Syrie
Les USA sur le point
d’entreprendre l’invasion de la Syrie.
Les décideurs de Washington appellent à
la division, à la destruction et à
l’occupation militaire de la Syrie
Tony Cartalucci
Mardi 7 juillet 2015
À l’insu du grand public,
ce ne sont pas les politiciens élus qui
sont à l’origine des politiques qui
lient leur destinée à celui de la nation
ou à la sphère géopolitique. Ce sont
plutôt les groupes de réflexion financés
par la grande entreprise et les grands
financiers – des équipes de décideurs
non élus qui transcendent les élections
et qui produisent des documents servant
ensuite de fondement aux dispositions
législatives qui reçoivent l’aval des
« législateurs » et qui sont aussi
repris et répétés ad nauseam par les
grands médias.
Un document de politique de ce
genre a été récemment produit par le
tristement célèbre groupe de réflexion
US Brookings Institution, document
intitulé Deconstructing
Syria: Towards a regionalized strategy
for a confederal country [Déconstruction
de la Syrie : vers une stratégie
régionale pour la création d’un pays
confédéré]. Cette conspiration à
découvert, signée et datée, visant à
diviser, à détruire, puis à occuper
progressivement une nation souveraine
située à des milliers de kilomètres des
rives de l’Amérique illustre de manière
peu rassurante à quel point
l’impérialisme moderne demeure dangereux
et tenace, même en ce 21e siècle.
Le groupe armé État
islamique (EI) comme prétexte : les USA
ont versé des milliards de dollars à des
« modérés » qui n’existent pas
Les auteurs de ce document
admettent ouvertement que les USA ont
fourni des milliards de dollars pour
armer et entraîner des militants qui ont
servi à alimenter un conflit dévastateur
aux proportions de plus en plus
régionales. Ils admettent que les USA
maintiennent des opérations en Jordanie
et en Turquie, membre de l’OTAN, afin
d’injecter encore plus d’armes, d’argent
liquide et de combattants dans ce
conflit déjà catastrophique, et qu’ils
devraient même élargir leurs opérations.
Ils relatent ensuite
l’ascension du prétendu « État
islamique » (EI), sans toutefois
expliquer la provenance de son
financement et de ses armes. Le lecteur
comprendra sans peine que si les
États‑Unis ont engagé des milliards de
dollars en argent comptant, en armement
et en entraînement pour soutenir sur de
multiples fronts de prétendus
« modérés » qui, en somme, n’existent
pas sur le champ de bataille, un soutien
étatique plus grand encore serait requis
pour la création et le maintien d’e l’EI
et du Front al‑Nosra d’al‑Qaida qui, de
l’aveu même de la Brookings Institution,
dominent sans conteste l’« opposition ».
En réalité, les
lignes d’approvisionnement d’e l’EI
conduisent tout droit aux zones
opérationnelles US en
Turquie et en Jordanie, car c’est bien
l’Ei et al‑Qaida que l’Occident
prévoyait utiliser avant même que le
conflit n’éclate en 2011, et sur
lesquels il a depuis fondé sa stratégie
– y compris la plus récente étape de la
campagne.
Image : Au
dire de tous, y compris des groupes de
réflexion et des grands médias
occidentaux, le territoire du groupe
armé État islamique englobe des
corridors qui vont jusqu’à la Turquie,
membre de l’OTAN, et jusqu’à la
frontière de la Jordanie, alliée des
USA. Ces deux pays hébergent un
personnel militaire US considérable
ainsi que des contingents de la CIA et
des forces spéciales. Il va de soi que
l’EI est une création et un prolongement
de l’Occident qui subsiste grâce au flux
constant de fournitures provenant de ces
deux bases d’opération.
L’invasion US de la
Syrie
Après avoir armé et financé une
armée de terroristes d’al‑Qaida occupant
littéralement la superficie d’une région
entière, les États‑Unis prévoient
maintenant profiter du chaos qui en
résulte pour justifier ce qu’ils
recherchent depuis le début du conflit,
alors qu’il était devenu évident que le
gouvernement syrien n’allait ni
capituler ni s’effondrer – soit
l’établissement de zones tampons
aujourd’hui qualifiées par la Brookings
Institution de « zones sécuritaires».
Une fois créées, ces zones
accueilleront des forces armées US, qui
occuperont littéralement des territoires
syriens saisis, nettoyés par des alliés
interposés, dont des groupes kurdes et
des bandes de combattants d’al‑Qaida
dans le Nord, et des milices terroristes
étrangères opérant le long de la
frontière jordano‑syrienne dans le Sud.
La Brookings Institution va même jusqu’à
admettre que plusieurs de ces zones
seraient créées par des extrémistes,
mais que les critères de « pureté
idéologique » seraient en quelque sorte
« abaissés ».
Image : L’Occident
n’a que légèrement voilé son soutien à
al‑Qaida et à l’EI à un grand public
impressionnable. Dans les milieux
politiques, les propos concernant
l’utilisation d’al‑Qaida pour diviser et
détruire les ennemis de Wall Street
partout dans le monde sont animés et
enthousiastes.
Les États‑Unis supposent que
lorsqu’ils se seront approprié ce
territoire et que des troupes US y
seront stationnées, l’Armée arabe
syrienne n’osera pas attaquer de crainte
de provoquer une réaction militaire US
directe contre Damas. Dans son document,
la Brookings Institution affirme ce qui
suit (c’est nous qui soulignons) :
L’idée serait d’aider les
éléments modérés à établir des zones
sécuritaires fiables à l’intérieur de la
Syrie lorsqu’ils seraient en mesure de
le faire. Les
forces étasuniennes, de même que les
forces saoudiennes, turques,
britanniques, jordaniennes et autres
forces arabes, agiraient comme soutiens,
non seulement à partir des airs, mais
par la suite au sol, et ce, par
l’intermédiaire des forces spéciales.
La stratégie mettrait à profit le
terrain désertique ouvert de la Syrie,
qui permettrait la création de zones
tampons où serait surveillé tout signe
d’attaque ennemie au moyen d’outils
technologiques, de patrouilles et autres
méthodes pour la mise en place
desquelles les forces spéciales externes
pourraient venir en aide aux combattants
syriens locaux.
Si Assad était assez
bête pour menacer ces zones, et même
s’il parvenait en quelque sorte à forcer
le retrait des forces spéciales
externes, il perdrait sans doute sa
puissance aérienne au cours des frappes
de représailles qui s’ensuivraient,
menées par ces mêmes forces, ce qui
priverait ses militaires de l’un des
seuls avantages dont ils bénéficient par
rapport à l’EI. Il serait donc peu
probable qu’il le fasse.
En un seul énoncé, la
Brookings Institution admet que le
gouvernement syrien n’est pas engagé
dans une guerre contre son peuple, mais
contre l’« Etat islamique » (EI). Il est
évident que la Brookings Institution,
les politiciens et autres stratèges
partout en Occident se servent de la
menace que représente l’EI combinée à
celle d’une intervention militaire
directe comme levier devant finalement
leur permettre d’envahir le territoire
syrien pour se l’approprier entièrement.
L’invasion pourrait
réussir, mais pas au profit des alliés
interposés des USA
Le plan tout entier suppose de
la part des États‑Unis d’abord la
capacité de s’approprier ces « zones »
et de s’y maintenir et, ensuite, celle
de les articuler en régions autonomes
fonctionnelles. Des tentatives
similaires de « construction de
nations » par les USA sont aujourd’hui
visibles en Afrique du Nord dans l’État
en déroute qu’est devenue la Libye,
voisine sud‑est de la Syrie, en Irak, en
Afghanistan, en Somalie… la liste est
longue.
La folie de ce plan, tant par
les tentatives de recourir pour le
mettre en œuvre à une crédibilité non
existante et à la force militaire, que
du fait de ceux qui sont suffisamment
bêtes pour faire confiance à un pays qui
a laissé dans son sillage à l’échelle de
la planète une bande de destruction et
d’États en déroute allant du Vietnam du
Sud à la Libye, aller-retour, ne peut
être qualifiée que de monumentale.
Il est presque certain que
cette stratégie peut servir à achever la
destruction de la Syrie. Elle ne peut
toutefois pas servir à réaliser l’une ou
l’autre des promesses que feront les
États‑Unis, quelles qu’elles soient,
pour obtenir la coopération des divers
acteurs nécessaires à sa réussite.
Image : « Libérée »
par les USA et par l’OTAN, la Libye est
sous la domination d’al‑Qaida, qui s’est
récemment rebaptisée elle‑même EI. Les
allégations des décideurs US selon
lesquelles leur invasion progressive de
la Syrie se traduira par quelque chose
de différent pour les Syriens sont à
tout le moins malhonnêtes.
Il existe assurément des
mesures que la Syrie, ses alliés l’Iran
et le Hezbollah, de même que la Russie,
la Chine et d’autres nations qui
subissent les menaces hégémoniques
occidentales peuvent prendre pour
empêcher les forces US de s’approprier
et de conserver des parties du
territoire syrien et de réaliser ce qui
constitue essentiellement une lente
invasion. Déjà, les USA ont utilisé
comme prétexte la présence de leurs
propres hordes d’ISIS pour se livrer à
des opérations militaires sur le
territoire syrien, ce qui, comme prévu,
a conduit à l’étape suivante d’invasion
progressive.
Une augmentation des forces de
maintien de la paix non otanaises en
Syrie pourrait en définitive faire échec
aux plans de l’Occident. La présence
d’Iraniens, de Libanais, de Yéménites,
d’Afghans ou d’autres forces partout en
Syrie, particulièrement en bordure de la
« zone » que les USA s’efforcent de
créer, pourrait placer ces derniers
devant l’éventualité d’une confrontation
multinationale pour laquelle ils n’ont
ni la volonté politique ni les
ressources nécessaires.
En dernière analyse, la
capacité de la Syrie et de ses alliés à
opposer une force de dissuasion
suffisante à l’agression US en Syrie, et
ce, tout en coupant les lignes
logistiques utilisées par les USA pour
approvisionner ISIS et d’autres groupes
terroristes actifs en Syrie et en Irak,
sera déterminante pour la survie de la
Syrie.
Tony Cartalucci
Article original en anglais:
US To Begin the
Invasion of Syria. Washington
Policymakers Call for the Division,
Destruction and Military Occupation of
Syria, publié
le 26 juin 2015
Source principale : New
Eastern Outlook
Traduction par Jacques pour Mondialisation.ca
Tony Cartalucci,
rédacteur et analyste en géopolitique
basé à Bangkok. Il écrit surtout pour le
magazine Web New
Eastern Outlook.
Source :
http://www.mondialisation.ca/...
Le
dossier Syrie
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