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BDS
Boycotter Israël, c'est lutter pour une paix juste
Jeudi 18 novembre 2010
"Une arme
indigne". Telle serait la nature de la campagne
Boycott-Désinvestissement-Sanctions (BDS) contre Israël, d'après
les signataires d'une
tribune publiée dans Le Monde daté du 2 novembre.
Ses auteurs n'hésitent pas à accuser les acteurs de la campagne
BDS de prendre le parti de la "censure", de la
"séparation" et de la "haine"… Cette lourde charge
contre BDS n'est pas la première du genre, mais la longue liste
des signataires lui confère une portée singulière, qui appelle
commentaires et éclaircissements.
Tout d'abord, les signataires du texte omettent, ou
dissimulent, le caractère international de la campagne BDS, en
réponse à un appel émanant de la société civile palestinienne en
2005. Cette "entreprise qui commence à faire parler d'elle
en France", selon leurs termes, fait en réalité parler
d'elle depuis plusieurs années aux quatre coins du monde. Du
Canada à l'Australie en passant par l'Afrique du Sud, les
Etats-Unis, l'Amérique latine et l'Europe, c'est un mouvement
international, non-violent et populaire qui se développe.
Syndicats, ONG, associations, Eglises, universités,
municipalités, personnalités de renommée mondiale et simples
citoyens se retrouvent pour défendre un même objectif :
l'application du droit.
En effet, et c'est un deuxième oubli notable de la
tribune du 2 novembre, la campagne BDS a pour seule exigence
qu'Israël "honore son obligation de reconnaître le droit
inaliénable des Palestiniens à l'autodétermination et respecte
entièrement les préceptes du droit international". La
campagne BDS n'est pas l'expression d'une haine irrationnelle
d'Israël. Comme l'écrit John Berger, écrivain britannique et
membre du comité de parrainage du Tribunal Russell sur la
Palestine, "BDS n'est pas un principe, mais une stratégie ;
ce n'est pas Israël qui est visé, c'est sa politique ; si la
politique change (dans le bon sens), le BDS prendra fin".
Les signataires de la tribune le répètent : "Nous sommes
pour la paix". Mais pensent-ils que la paix est possible
sans la justice, c'est-à-dire sans l'application du droit ? Car
c'est bien ici que se situe le nœud du problème. Israël refuse
depuis des décennies de se soumettre aux règles les plus
élémentaires du droit international. Ce sont ainsi plus de 30
résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU qu'Israël a refusé
ou refuse encore de respecter, attitude pour le moins paradoxale
de la part d'un état créé par une résolution des Nations unies.
Chaque jour, avec la colonisation, ce sont les conventions de
Genève qui sont violées. En juillet 2004, la Cour internationale
de justice (CIJ) demandait à Israël de détruire le mur construit
en Cisjordanie : le mur est toujours là, et continue de
s'étendre…
Que font nos gouvernements ? Que font les représentants de la
communauté des nations ? Exercent-ils des pressions sur Israël ?
Non. C'est fort de ce constat que la société civile
palestinienne, un an après l'avis de la CIJ concernant le mur, a
invité la société civile internationale à se charger elle-même
de faire pression sur Israël et sur nos gouvernements, pour que
l'impunité cesse. La fin de cette impunité est la seule voie
possible vers une paix réelle, où le droit et la justice
seraient des principes intangibles et non pas, comme c'est le
cas à l'heure actuelle, des objets de négociation.
S'ils ont jugé nécessaire d'avoir recours à l'arme du boycott
international, les animateurs de la campagne BDS ne confondent
pas tout, contrairement aux signataires de la tribune du 2
novembre.
Evoquant la charte de la campagne
BDS France, ces derniers affirment en effet que [pour ses
initiateurs], "tout ce qui est israélien serait coupable".
Ils auraient été mieux inspirés s'ils avaient consulté ladite
charte, dans laquelle on peut lire que "ce boycott ne vise
pas la société israélienne ni les individus qui la composent, en
tant que tels, il vise la politique coloniale d'occupation
israélienne et ses partisans".
Notre combat n'est pas fondé sur le rejet d'un peuple. Il
s'agit d'exercer une réelle pression sur l'Etat d'Israël, en
développant un boycott économique, diplomatique, et un boycott
des institutions académiques, sportives et culturelles
israéliennes. Ces institutions sont en effet trop souvent
utilisées par Israël pour soigner son image et mieux masquer sa
politique à l'égard des Palestiniens et son mépris des règles
internationales. Michel Platini, président de l'Union européenne
des associations de football (UEFA), l'a compris, menaçant
d'exclure l'Etat d'Israël de l'UEFA s'il continuait d'entraver
le développement du sport palestinien. Desmond Tutu, archevêque
sud-africain récompensé par le prix Nobel de la paix en 1984
pour son combat contre l'apartheid, s'est de son côté élevé
contre la visite prochainement prévue, en Israël, de la troupe
de l'Opéra du Cap. En tant que soutien actif de la stratégie
BDS, Desmond Tutu mérite-t-il aussi les titres de saboteur et de
naufrageur d'espoir ?
A ceux qui s'inquiètent de la dégradation de l'image d'Israël
et qui accusent la campagne BDS d'en être responsable, nous
disons qu'Israël est le seul auteur de cette dégradation. En
violant chaque jour le droit international, en commettant des
actes criminels comme les bombardements massifs sur Gaza en
2008-2009 ou l'assaut sanglant contre la Flottille de la
liberté, en poursuivant le blocus de Gaza, la construction de
colonies et l'arrachage des oliviers, Israël ne peut susciter
qu'un rejet de plus en plus fort. Au-delà de ce rejet, cette
fuite en avant meurtrière met en danger la population
israélienne elle-même : c'est pourquoi à l'intérieur d'Israël se
développe le mouvement de Boycott From Within, au sein duquel
des pacifistes, intellectuels, artistes… se sont regroupés pour
appeler la société civile internationale à amplifier BDS.
Pour toutes ces raisons, nous affirmons : tant que l'Etat
d'Israël ne respectera pas le droit international et tant que
nos gouvernements n'exerceront pas de véritables pressions pour
qu'il le fasse, nous développerons BDS. Nous savons, fort du
précédent sud-africain et de la campagne victorieuse de boycott
contre le régime d'apartheid, que cette arme, loin d'être
indigne, peut être noble et efficace lorsque les circonstances
l'exigent. C'est le cas aujourd'hui. La campagne BDS est
l'expression de la volonté de tous ceux qui pensent qu'il est
encore possible d'agir et d'éviter le pire pour les peuples de
la région. Car tant que le droit sera bafoué et que l'impunité
durera, aucune paix ne sera possible.
En soutien à l'appel palestinien "Boycott, Désinvestissement,
Sanctions" de 2005 et à la Campagne française BDS :
Nicole Kiil-Nielsen, députée européenne (Les
Verts), Patrick Le Hyaric, député européen
(Gauche unitaire européenne), Olivier Besancenot,
porte-parole du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), Monique
Cerisier Ben-Guiga, sénatrice (PS), présidente du groupe
d'information internationale France-Territoires palestiniens du
Sénat, Alima Boumédiène-Thiery, sénatrice (Les
Verts), Patrick Braouzec, député de
Seine-Saint-Denis, Clémentine Autain,
directrice de "Regards", membre de la Fédération pour une
alternative sociale et écologique (FASE), Annick Coupé,
porte-parole nationale de l'Union syndicale Solidaires,
Stéphane Tassel, secrétaire général de la FSU,
Mouloud Aounit, co-président du Mouvement contre le
racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP),
Monseigneur Jacques Gaillot, évêque, Eric Hazan,
éditeur, Gérard Toulouse, directeur de
recherche au CNRS, membre de l'Académie des sciences,
Mireille Fanon-Mendès France, Fondation Frantz Fanon,
membre de l'Union juive française pour la paix (UJFP),
Gilbert Achcar, politologue, écrivain et professeur à
l'université de Londres et Paris-VIII, Nabil Al Haggar,
universitaire, membre de l'Association des universitaires pour
le respect du droit international en Palestine (AURDIP),
Jean-Marie Muller, membre fondateur du Mouvement pour
une alternative non-violente (MAN), Omar Barghouti, palestinien,
membre fondateur de la "Palestinian campaign for the academic
and cultural boycott of Israel" (PACBI), Scandar Copti,
palestinien, réalisateur et co-auteur de Ajami (mention
spéciale à la caméra d'or du festival de Cannes 2009),
Juliano Mer Khamis, palestinien, acteur et réalisateur,
fondateur du Théâtre de la Liberté à Jénine, Michel
Warschawski, israélien, journaliste, membre fondateur
du Centre d'information alternative (AIC) et de la campagne
"Boycott from within", Eyal Sivan, israélien,
réalisateur, auteur de Jaffa, la mécanique de l'orange
(2009) et membre de la campagne "Boycott from within",
Yael Lerer, israélienne, éditrice, membre
fondatrice des éditions Andalus, spécialisées dans la traduction
vers l'hébreu d'œuvres littéraire en langue arabe, de la
campagne "Boycott from within" et de la Coalition des femmes
pour la paix (Tel Aviv).
Article publié sur Le Monde.fr le 17.11.10
Copyright © 2010 Nicole Kiil-Nielsen, députée
européenne écologiste française
Publié le 19 novembre 2010
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