Alahed
Le centenaire du génocide arménien:
Erdogan coupable de déni
Samer R. Zoughaib
Photo:
D.R.
Vendredi 24 avril 2015
Le centenaire du génocide
arménien commis par les Turcs à l'époque
de l'empire ottoman, à partir de 2015, a
eu cette année un grand retentissement
sur la scène internationale. Mais la
Turquie fait la sourde oreille et
s'implique davantage dans un autre
drame, celui de la Syrie voisine.
Plus de 60
délégations étrangères sont attendues en
Arménie pour participer aux
commémorations du centenaire du génocide
arménien perpétré lors de la Première
Guerre mondiale par le gouvernement des
Jeunes turcs.
Lors d'une cérémonie organisée ce
vendredi au mémorial dédié aux victimes
du génocide, sur les hauteurs de la
capitale arménienne, Erevan, le
président arménien Serge Sarkissian a
remercié les leaders mondiaux d'être
présents pour cet événement. «Rien ne
sera oublié», a déclaré M. Sarkissian
devant plusieurs dirigeants étrangers,
dont les présidents russe Vladimir
Poutine et français François Hollande.
Le chef de l'Etat chypriote Nikos
Anastasiadis et le dirigeant serbe
Tomislav Nikolic devront intervenir lors
de la cérémonie de commémoration.
L'anniversaire du génocide arménien a
eu, cette année, un retentissement
exceptionnel sur la scène
internationale. Le 12 avril dernier, le
pape François a utilisé publiquement,
pour la première fois, le terme
hautement symbolique de «génocide» pour
qualifier l'extermination des Arméniens.
«Au siècle dernier, notre famille
humaine a traversé trois tragédies
massives et sans précédent. La première,
qui est largement considérée comme ‘le
premier génocide du XXe siècle', a
frappé votre peuple arménien», a déclaré
le souverain pontife lors d'une messe
dite pour le centenaire du génocide, à
l'invitation de l'Eglise catholique
arménienne.
La réaction de la Turquie ne s'est pas
fait attendre. Ankara a convoqué
l'ambassadeur du Vatican pour évoquer la
question et a ensuite rappelé son propre
ambassadeur au Vatican. Ankara a
également rappelé son ambassadeur en
Autriche, après que le Parlement
viennois ait reconnu symboliquement le
génocide arménien.
Un plan d'extermination
Trois jours après le
pape François, les députés européens
ont, à leur tour, prononcé
officiellement le mot que la Turquie
considère toujours comme tabou. Mais
avant même le vote du Parlement
européen, le représentant de la Turquie
moderne, a fait la sourde oreille. Le
président Recep Tayyeb Erdogan avait
déclaré que «quelle que soit la décision
qu'ils (les eurodéputés) pourraient
prendre, cela m'entrera par une oreille
et sortira par l'autre».
«Personnellement je ne m'en préoccupe
pas car nous ne portons pas la tache ou
l'ombre d'un génocide», a-t-il ajouté.
Erdogan
s'était déchainé contre le pape
François, l'accusant de partialité et de
ne se préoccuper que des victimes
chrétiennes de la période. La Turquie
conteste le chiffre d'un million et demi
de morts arméniens, parlant de quelques
centaines de milliers de victimes, et
nie qu'il s'agit d'un génocide.
Pourtant, les faits historiques montrent
clairement qu'il s'agissait d'un plan
d'extermination bien préparé, dont le
signal a été donné par le gouvernement
des Jeunes turcs, le 24 avril 1915,
lorsque 600 notables arméniens ont été
assassinés à Constantinople. Afin de
justifier cette décision, Talaat Pacha,
le dirigeant turc de l'époque, a
présenté les Arméniens comme des
«ennemis de l'intérieur», qui font le
jeu des puissances étrangères. Il
ordonne la liquidation des élites
arméniennes, puis des Arméniens au sein
de l'armée. Le 15 septembre 1915,
l'extermination s'étend aux populations
civiles, «sans tenir compte de l'âge ni
du sexe». Les Arméniens sont chassés de
leurs villages et déportés vers Alep,
puis à Deir Ezzor, en Syrie. En juillet
1916, des milliers d'Arméniens sont
poussés sur les chemins de l'exode, dans
des conditions épouvantables, privés
d'eau et de nourriture. La plupart
mourront de fin et de soif dans le
désert.
D'avril 1915 à décembre 1918, environ
1,5 million d'Arméniens sont massacrés.
Lors du démembrement de l'Empire
ottoman, ils ne seront plus que quelques
dizaines de milliers.
Pour que l'histoire ne se répète
pas
Pour tenter de faire
de l'ombre à la cérémonie organisée à
Erevan, la Turquie commémore, ce 24
avril, à Gallipoli, le centième
anniversaire de la bataille des
Dardanelles (25 avril 1915-9 janvier
1916). Cette cérémonie est placée par
Ankara sous le signe de la
réconciliation mais elle est compromise
par l'hostilité de la Turquie à l'égard
de la cérémonie de Erevan. Une vingtaine
de dirigeants du monde entier,
ex-belligérants ou simples voisins, ont
répondu à l'invitation d'Ankara pour
honorer le souvenir des soldats de
l'Empire ottoman, de l'Empire
britannique et de France tombés pendant
cet épisode meurtrier de la Première
Guerre mondiale.
Le déni du génocide arménien affiché par
Erdogan illustre la mentalité du
leadership turc, qui se pose en héritier
de l'empire ottoman.
Cette même attitude belliqueuse et
hostile se voit en Syrie, où la Turquie
est directement responsable de la
souffrance des Syriens, car elle arme et
entraine les extrémistes venus des
quatre coins du monde, qui mettent le
pays à feu et à sang. Sans le soutien
des services de renseignements et de
l'armée turcs, les terroristes qaïdistes
du Front al-Nosra n'auraient pas pu
prendre la ville d'Idleb, dans le Nord,
début avril. Ils auraient aussi été
chassés des quartiers d'Alep qu'ils
occupent.
Cent ans après le génocide, les rescapés
de ce crime contre l'humanité installés
dans cette grande ville de Syrie se
retrouvent confrontés à des criminels
appuyés par la Turquie, qui veulent de
nouveau les déraciner. Mais cette fois,
les descendants des Arméniens de Cilicie
ont décidé de résister à leurs
bourreaux, aux côtés de l'armée
syrienne... pour que l'histoire ne se
répète pas.
Source :
French.alahednews
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