Écouter une femme ou un homme, être attentif à ses attentes, à ses blessures, à ses doutes, c’est accéder à la complexité. Notre conception du monde est peut-être simple, nos principes sont peut être limpides… mais la vie est compliquée… comme chaque cœur et chacune de nos intelligences. Qui est attentif et respectueux de lui-même et d’autrui sait cela. Il est étonnant que ce que nous savons presque naturellement dans nos relations affectives et quotidiennes s’évapore et disparaisse dans le néant dès lors que l’on considère l’autre d’une autre religion, d’une autre culture, d’une autre histoire. Ici, c’est l’information concise, rapide, tranchée et presque définitive qui donne corps à notre relation : comme s’il s’agissait de comprendre en profondeur ses amis et uniquement de s’informer en surface des réalités d’autrui. On donne aux uns, par amitié et par amour, ce dont on prive les autres, par indifférence et par préjugés. Tout en prônant le dialogue. L’évidence de ce que l’on sait sur l’autre ne naît pas du temps que l’on a pris à écouter et à le comprendre, mais provient de la fréquence avec laquelle une information a été répétée : avec la vitesse et l’ère de la communication par satellite, les évidences, nos évidences, ont changé de nature…
Il est impératif que nous réapprenions le sens de l’étude, de la compréhension en profondeur, que nous accédions ensemble à une plus grande perception de la complexité sur laquelle s’organisent les références et la vie d’autrui. Écouter, réapprendre à comprendre, accepter de ne pas comprendre parfois sont autant de voies qui mènent à la pensée profonde, nuancée, parfois silencieuse et sans jugement.
Nos ennemis d’aujourd’hui, sont la caricature et le préjugé : l’absence d’information faisait hier de nous de simples ignorants de certaines cultures, de certaines réalités ou de certains événements ; l’information caricaturale, superficielle, voire la désinformation, nous donne aujourd’hui l’illusion de la connaissance. Or, l’illusion d’aujourd’hui est bien plus dangereuse que l’ignorance d’hier : elle est mère de la suffisance, des jugements définitifs et des dictatures intellectuelles. Le mouvement va dans les deux sens : avoir le souci d’éviter les simplifications, d’une part, et offrir à l’autre un accès à la complexité de son être et de ses références, d’autre part. Tel nous paraît être le défi du dialogue dans une société culturellement plurielle.
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