Lettre d'adieux du martyr Ernesto ‘Che’
Guevara
lue par Fidel Castro
Capture
d'écran PalSol
Mardi 10 octobre 2017
Adresse du Commandant Fidel Castro
Ruz, Premier Secrétaire du Parti
communiste de Cuba et Premier ministre
du gouvernement révolutionnaire, face au
Comité central du Parti communiste de
Cuba à La Havane, le 3 octobre 1965.
Traduite en français pour la première
fois à l'occasion du cinquantenaire de
l'assassinat du Che par la CIA, le 9
octobre 1967
La lettre d’adieux
du Commandant Ernesto Che Guevara a été
lue par Fidel Castro le 3 octobre 1965 à
La Havane, face aux Comité Central du
Parti Communiste cubain et devant les
caméras. Après son retour d’Afrique en
février 1965, le Che avait disparu de la
scène publique sans explication
officielle. A Cuba et surtout à
l’étranger, des rumeurs faisaient
notamment état de prétendues dissensions
entre Fidel et le Che, voire d’un
assassinat à l'occasion d'une purge.
Cette lettre écrite de la main du Che a
prouvé le caractère infondé de ces
calomnies, que les réactionnaires (et
pseudo-révolutionnaires) continuent à
propager jusqu’à ce jour pour
discréditer Cuba.
Avant même le commencement de la
Révolution cubaine, le Che,
internationaliste convaincu, ne s’était
engagé aux côtés de Fidel Castro qu’à la
condition de rester libre de poursuivre
son action révolutionnaire et
anti-impérialiste sous d'autres cieux
après la victoire face à Batista. Ses
actions au Congo et en Bolivie n’ont été
révélées qu’après sa mort avec la
publication de ses Journaux de guerre
par le gouvernement cubain.
[…] Il y a une
absence dans notre Comité Central,
(l’absence d’une personne) qui possède
au plus haut degré tous les mérites et
toutes les vertus nécessaires pour en
faire partie, mais qui malgré cela n’est
pas présent parmi les membres de notre
Comité Central.
Autour de cette
absence, l’ennemi a pu tisser mille
conjectures; l’ennemi a essayé de duper
et de semer l’ivraie et le doute, et
patiemment, car il fallait attendre,
nous avons attendu.
Et c’est ce qui
différencie le révolutionnaire du
contre-révolutionnaire, le
révolutionnaire de l’impérialiste : nous
les révolutionnaires, nous savons
attendre, nous savons être patients,
nous ne désespérons jamais, et les
réactionnaires, les
contre-révolutionnaires, les
impérialistes, vivent dans le désespoir
permanent, ils vivent dans l’angoisse
perpétuelle, dans le mensonge perpétuel,
de la manière la plus ridicule, la plus
infantile.
Quand on lit ce que
disent certains de ces fonctionnaires,
certains de ces sénateurs Yankees, on se
demande : ‘Mais comment est-il possible
que cet homme ne soit pas dans une
étable au lieu d’appartenir à ce qu’on
appelle un Congrès ?’ (Applaudissements)
Certains profèrent de véritables
outrages. Et ils ont une habitude de
mentir colossale et irrépressible, ils
ne peuvent pas vivre sans mentir. Ils
vivent dans la détresse.
Si le gouvernement
révolutionnaire déclare quelque chose –
c’est ce qu’il a toujours fait – comme
il l'a fait pour la question que j’ai
mentionnée au début de mon propos, ils y
voient des choses horribles,
effroyables, ils imaginent tout un plan
derrière cela !
Quel ridicule !
Avec quelle peur ils vivent ! Et on se
demande : le croient-ils vraiment ? Y
croient-ils vraiment ? Est-ce qu’ils
croient tout ce qu’ils disent ? Ou
ont-ils besoin de croire tout ce qu’ils
disent ? Ou ne peuvent-ils vivre sans
croire tout ce qu’ils disent ? Ou
disent-ils tout ce qu’ils ne croient pas
?
C’est difficile à
dire, il faudrait poser la question à
des médecins et à des psychologues.
Qu’est-ce qu’ils ont dans la tête,
quelle est donc cette angoisse qui les
amène à voir partout une manœuvre, un
plan effroyable, maléfique, terrible ?
Et ils ne savent pas qu’il n’y a pas de
meilleure tactique, pas de meilleure
stratégie que de lutter avec des armes
propres, de se battre avec la vérité,
car ce sont les seules armes qui
inspirent la confiance, ce sont les
seules armes qui inspirent la foi, ce
sont les seules armes qui inspirent la
sécurité, la dignité, le moral. Et ce
sont les armes avec lesquelles nous les
révolutionnaires avons vaincu et écrasé
nos ennemis.
Le mensonge. Qui a
déjà entendu un mensonge dans la bouche
d’un révolutionnaire ? [Jamais
personne.] Parce que ce sont des armes
qui ne profitent à aucun
révolutionnaire, et aucun
révolutionnaire authentique n’a jamais
besoin de recourir à un mensonge ; ses
armes sont la raison, la moralité, la
vérité, la capacité de défendre une
idée, une proposition, une prise de
position.
Et en fin de
compte, le spectacle moral offert par
nos adversaires est vraiment lamentable.
Ainsi, les augures, les interprètes, les
spécialistes des questions cubaines et
les machines électroniques ont travaillé
sans cesse à démêler ce mystère. Est-ce
qu’Ernesto Guevara a été victime d’une
purge, est-ce qu’Ernesto Guevara est
malade, est-ce qu’Ernesto Guevara a eu
des divergences (avec Fidel), et autres
insanités du même genre.
Naturellement, le
peuple a confiance, le peuple a la foi.
Mais les ennemis profitent de ces
choses, surtout à l’étranger, pour
calomnier : « Voyez donc ce régime
communiste ténébreux et terrible, les
hommes y disparaissent, ils ne laissent
aucune trace, aucun vestige, aucune
explication n’est fournie. » Alors que
lorsqu’il le fallait, nous avons dit au
peuple, quand les gens ont commencé à
constater cette absence, que nous en
parlerions au moment opportun, et que
nous avions des raisons d’attendre
(avant de dévoiler ce qu’il en était).
Nous évoluons dans
un milieu cerné par les forces de
l’impérialisme. Le monde ne vit pas dans
des conditions normales : alors que les
bombes criminelles des impérialistes
yankees tombent sur un peuple comme
celui du Vietnam, nous ne pouvons pas
dire que nous vivons dans des conditions
normales (Applaudissements) ;
lorsque plus de 100 000 soldats yankees
y débarquent pour essayer d’écraser le
mouvement de libération national ; quand
les soldats de l’impérialisme débarquent
dans une République qui jouit légalement
des mêmes droits que toutes les autres
Républiques du monde, ce qui est le cas
de Saint-Domingue, pour piétiner sa
souveraineté (Applaudissements),
le monde ne vit pas dans des conditions
normales. Lorsque, autour de notre pays,
les impérialistes forment des
mercenaires et organisent des attaques
terroristes de la manière la plus
impunie, comme dans le cas de la
Sierra Aránzazu ; lorsque les
impérialistes menacent d’intervenir dans
n’importe quel pays d’Amérique latine et
du monde, on ne vit pas dans des
conditions normales. Et lorsque nous
nous sommes battus dans la clandestinité
contre la tyrannie de Batista, nous les
révolutionnaires ne vivions pas dans des
conditions de normalité, et nous devions
donc nous conformer aux règles (très
strictes) de la lutte ; de la même
manière, bien que le pouvoir
révolutionnaire existe dans notre pays,
en ce qui concerne les réalités du
monde, nous ne vivons pas dans des
conditions normales et nous devons
respecter les règles de cette situation
(qui nous imposent la prudence et le
secret).
Et pour expliquer
cela, nous allons lire une lettre
manuscrite que j’ai ici entre les mains,
et qui a été retranscrite par machine à
écrire (pour m'en faciliter la lecture),
du camarade Ernesto Guevara (Applaudissements),
qui s’explique lui-même (sur les raisons
de son absence). Je m’étais demandé si
je devais retracer l’histoire de notre
amitié et de notre fraternité, comment
elle a commencé, dans quelles conditions
et comment elle s’est développée. Mais
ce n’est pas nécessaire. Je vais
simplement lire la lettre.
Elle dit : « La
Havane... »
La date n’a pas été
inscrite, puisque cette lettre devait
être lue au moment que nous jugerions le
plus opportun, mais pour coller à la
stricte réalité, elle m’a été remise le
1er avril de cette année, il y a
exactement six mois et deux jours.
Voilà ce qu’elle
dit :
« La Havane,
année de l'Agriculture [1965].
Fidel,
Je me souviens en ce moment de
beaucoup de choses : du jour où j’ai
fait ta connaissance dans la maison de
Maria Antonia, du moment où tu m’as
proposé de venir avec vous [pour
participer à la Révolution cubaine] et
de toute la tension des préparatifs.
Un jour, on est venu nous demander
qui devait être prévenu en cas de décès,
et la possibilité réelle de ce fait (la
mort) nous a tous saisis. Par la suite,
nous avons su que c'était vrai, et que
dans une Révolution, on triomphe ou on
meurt – si elle est véritable. De
nombreux camarades sont tombés sur le
chemin menant à la victoire.
Aujourd’hui, tout a un ton moins
dramatique, parce que nous sommes plus
mûrs ; mais les faits se répètent. J’ai
l’impression d’avoir accompli la part de
mon devoir qui me liait à la Révolution
cubaine sur son territoire, et je prends
congé de toi, des compagnons, et de ton
peuple qui est maintenant aussi le mien.
Je démissionne formellement de mes
fonctions à la Direction du Parti et de
mon poste de ministre, et je renonce à
mon grade de Commandant et à ma
nationalité cubaine. Rien de légal ne me
lie plus aujourd’hui à Cuba, à
l'exception des liens d’une autre nature
qu’on ne peut briser, contrairement aux
titres.
En passant ma vie en revue, je crois
avoir travaillé avec suffisamment
d’honnêteté et de dévouement à la
consolidation du triomphe
révolutionnaire. Ma seule faute de
quelque gravité, c’est de ne pas avoir
eu plus confiance en toi dès les
premiers moments dans la Sierra Maestra
et de ne pas avoir su discerner plus
rapidement tes qualités de leader et de
révolutionnaire. J’ai vécu des jours
magnifiques et j’ai éprouvé à tes côtés
la fierté d’appartenir à notre peuple en
ces journées lumineuses et tristes de la
Crise des Caraïbes. Rarement un chef
d’Etat ne fut aussi brillant que tu le
fus dans ces circonstances, et je me
félicite aussi de t’avoir suivi sans
hésiter, d’avoir adhéré pleinement à ta
façon de penser, et d'avoir su voir et
apprécier les dangers et les principes
de la même façon que toi.
D’autres terres du monde réclament le
concours de mes modestes efforts. Je
peux faire ce qui t’est interdit par tes
responsabilités à la tête de Cuba, et
l’heure est venue de nous séparer.
Sache que je pars avec un mélange de
joie et de douleur. Je laisse ici les
plus pures de mes espérances de
constructeur et les plus chers de tous
les êtres que j’aime. Et je laisse un
peuple qui m’a adopté comme un fils.
Cela déchire toute une partie de mon
âme. Sur les nouveaux champs de
bataille, j'apporterai la foi que tu
m’as inculquée, l’esprit révolutionnaire
de mon peuple, le sentiment d’accomplir
le plus sacré des devoirs : lutter
contre l’impérialisme où qu’il se
trouve. Cela réconforte et guérit
avantageusement les blessures les plus
profondes.
Je répète une fois encore que je
délivre Cuba de toute responsabilité,
sauf de celle qui émane de son exemple.
Si un jour, sous d’autres cieux,
survient pour moi l’heure fatidique (du
martyre), ma dernière pensée sera pour
ce peuple et plus particulièrement pour
toi. Je te remercie pour tes
enseignements et ton exemple envers
lesquels j’essaierai de rester fidèle
jusqu’à l'ultime conséquence de mes
actes. J’ai toujours été en accord total
avec la politique extérieure de notre
Révolution et je le suis encore. Partout
où je me trouverai, je sentirai toujours
peser sur moi la responsabilité d’être
un révolutionnaire cubain, et je me
comporterai comme tel. Je ne laisse
aucun bien matériel à mes enfants et à
ma femme, et cela ne me chagrine pas. Je
suis heureux qu’il en soit ainsi. Je ne
demande rien pour eux, car je sais que
l’Etat leur donnera ce qu’il faut pour
assurer leur subsistance et leur
instruction.
J’aurais encore beaucoup à dire, à
toi et à notre peuple, mais je sens que
c’est inutile, car les mots ne peuvent
exprimer ce que je voudrais dire, et ce
n’est pas la peine de noircir davantage
de papier.
Jusqu’à la victoire, toujours.
La Patrie ou la Mort !
Je t’embrasse avec toute ma ferveur
révolutionnaire.
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