En direct de Gaza
Une situation économique catastrophique
dans la bande de Gaza en 2014
Ziad Medoukh
Vendredi 16 janvier 2015
L’année 2014, dans la bande de Gaza, a
été marquée par le maintien du blocus
israélien inhumain imposé de façon
illégale par les forces de l’occupation
depuis plus de sept ans, mais aussi,
notamment par une nouvelle offensive
militaire, en été 2014, sur cette région
isolée, , la troisième offensive en cinq
ans, et la plus meurtrière, ce qui
aggrave une situation déjà difficile
pour toute la population civile, dans
tous les domaines.
Sur le plan
économique, la situation ne cesse de
s’aggraver avec les conséquences
dramatiques du blocus et de la dernière
agression qui ont causé l’augmentation
du chômage, et du niveau de pauvreté,
sans oublier l’incapacité de bâtir une
véritable économie dans la bande de
Gaza.
Pour beaucoup
d’économistes, l’année 2014 est
considérée comme la plus
catastrophique pour l’économie
palestinienne depuis 20 ans
L’économie de la
bande de Gaza souffre d’une crise très
grave due aux agressions israéliennes et
au blocus.Cette situation empêche tout
développement d'une économie en faillite
qui ne trouve pas les ressources
nécessaires pour sortir d'une crise
qui touche tous les secteurs.
On peut
d’abord qualifier la dernière attaque
israélienne sur Gaza, attaque qui
s’ajoute au blocus, de punition
collective contre plus de 1.8 millions
d’habitants qui vivent dans le chômage,
la pauvreté et la précarité, et qui se
battent quotidiennement pour survivre et
rester dignes sur leur terre.
La fermeture
totale des passages commerciaux qui
relient la bande de Gaza au monde
extérieur depuis 2007, et son
ouverture aléatoire, sporadique
arbitraire et partielle, ont rendu
l’économie gazaouite chaotique, sans
aucun espoir de redressement, tous les
secteurs économiques sont paralysés en
raison de l’arrêt complet de tous les
projets en cours.
Nous
allons essayer, dans cet article, de
parler des conséquences économiques de
la dernière offensive israélienne et du
blocus, sur la vie des habitants de
cette région, en 2014, la plus peuplée
du monde, une région oubliée, voire
abandonnée, une région en souffrance
permanente.
Les chiffres et
statistiques de cet article sont datés
de novembre- décembre 2014 .Ils
proviennent d'organisations
internationales telles que le bureau des
Nations-Unies pour les réfugiés
palestiniens-UNRWA-, le Programme des
Nations-Unies pour le Développement, la
Banque Mondiale, l’Organisation Mondiale
du Travail, le comité national de la
reconstruction de Gaza, le ministère
palestinien de l’Economie et du
Commerce, et la Chambre de Commerce et
d’Industrie de Gaza.
Les pertes et les
dégâts économiques directs de la
nouvelle agression israélienne en
juillet-août 2014 sont :
- La destruction de
20.000 logements avec plus de 100.000
personnes sans-abris
- 120 usines
détruites
- 3 banques visées
- 2 hôtels
bombardés
- 60 bateaux de
pêche détruits
- 600 petites et
moyennes entreprises détruites
totalement
-30 fermes
agricoles détruites
- 40 puits d’eau
détruits
-Des terres
agricoles dévastées
-300 sites
industriels détruits
Ces pertes ont
aggravé la situation économique pour
toute une population civile, et ont même
rendu les projets de reconstruction très
difficiles, avec des conséquences
économiques dramatiques qui ont paralysé
l’économie locale.
Les conséquences
économiques de cette nouvelle offensive
israélienne se manifestent par :
- Un recul des
indicateurs de l’économie
palestinienne, car l’économie de la
bande de Gaza contribue pour 43% au PIB
palestinien. Cette situation a rendu
l’économie palestinienne dépendante de
l’économie israélienne et de l’aide
internationale. Le pouvoir d’achat est
devenu très faible pour les Gazaouis.
-L’infrastructure
civile : 30% de l’infrastructure
civile de la bande de Gaza a été
détruite sans aucun espoir de
reconstruction immédiate.
- Les pertes
financières directes ou indirectes
dues à cette agression dépassent 5
milliards d’euros.
- Le secteur
privé a été le secteur le plus
touché, ce secteur qui employait environ
90.000 personnes avant 2014, et qui
représentait 45% du marché de travail
dans la bande de Gaza, est actuellement
paralysé. A cause de la destruction
de 90% des usines, des entreprises
privées et des ateliers, avec
l’interdiction d’entrée de matières
premières pour tous les projets et plus
de 700 installations industrielles
fermées sans réouverture, avec la
fermeture définitive en juillet 2014 de
la seule zone industrielle du nord
de la bande de Gaza , après la
destruction de toutes ses usines, à
cause de tout cela, le secteur privé
emploie actuellement moins de 10.000
personnes
- Le secteur de
l’agriculture qui employait 30.000
travailleurs a été aussi touché.
Actuellement, 4500 personnes, seulement
travaillent- avec une baisse permanente
de revenu- Ce secteur souffre, en
dehors de la destruction des terres
agricoles et des fermes, de
l’interdiction israélienne permanente de
faire exporter les produits agricoles de
Gaza connus pour leur qualité, notamment
les fraises, les tomates et les oranges,
vers les marchés externes. Sans oublier
la diminution des terrains cultivables,
des espaces ayant été détruits par les
différentes incursions israéliennes sur
les différentes régions de la bande de
Gaza. La surface cultivée a diminué de
30% en 2014.Les pertes agricoles
quotidiennes à cause de la non
exportation des produits agricoles vers
l’étranger est de 70.000 euros par jour.
Conséquence grave: beaucoup de personnes
sont en train d’abandonner leur terre
agricole à cause de ces pertes, cette
terre est remplacée par des
constructions et des bâtiments. Une
autre raison, la décision israélienne de
porter les zones tampons, au nord et au
sud de la bande de Gaza, à 500 mètres,
a conduit à la détérioration dans le
secteur agricole. De plus, la mort de
beaucoup d’animaux a rendu l’élevage
très difficile, et les prix ne cessent
d'augmenter. Les pertes du secteur
agricole ont dépassé 500 millions euros
Avant 2014, la zone
cultivée dans la bande de Gaza s'élevait
à 150 000 mètres carrés.
Actuellement, il est estimé que 40 % de
la zone cultivée, dont des vergers et
des serres, ont été gravement affectés.
Selon le rapport de la Chambre du
Commerce de Gaza, le coût de l'impact
sur les moyens de subsistance des
agriculteurs, combiné à celui des
mesures de nettoyage nécessaires,
s'élève à environ 10 millions d'euros.
- L’industrie:
90% des usines existantes sont fermées
sans réouverture à cause de la
destruction de plus de 300 sites
industriels, et du manque de matières
premières, d’exportation, d’importation.
La bande de Gaza est connue pour ses
industries de qualité, notamment les
vêtements, le tissu et le bois, les
pertes dans ce secteur depuis juillet
2014 sont de 10 millions d’euros par
mois.
- Le secteur de
la pêche souffre énormément des
attaques permanentes de la marine
israélienne. Les pécheurs Gazaouis sont
interdits de dépasser 400 mètres dans
l'eau de Gaza, ces restrictions et ces
limites ont influencé ce secteur et plus
de 1000 pêcheurs, soit, ont changé
d'activités, soit, travaillent avec un
revenu minimum.
- Le chômage a
augmenté, le taux de chômage a dépassé
les 70% en novembre 2014, mais le
phénomène le plus dangereux est la
hausse du chômage chez les jeunes de
moins de 30 ans, qui atteint 83%.
Suite à la dernière attaque israélienne,
plus de 20.000 personnes s’ajoutent aux
chômeurs
- La pauvreté.
65% de la population de Gaza vit en
dessous de seuil de pauvreté depuis
Juillet 2014
-L’augmentation
du nombre de personnes qui dépendent des
organisations humanitaires.
Selon les sources du bureau des
Nations-Unies pour les réfugiés
palestiniens –UNRWA- dans la bande de
Gaza, plus de 900.000 personnes ont
bénéficié du programme de l’aide
alimentaire géré par le bureau, ce
programme a élargi ses services pour
cibler les citoyens et non seulement les
réfugiés.
-Les passages
commerciaux : Actuellement, par
jour, 150 à 200 camions entrent à Gaza
via le seul passage commercial ouvert
cinq jours par semaine, ce passage se
situe au sud de la bande de Gaza, mais
la moitié de ces camions sont pour les
organisations internationales et leurs
projets de reconstruction d'écoles et de
stations d’eau. Parmi ces camions, 5 ou
6 seulement contiennent des matériaux de
construction notamment le ciment. Ce
passage se ferme sous n’importe quel
prétexte, par décision israélienne, sans
prendre en considération les besoins
énormes de la population civile.
Gaza n’a droit qu’à
90 produits au lieu de 750 avant le
blocus, quelques produits et médicaments
n’entrent pas, ce qui a aggravé la
situation. Selon les estimations des
organisations internationales, la bande
de Gaza a besoin de 700 camions par jour
pour répondre aux besoins énormes d’une
population en augmentation permanente.
Sans oublier la liste de 120 produits
toujours interdits d’entrer par ordre
militaire israélien.
Cette fermeture a
empêché la libre circulation des
importations et des exportations des
biens et produits de Gaza, en
particulier les matières premières et
les produits semi-finis.
L’électricité :
La seule centrale électrique qui a
été bombardée lors de la dernière
agression, fonctionne avec seulement 20%
de sa capacité, beaucoup d’usines sont
fermées à cause du manque du courant
électrique et du carburant.
L’eau : Les
dommages causés aux canalisations d’eau
et d’assainissement ont été immenses En
octobre 2014, plus de la moitié des
Gazaouis n’avait plus aucun accès à
l’eau.
Les tunnels :
La destruction de 1600 tunnels à la
frontière avec l’Egypte a aggravé la
situation économique des Gazaouis qui
comptaient beaucoup sur les produits
égyptiens les moins chers et les plus
disponibles, sans oublier la diminution
de l’arrivée des délégations
internationales et des convois de
solidarité via le passage de Rafah, qui
a causé la baisse du soutien
direct à la population. Actuellement,
les Palestiniens de Gaza comptent
seulement sur les produits israéliens
connus pour leurs prix très élevés.
Les conséquences de
la dernière offensive et cette
situation marquée par des difficultés
économiques obligent beaucoup
d’habitants à aller récupérer des
matériaux dans les zones tampons au nord
et au sud de la bande de Gaza, des
zones dangereuses contrôlées par l’armée
de l’occupation israélienne qui n’hésite
pas à tirer, causant en 2014 la mort de
plusieurs personnes.
Et la
reconstruction de Gaza après
l’offensive !
Après cinq mois de
la fin de la nouvelle offensive
israélienne d’août dernier, aucun projet
de reconstruction n’a commencé.
Le gouvernement
israélien refuse l’ouverture des
passages et maintient son blocus sur
Gaza. Les organisations internationales
n’arrivent pas à faire pression sur ce
gouvernement, et les Palestiniens de
Gaza sont dans l’attente.
Seulement 2% de
l’argent promis lors de la conférence
sur la reconstruction de la bande de
Gaza les 11 et 12 octobre 2014 au
Caire.- 5.6 milliards dollars promis-
est versé soit directement à l’autorité
palestinienne qui se heurte à
d’énormes difficultés pour mener des
projets de reconstruction, à cause des
mesures israéliennes d’une part et des
divergences politiques entre les
différents partis palestiniens d’autre
part, soit aux organisations
internationales qui s’intéressent
surtout à distribuer des aides
alimentaires aux sans abris plutôt que
de commencer la reconstruction des
maisons détruites.
Le plan Siry – le
responsable des Nations-Unies qui
prévoit l’entrée de quelques camions de
ciment par jour à Gaza sous contrôle
israélien- a donné une légitimité
internationale au blocus et a
permis à Israël d’engranger des profits
supplémentaires.
On est passé suite
à cette situation catastrophique dans la
bande de Gaza d’une économie familiale
non-violente à une économie dépendante
d’Israël et des organisations
internationales.
La division et la
surcharge des fonctionnaires des deux
gouvernements celui de Gaza- 40 000
postes civils et militaires- et
celui de Ramallah – 130 000, parmi eux
70 000 de Gaza- a aggravé la situation
économique
Une autre raison
aggrave la situation économique dans les
territoires palestiniens en général et
dans la bande de Gaza en particulier :
le gouvernement israélien doit
transférer 100 millions de dollars
chaque mois à l’autorité palestinienne,
ce sont les taxes prélevées par Israël
sur les importations et exportations
palestiniens dans les ports et aéroports
israéliens, et quand il y a une tension
dans les relations, par exemple la
demande palestinienne au Conseil de
sécurité pour une résolution de fin
d’occupation , Israël refuse de verser
cette somme à l’autorité qui se trouve
incapable de payer les salaires de 130
000 fonctionnaires, parmi eux 70.000 de
Gaza.
Ces conséquences
économiques sur la population montrent
une fois de plus que le véritable
objectif de cette nouvelle offensive
israélienne, et cela devant le silence
complice de la communauté internationale
officielle, est de casser la volonté
remarquable et la patience
extraordinaire de cette population, en
pleine résistance malgré un blocus qui
dure et qui dure, et malgré différentes
agressions israéliennes.
Les questions qui
se posent au début de cette nouvelle
année :
Quand la
reconstruction de Gaza
commencera-t-elle ?
Jusqu’à quand ce
blocus israélien inhumain contre la
population civile de la bande de Gaza ?
Jusqu’à quand la
souffrance des Palestiniens de Gaza ?
Jusqu’à quand cet
impunité d’Israël ?
Et jusqu’à quand le
silence international officiel ?
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