurs palestiniens de français et la
création du DUPF (Diplôme Universitaire de Professeur de
Français) à la faculté d'éducation à Gaza qui est devenue
aujourd'hui l'université Al-Aqsa.
Cette formation en deux ans a été remplacée en 2000 par une
licence de français en quatre ans afin de répondre aux demandes
d'écoles pilotes qui ont besoin de professeurs de français pour
assurer l'enseignement de cette matière en plein essor dans ces
établissements d'excellence.
Le ministère palestinien de l'Enseignement supérieur et le
consulat général de France à Jérusalem ont décidé de créer une
licence de français à l'université Al-Aqsa de Gaza. Cette
licence sera la première en Palestine qui répondra aux besoins
en professeurs, des établissements palestiniens et des centres
culturels français dans l’optique, surtout du ministère de
l'Education d'introduire le français comme deuxième langue
étrangère dans plus de cinquante établissements publics en
Cisjordanie et à Gaza.
Le projet de coopération franco-palestinien pour la mise en
place une licence de français définit les missions de chaque
partie:
Le consulat général de France à Jérusalem détermine, en
concertation avec une université française, (l'université de
Franche-Comté), les orientations pédagogiques du programme de
licence. Il participe au recrutement des enseignants pour la
partie du programme en français et à l'organisation des stages
en Palestine et en France.
L'université Al-Aqsa perçoit les droits d'inscription des
étudiants selon les modalités qui lui sont propres. Elle assure
l'intégralité de la partie du programme dispensée en arabe.
Le ministère de l'Enseignement supérieur palestinien assure la
tutelle académique de la formation. Il définit, en concertation
avec le ministère palestinien de l'Education nationale et le
consulat général de France à Jérusalem, les orientations, les
besoins et les objectifs du programme.
En coopération avec le consulat général de France à Jérusalem,
l'université Al-Aqsa de Gaza a mis en place la licence de
français à partir de décembre 2000.
Dans ce cadre, un Département de français a été ouvert en même
temps que la nomination de deux chefs de ce Département: un
responsable français qui représente le consulat général de
France et un responsable palestinien qui représente l'université
Al-Aqsa.
L'enseignement du français à l'université Al-Aqsa est un modèle
de réussite de la coopération franco-palestinienne dans le
domaine éducatif et culturel, puisque d'autres universités
palestiniennes envisagent de bénéficier de cette riche
expérience et d’introduire l’enseignement du français dans leurs
programmes universitaires.
L'enseignement du français à l'université Al-Aqsa est en plein
essor, et cela pour trois raisons principales :
*La première est la politique d'ouverture de l'université Al-Aqsa
aux les langues étrangères, et en particulier le français, dans
ses programmes universitaires.
Le français est un atout pour cette université pédagogique qui
forme de futurs enseignants, et qui consolide ses relations
extérieures avec la France et la Francophonie.
*La deuxième est la volonté française, représentée par le
consulat de France à Jérusalem, de développer la Francophonie en
Palestine en formant de futurs cadres palestiniens francophones,
en commençant par les professeurs de français qui eux-mêmes vont
assurer la formation d'une future génération palestinienne
ouverte sur le monde francophone.
*Et la troisième raison est politique : il s'agit de renforcer
les relations entre la Palestine et la France, voire l'Europe,
en commençant par les relations éducatives et culturelles.
Toutes ces raisons expliquent que l’université Al-Aqsa, la seule
université publique en Palestine par l’ouverture de ce
département de français confirme la volonté politique des
autorités palestiniennes d’encourager l’apprentissage de cette
langue au milieu universitaire et au niveau supérieur.
4-Le département de français de l’université Al -Aqsa
L'enseignement du français à l'université Al-Aqsa fait partie
des programmes ambitieux de cette université de pointe. Il
reflète son désir de s'ouvrir d’une part aux langues et cultures
étrangères et d'autre part, de renforcer les relations entre la
France et la Palestine dans les domaines culturels et
pédagogiques.
Le département de français de l'université Al-Aqsa a été
officiellement inauguré à la rentrée universitaire 2000-2001 en
coopération avec le consulat général de France à Jérusalem.
L'idée de la création d'un département de français est née suite
à la décision commune entre le ministère palestinien de
l'Enseignement supérieur et le consulat français de mettre en
place une licence de français.
Le département dépend de la faculté d'éducation des sciences
humaines et a été cogéré, à ses débuts, par deux responsables :
un responsable représentant l'université Al-Aqsa (un professeur
de français palestinien) et un responsable français qui
représente le consulat de France. Cependant la cogestion du
département de français a pris fin en juin 2005, et la
responsabilité totale de ce département revient actuellement à
l'université Al-Aqsa.
Le département de français assure l'élaboration et l'évaluation
du programme de licence de français. Il est responsable devant
le consulat et le ministère palestinien de la réussite et du bon
déroulement de la licence de français dont l’objectif est de
former des professeurs palestiniens qui vont être en mesure
d’enseigner le français dans les écoles publiques et privées qui
ont commencé à enseigner le français dans leur programme.
40 étudiants ont obtenu leur licence de français en juin 2004 et
ils constituent la toute première promotion.
Actuellement, il y a environ 102 étudiants inscrits au
département de français. Nous remarquons à propos des étudiants
inscrits en français que 85% sont des jeunes filles.
Les enseignants qui assurent la formation au département (la
rentrée 2010-2011) se composent de 3 professeurs titulaires et 2
assistants, il est souvent fait appel à des vacataires pour
satisfaire les besoins.
Il faut souligner ici, les efforts considérables du consulat
français déployés dans le domaine de l'orientation, du suivi et
de la formation continue des professeurs palestiniens de
français. Il faut mentionner aussi que chaque année, il y a une
forte demande d’inscription au département de français.
Celui-ci, sur test des postulants, ne pourra en retenir qu’une
vingtaine, par souci de donner un enseignement de bonne qualité.
La qualité demeure la préoccupation prioritaire du département.
En effet le département de français de l’université
Al-Aqsa est très soucieux de mettre sur le
terrain des enseignants de
grande compétence, en dépit
de l’enfermement Gaza, du
blocus de la Bande de Gaza, qui empêche tout contact avec
le monde extérieur.
Neuf ans après l’ouverture, le département de français à
l’université Al-Aqsa, compte plusieurs réalisations à son
actif :
*Six promotions ont un B.A de français, la première en juin
2005, comptait 40
diplômés ; la deuxième en 2006, 52 ; la troisième en 2007, 70 ;
la quatrième en 2008, 18, le cinquième en 2009, 21, et la
sixième en 2010, 19. L'université Al-Aqsa est la première
université palestinienne à offrir une licence dans le domaine de
l'enseignement de français.
Actuellement, nous pouvons dire qu’il
y a plusieurs universités palestiniennes qui enseignent
le français : l'université Al-Najah à Naplouse qui a ouvert un
département de français en 2001,
l'université Al Azhar à Gaza et l’université Beir Zeit à
Ramallah qui offrent un programme de B.A anglais- français.
* Envoi de dizaines d’étudiants de l'université pour des stages
linguistiques d'un mois en France dans des instituts et des
centres linguistiques et pédagogiques spécialisés dans
l'enseignement de FLE, financés par le consulat général à
Jérusalem.
* Envoi de diplômés en France et
dans des pays francophones pour continuer leurs études
supérieures dans l'enseignement du français.
*La plupart des professeurs du département de français sont
Palestiniens, mais au début tous les professeurs étaient
français. Il revient à l'université de s'intéresser au
développement de l’encadrement palestinien, et de renforcer ses
compétences en le faisant participer à des stages, des études,
des recherches et des conférences organisés dans plusieurs pays
francophones.
*Renforcement des relations externes du département de français
et de l'université par les jumelages avec des universités
françaises et francophones, des échanges de visites et une
participation au nom de l'université à des conférences et des
rencontres dans des universités françaises et francophones.
Le département de français de l'université Al-Aqsa s’est
également développé en s'intéressant
à renforcer davantage les activités extra-universitaires
en français : ateliers entre les étudiants,
écriture de poèmes et
d’articles en français et leur publication sur des sites
Internet francophones avec l’objectif de faire parvenir la voix
de l'étudiant palestinien au monde extérieur, visite des écoles
d'excellence à Gaza, accueil de personnalités francophones à
l'université, organisation de fêtes lors de la journée de la
Francophonie et à l’occasion d’autres célébrations
palestiniennes dans l'université, il y a aussi l’échange de
points de vue via Internet avec des étudiants francophones,
suivi de l’organisation de concours de poésie, et
l’encouragement de la lecture en français.
Enfin, la participation
de délégations d’étudiants du département à des conférences
comme par exemple la conférence des universités francophones qui
a eu lieu à l'université du Caire en 2005, la rencontre au
Centre Mondial de la paix à Verdun en 2006, et le voyage de
plusieurs étudiants en France pour suivre des stages
linguistiques et pédagogiques.
La création du club francophone pour la première fois dans
toutes les universités palestiniennes qui enseignent des langues
est une initiative bénéfique : ce club a beaucoup aidé à
améliorer les capacités linguistiques des étudiants par des
activités culturelles organisées à l'intérieur et à l'extérieur
de l'université, et de plus, le club a depuis sa création aidé à
renforcer les liens entre les étudiants et les professeurs et
entre les étudiants eux mêmes.
5-Les activités au Département de français :
Ces activités se résument à l’ouverture d’un centre de
ressources francophones au sein même du département, la
signature de conventions pour des jumelages avec des universités
françaises mais aussi francophones et en particulier la
convention signée avec l’université de Paris 8 en 2008 dans le
domaine de français langue étrangère. Cette convention qui
montre la volonté de l’université française d’aider notre
département en particulier et notre université en général à
développer un partenariat solide avec le monde universitaire
francophone ; l’envoi
d’étudiants en France pour des stages linguistiques et
autres rencontres soit en coopération avec le consulat de
France, soit avec les des associations et organisations
francophones. Sans oublier
la participation à des conférences en Palestine et à
l’étranger, la création d’un club francophone, l’organisation de
dizaines d'activités extra-universitaires pour les étudiants du
Département.
6-
Représentations du français chez les étudiants
palestiniens
(Pour les représentations
sociales, nous devrons observer « Les usages à chaud »,
(LE BRAY
2002 : 43).
Le terme représentation a cessé d’appartenir au champ
disciplinaire de la philosophie, de la psychologie ou de la
sociologie, même s’il faut reconnaître avec V. Castellotti
(2001, 22),
que c’est cette dernière discipline qui va les remettre au goût
du jour.
La sociolinguistique s’en est fait un motif de recherche, et bon
nombre d’études s’appuient sur les images, souvent stéréotypées,
valorisantes ou inhibantes qui influencent l’apprentissage d’une
langue.
Ces images peuvent découler de la langue elle-même, de ses
locuteurs, ou des pays où la langue est parlée. Au-delà de la
prégnance de ces images, il s’ajoute d’autres considérations
disciplinaires en rapport avec le statut que Castolletti –
rappelant Besse, Candelier, Dabène, Galisson – présente comme
étant spécifique, dans l’institution scolaire. La non prise en
compte de cette particularité peut générer :
Un conflit de représentations entre, d’une part, une culture
d’apprentissage empreinte d’habitudes scolastiques et, d’autre
part, des conceptions naturalistes et ludiques de l’acquisition
des langues..
Castellotti (op.cit, 25).
D’un point de vue pédagogique les représentations trouvent une
acception qui recouvre connaissances et savoirs, et sont perçues
comme « les modèles implicites ou explicites utilisés pour
décrire, comprendre et expliquer un événement perceptif ou une
situation ». Elles peuvent servir également de support pour
entamer des connaissances nouvelles et la construction du
savoir, comme elles peuvent jouer un rôle dans les modes
d’approches ou les règles d’actions spontanées ou apprises. Plus
que cela, elles forment «un savoir préalable que l’enseignant
doit estimer s’il veut parvenir à modifier la structure
cognitive des élèves » (Groult , 2002).
Nous voulons montrer ici quelles sont les représentations de la
langue française pour les étudiants qui apprennent le français
dans notre département. Ces représentations sont tirées de nos
observations et de nos contacts fréquents avec ces étudiants,
soit dans le cadre des cours, des activités, et des projets soit
des échanges entre enseignants-étudiants.
En premier lieu, nous pouvons constater que tous les étudiants
traitent du français de façon positive (langue d'ouverture, de
culture, langue internationale, langue d'espoir) et cela
correspond à l'importance accordée non seulement par ces
étudiants mais aussi par une grande partie des Palestiniens à la
France et à la langue française.
En second lieu, les étudiants associent le français au domaine
professionnel, c'est-à-dire que le français pour eux est une
langue de travail. Ces étudiants ont choisi le français car ils
peuvent facilement trouver du travail, d’autant plus qu'ils
maîtrisent déjà deux langues: l'arabe, leur langue maternelle,
et l'anglais comme première langue étrangère en Palestine.
Une partie des étudiants confirme que le français est un moyen
de communication, car ils ne considèrent pas le français
seulement comme une langue, ces étudiants voient dans la langue
française une façon d’entrer en contact avec le monde extérieur,
auquel il n’est pas facile pour eux d’accéder.
Par contre, d’autres étudiants associent le français à son image
(langue internationale, langue de culture, etc.) cette
distinction est liée à la représentation de ces étudiants que le
français est avant tout une belle langue, une langue de poésie
et de culture.
Nous constatons que, dans la situation très difficile de la
Palestine (occupation, difficultés économiques, logique de
guerre, violence, blocus et enfermement), les étudiants
palestiniens voient dans le français un moyen d'ouverture sur
l'étranger, et un élément d'espoir dans ce contexte particulier.
Ces étudiants, pensent que le français est une langue
d'ouverture et une langue d'espoir. Peut-être pensent-ils que la
France a une position plus ou moins objective vis-à-vis de ce
conflit israélo-palestinien ?
En dépit des changements politiques, ils apprécient le mouvement
de solidarité développé en France et continuent de garder
l’espoir d’une politique française, non exclusivement partisane
d’Israël.Ce sont des préjugés vu le manque des contacts avec la
France et le monde
francophone par nos étudiants.
Le combat contre les préjugés ne relève ni d’une contre
information, ni d’une meilleure information sur autrui, mais, «
d’un approfondissement de sa propre personnalité, de ses propres
modalités de fonctionnement, de réactions, de façon d’être et de
voir » (Zarate, 1993, p. 189.)
Ainsi, les apprenants prendront conscience des mécanismes des
représentations mis en œuvre lorsqu’ils en font l’usage. Il faut
également insister sur le fait que l’apprentissage d’une langue
implique toutes les dimensions cognitives, sociales et
culturelles de l’apprenant. Dans ce cadre, les étudiants de
notre Département, apprennent le français et essayent de
promouvoir la langue et la culture françaises en Palestine,
comme langue concurrente à l'anglais.
Nous voyons ici que l'enjeu politique, et les représentations
peuvent dépasser le champ linguistique et didactique, pour
toucher le domaine politique, économique et social. Dans ce cas,
les étudiants pensent que le français est une langue
internationale qui compte.
En général, nous pouvons dire que les représentations que les
étudiants palestiniens se font de la langue française sont très
positives, et elles montrent leur attachement à cette nouvelle
langue. Certes, elle ne constitue pas uniquement une belle et
jolie langue d'espoir et une ouverture sur la France, mais
encore sur la Francophonie, sur l'Europe, et sur le monde
entier.
Le français langue, d’espoir pour nous les Palestiniens
francophones, langue de paix dans un contexte d’occupation et
d’enfermement : dans ce cas, la Francophonie pourrait être un
vecteur au service de la paix en Palestine.
La Francophonie ne représente pas une institution pour beaucoup
de Palestiniens, mais un élément d’espoir et d’ouverture dans un
contexte particulier marqué par la violence et le désespoir
total, la Francophonie pour les Palestiniens francophones en
particulier est une réponse, une initiative qui pourrait aider
les Palestiniens à avoir une ouverture vers le monde extérieur,
une base solide de coopération avec l’Europe.
Dans un contexte de guerre, et de l’absence des perspectives
pour l’avenir, les Palestiniens dans leur recherche à une
solution politique comptent beaucoup sur la Francophonie, la
Francophonie politique, la Francophonie culturelle et éducative,
mai surtout la Francophonie populaire.
En Palestine, la société civile, les universitaires et les
intellectuels jouent un rôle important dans la vie sociale,
économique et culturelle. Dans le conflit actuel entre
Israéliens et Palestiniens, et au vu la division entre les
différents parties politiques palestiniens, les universitaires
palestiniens essayent de proposer quelques initiatives pour
sortir de cette situation difficile et pour participer à
instaurer les principes de la démocratie eu sein de la société
palestinienne.
Principes qui représentent des valeurs chers aux Palestiniens
connus dans la région par leur attachement à l’éducation comme
forme de résistance et comme signe d’espoir pour l’avenir, mais
surtout pour leurs pratiques démocratiques et cela malgré les
mesures de l’occupation, et en dépit de toutes les difficultés
sur place. Dans ce cadre, l’université Al-Aqsa de Gaza a crée le
centre de la paix en 2006, ses locaux se trouve au sein de cette
université pédagogique et publique, c’est la première initiative
dans une université palestinienne.
La création du centre de la paix à l’université Al-Aqsa de Gaza
à l’initiative du département de français, montre comment une
langue peut être un élément d’ouverture et d’espoir vers la
paix. C’est ce que la présentation des activités et des
objectifs de ce centre de la paix va illustrer.
La langue française est devenue par la création de ce centre,
une langue d’espoir pour les Palestiniens en général et les
Palestiniens francophones en particuliers qui veulent montrer
par ces initiatives, que la France et la Francophonie ont un
rôle important à jouer dans les Territoires palestiniens et
notamment dans le domaine éducatif et politique.
7-
La Francophonie au service de la paix en Palestine
Exemple du centre de la paix de l’université Al-Aqsa
Le
centre de la paix
de l’université Al-Aqsa de Gaza,
est un exemple du développement de la Francophonie en Palestine,
il témoigne du rôle joué par la Francophonie au service de la
paix. Ce centre pour la démocratie, la non violence, les droits
de l’Homme et de la paix a été crée en février 2006 pour
développer les principes et les valeurs de respect, d’échange au
sein de l’université Al- Aqsa de Gaza.
Malgré un contexte sociopolitique complexe en Palestine, et en
particulier dans la Bande de Gaza, les universitaires
palestiniens de la Bande de Gaza ont montré par la création de
ce centre leur volonté de proposer des initiatives en faveur de
la paix et d’avoir une ouverture vers le monde extérieur.
Ce centre participe à développer les modules de démocratie et
des droits de l’Homme enseignés dans le cursus universitaire de
l’université Al- Aqsa.
Il donne l’occasion aux étudiants à travers les ateliers et les
sessions de formation de faire des échanges sur les thèmes liés
aux objectifs de ce centre.
Le centre de
la Paix est animé par un comité de cinq personnes, dont deux
femmes. Le centre a pour vocation d’organiser des formations,
rencontres, conférences, débats et ateliers sur la non-violence,
la démocratie et la paix en Palestine (voir annexe 7). Il
dispose actuellement d'une petite salle avec une bibliothèque.
Le centre de
la paix montre la volonté du département de français de
développer des relations de partenariat avec le monde extérieur,
surtout avec l’Europe. Il souligne l’importance de la langue
française comme langue d’ouverture sur le monde extérieur.
Le Centre de la paix se situe au sein d’un programme plus vaste,
associant des organisations européennes et palestiniennes
œuvrant pour la paix, en particulier au Proche-Orient. Ces
organisations, par leurs actions d’information, de
sensibilisation et d’éducation, contribuent à la construction
d’un monde plus solidaire et au développement équilibré et
durable.
L’objectif général de ce centre est l'instauration d'une culture
de la paix destinée à sensibiliser et à former les nouvelles
générations de jeunes Palestiniens afin de les ouvrir aux
principes de la paix, de la démocratie et des droits humains.
Ses objectifs spécifiques sont :
1- Inculquer les principes de base contribuant à la construction
de la paix :
- la démocratie
- les droits de l’homme et du citoyen
- la création d’un état de droit
- la non-violence
- le vivre ensemble en paix (tolérance- respect mutuel)
2- Renforcer l’enseignement des modules concernant la démocratie
et les droits humains qui existent à l’université.
3- Encourager les échanges entre professeurs et étudiants de
l’Université Al-Aqsa et ceux des autres universités locales
arabes et internationales afin de bénéficier de leur expérience,
notamment celle acquise par les pays où la pratique démocratique
est déjà bien rodée. Inviter des intervenants extérieurs.
4- Développer l’information à partir des bibliothèques, des
médias et d’Internet en donnant la possibilité à tous d’y avoir
accès toute la journée.
5- Créer un pôle « recherche-action » ayant pour but l’étude
auprès de la population de ses demandes, de ses réactions
vis-à-vis de la paix, de la non-violence, de la démocratie et
des droits humains.
Le Centre de la Paix est ouvert aux étudiants et aux professeurs
de l’université Al-Aqsa, aux étudiants et aux professeurs des
autres universités de Gaza ainsi qu’aux élèves et professeurs
des écoles, des associations et des centres de jeunes.
Depuis sa création, et malgré un manque de moyens, le Centre de
la paix de l'université Al-Aqsa de Gaza a organisé plus de
trente ateliers, sessions, rencontres et débats pour
sensibiliser les étudiants et les professeurs aux principes de
la démocratie, de la citoyenneté, des droits de l’homme, de la
non-violence et de la paix.
Les activités ont été variées : rencontres entre formateurs,
animateurs et étudiants sur la non-violence dans le contexte
palestinien, le droit des femmes, la violence dans la société
palestinienne, et les enjeux de l'éducation pour la paix.
Nous pouvons montrer que la création et le développement de ce
centre de la paix est, à travers ses activités, le résultat du
travail du département de français, mais aussi, des efforts
conjoints des associations françaises qui les soutiennent. On
peut dire, dans ce cadre, que la Francophonie est au service de
la paix en Palestine.
Perspectives :
Projet au département :
le centre d’informations francophones
Le département de français ne cesse de développer des projets de
pointe au sein de l’université Al-Aqsa. Ces projets, soutenus
par les associations françaises et francophones, ont pour
vocation de maintenir et promouvoir les relations entre la Bande
de Gaza et le monde francophone via la coopération et le
partenariat.
Ce département qui a crée le centre de ressources francophones
en 2005, a participé activement à la création du centre pour la
paix et de la démocratie au sein de l’université Al-Aqsa de Gaza
dans un contexte particulier marqué par la violence, l’isolement
et de l’occupation.
Avec sa volonté de développer la Francophonie dans la Bande de
Gaza d’une part et d’établir des liens et des échanges avec le
monde francophone, d’autre part, le département de français
développe des projets de qualité au sein de l’université Al Aqsa.
Dans ce cadre, il souhaite ouvrir un centre d’informations
francophones en octobre 2009, qui sera rattaché au département.
Ce centre sera géré par les jeunes étudiants diplômés de notre
département, et destiné à développer des liens entre la bande de
Gaza et le monde francophone. Il donnera l’occasion à ces jeunes
de pratiquer la langue française dans un milieu professionnel,
et aidera ces diplômés de trouver un travail en français dans un
contexte difficile dans la Bande de Gaza, un contexte marqué par
le chômage et l’absence de perspectives pour l’avenir.
L’objectif général de ce centre est de mettre à la disposition
des francophones une base de données et d’informations
objectives sur la situation actuelle de la bande de Gaza et
créer des opportunités pour les diplômés du département.
Ce centre s’inscrit dans un programme plus vaste associant des
universités, des centres de recherches francophones, des
organisations et des associations francophones, qui au travers
de leur implication dans ce centre pourraient participer à
promouvoir la Francophonie en Palestine.
Ce centre d’informations francophones participe des initiatives
pour ouvrir à Gaza, dans le contexte du blocus et de
l’enfermement, une fenêtre sur le monde francophone.
Conclusion :
L’enseignement du français langue étrangère a connu une
évolution remarquable ces dernières années malgré une situation
politique très délicate. L’influence de cet enseignement sur la
vie économique, sociale, culturelle et éducative est
manifestement importante. Les Palestiniens et surtout les
Palestiniens francophones professeurs de français, futurs
diplômés de français, francophones nombreux dans notre pays
-comptent -
beaucoup sur la France et le monde francophone pour changer la
situation très critique vécue par notre pays et espèrent voir le
français jouer un rôle en faveur de la paix dans notre région.
La Palestine, on le voit, est d’évidence déjà mobilisée en
faveur d’une large extension de la langue-culture française dans
ce pays indiscutablement francophile. L’apprentissage du
français et en français est donc susceptible d’offrir aux
Palestiniens une ouverture que beaucoup appellent déjà de leurs
vœux.
Puisse ce vœu être entendu !
Castellotti,
V., Pour une perspective plurilingue sur l’apprentissage
et l’enseignement des langues, in Castellotti, (dir.),
D’une langue à l’autre : pratiques et représentations,
2001.
Zarate
Geneviève, Représentations
de l’étranger et didactique des langues,
CREDIF, Paris, Didier.1993.
Ce centre a été financé par
plusieurs associations et organisations internationales
francophones en majorité.
Ma communication lors de ma
participation au colloque international organisé par
l’AFEC à Alexandrie en Egypte du 28 au 30 octobre 2007.
Le centre de
la paix
Les messages d'Al Aqsa
Les
analyses et poèmes de Ziad Medoukh
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