En direct de Gaza
PALESTINE – Être Chrétien à Gaza
Ziad Medoukh
Mardi 5 avril 2016
Fêter Pâques à Gaza n’est pas de tout
repos…
Depuis plus de dix ans, les
Chrétiens quittent Gaza, à cause des
événements tragiques qui ruinent les
territoires palestiniens en général et
la bande de Gaza en particulier,
victimes du blocus israélien, mais aussi
en raison des difficultés pour ces
derniers de pratiquer leur foi, de
rejoindre les lieux saints, Bethléem
pour la messe de Noël, Jérusalem et le
Saint-Sépulcre pour Pâques… et de
l’absence de perspectives pour toute une
population principalement versée dans le
commerce, dans cette région de plus en
plus isolée.
Les Chrétiens de Gaza, comme tous les
Chrétiens d’Orient, occupent une place
sociale et économique très importante ;
ils sont connus comme orfèvres,
négociants, propriétaires de magasins,
de stations d’essence…
C’est dans le quartier chrétien situé
dans le camp de réfugiés de Shata’, au
cœur de la ville de Gaza, qu’habite
Nabil Tarasi, un ingénieur chrétien.
Héritier d’une des grandes familles
chrétiennes établies à Gaza depuis des
siècles (parmi les familles chrétiennes
les plus connues à Gaza, on citera les
Tarasi, les Khouri, les Aiad, El-Sayagh,
El-Tawel, Saba et les Ghatas), il
regrette l’exode de sa communauté : le
nombre des membres de la communauté
chrétienne est tombé de 7.000 individus,
en 2005, à 3.000 actuellement, en 2016.
Le père Mario de Sylwa, curé de
paroisse à Gaza, insiste sur les mesures
israéliennes à l’encontre de la
population civile de Gaza et donc aussi
des Chrétiens : « Seulement 400
permis d’entrer dans Bethléem à
Noël (et seulement pour deux jours) sont
délivrés à une population de près de
3.000 âmes. »
Les Chrétiens partagent les mêmes
souffrances que le reste de la
population dans la bande de Gaza, car le
gouvernement israélien ne fait aucune
distinction entre Palestiniens musulmans
et Palestiniens chrétiens.
Dans la bande de Gaza, quatre
Églises se partagent les fidèles :
l’Église latine (catholique), deux
Églises orthodoxes, de rite oriental et
de rite occidental, et l’Église
évangéliste baptiste. Leurs bâtiments
cultuels sont ouverts pour la messe,
tous les dimanches ; et ils jouent aussi
le rôle de lieux de rencontres pour ces
communautés et les nombreuses
associations qui leur assurent une
existence très active.
À Gaza, l’église côtoie la mosquée,
et Musulmans et Chrétiens partagent la
même vie quotidienne.
La cohabitation avec les 1,8 millions
de Musulmans n’est émaillée d’aucune
hostilité, même si, parfois, certaines
frustrations existent ; mais c’est
uniquement « politique » : les emplois
publics sont moins ouverts aux
Chrétiens, depuis que le Hamas gouverne
la bande de Gaza…
Toutefois, Moussa Saba, le
responsable de l’Union des Églises
chrétiennes à Gaza, témoigne d’une bonne
intégration des Chrétiens dans la
population gazaouite : « Même si
notre nombre a beaucoup diminué, nous
avons nos propres églises catholiques,
orthodoxes, et nous avons nos propres
écoles et nos propres associations. »
Une entente cordiale que confirme
Ibrahim El-Jahchan, directeur d’une
association chrétienne : « Les
relations sociales dans la bande de
Gaza, entre Musulmans et Chrétiens, sont
fortes, basées sur la fraternité et le
respect réciproque, tout simplement car
les deux communautés partagent déjà une
même langue et une même culture, mais
aussi la souffrance et les
difficultés que l’adversaire israélien
nous impose. »
Selon Jaber El-Jelda, porte-parole de
l’Église grecque orthodoxe à Gaza, lors
de l’agression israélienne de 2014, qui
a causé la mort de près de 2.000 civils
gazaouis et en a blessé des dizaines de
milliers d’autres, il n’y a eu que trois
morts dans la communauté chrétienne,
mais toutes les églises de Gaza ont
appelé à la prière ensemble, avec les
Musulmans, et les églises ont été
ouvertes aux sans-abri, quelle que fût
leur confession : « Il y a toujours
eu une entraide sincère entre les
Chrétiens et les Musulmans de Gaza, et
cela depuis 1948… »
Il existe cinq écoles chrétiennes à
Gaza : la Sainte famille, l’École
latine, l’École grecque orthodoxe, la
Terre sainte et l’école des Sœurs du
Rosaire. Elles comptent parmi les
meilleures écoles de Gaza, pour
l’enseignement des langues notamment, et
sont dès lors fréquentées par des élèves
musulmans, beaucoup plus nombreux que
leurs condisciples chrétiens. L’École
grecque orthodoxe, par exemple,
accueille ainsi 600 élèves dont
seulement une centaine sont chrétiens.
Bien sûr, tout ne passe pas toujours
sans mal… Certains membres du
gouvernement local ont essayé d’imposer
la lecture obligatoire du Coran dans les
écoles chrétiennes ; mais elles ont
objecté de leur liberté d’enseignement,
et elles ont eu gain de cause.
Une dizaine d’associations
chrétiennes survivent également :
l’Union des Églises chrétiennes,
l’Association de la jeunesse chrétienne,
les Amis de l’Église baptiste,
l’Organisation catholique Caritas,
Jeunes et Eglise, les Œuvres
pontificales missionnaires, le Secours
catholique… Aidées par la générosité
internationale et la solidarité des
Chrétiens du monde entier.
Même isolés dans la prison à ciel
ouvert de Gaza et même coupés des
chrétiens de Jérusalem et de Bethléem,
et même éloignés des autres communautés
chrétiennes du Moyen-Orient, les
Chrétiens de Gaza existent et
persistent.
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Publié sur
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