Alahed
Echec saoudien au Yémen:
des conséquences stratégiques
Samer R. Zoughaib
Photo:
D.R.
Mercredi 22 avril 2015
L'Arabie saoudite a annoncé,
mardi soir, la fin de sa campagne
aérienne contre le Yémen, presqu'un mois
après son lancement, sans avoir atteint
aucun des objectifs qu'elle s'était
fixée. Cet échec aura des répercussions
importantes sur les rapports de force
régionaux... au détriment du royaume
wahhabite.
Presque un mois après
avoir lancé sa campagne aérienne contre
le Yémen, l'Arabie saoudite a subitement
annoncé, mardi soir, la fin des raids,
arguant du fait que les opérations
militaires avaient atteint leurs
objectifs. Le porte-parole saoudien, le
général Ahmed al-Assiri, a expliqué que
la campagne a été stoppée «à la demande
du gouvernement et du président du
Yémen», Abed Rabbo Mansour Hadin,
réfugié à Riyad. Selon le ministère
saoudien de la Défense, les raids
aériens sont parvenus «avec succès à
éliminer les menaces pesant sur la
sécurité de l'Arabie saoudite et des
pays voisins». Il a fait état de la
«destruction d'armes lourdes et de
missiles balistiques, qui avaient été
saisis par la milice Houthie et les
forces de (l'ex-président) Ali Abdallah
Saleh dans des bases et camps de
l'armée».
Ce sont de bien
maigres résultats comparés à ceux qui
avaient été affichés au tout début de la
guerre, le 25 mars dernier. Lorsque
l'Arabie saoudite a lancé ses avions
contre son voisin, elle s'est fixée
trois objectifs. Le premier, rétablir la
«légitimité», représentée par le
président démissionnaire Hadi. Le
deuxième est le désarmement d'Ansarullah.
Le troisième, enfin, empêcher l'Iran (à
travers ses alliés) d'arriver à Bab al-Mandab,
par où transitent tous les jours 3,8
millions de pétrole brut ou raffiné.
Vingt-huit jours et 2500 sorties
aériennes plus tard, aucun de ces
objectifs n'a été atteint. Abed Rabbo
Mansour Hadi est toujours réfugié à
Riyad après avoir fui Aden. «Nous allons
bientôt retourner dans notre patrie, à
Aden et à Sanaa», a-t-il assuré. Mais si
les avions saoudiens ont été incapables
de le réinstaller au pouvoir, il ne
pourra certainement pas rentrer par ses
propres moyens. Par ailleurs, l'armée
yéménite, appuyée par Ansarullah et les
comités populaires, ont étendu leur
contrôle à de larges pans du territoire,
y compris dans le sud du pays, notamment
à Aden, Chabwa, Maareb, Taëz et Dhaleh.
Ce mercredi, l'armée et ses alliés se
sont même emparés du camp d'une brigade
fidèle à Hadi, dans la province de Taëz,
à l'issue de violents affrontements
ayant fait «des dizaines de morts et de
blessés» de part et d'autre, a indiqué à
l'AFP un officier. Enfin, l'Armée
yéménite et ses alliés sont arrivés à
Bab al-Mandab et comptent bien y rester.
Les centaines de raids aériens ne les
ont pas délogés et n'ont pas réussi à
enrayer leur progression.
Cessez-le-feu annoncé par l'Iran
Mais la gifle la plus
forte assénée au royaume wahhabite est
venue d'Iran. En effet, l'Arabie
saoudite avait annoncé le déclenchement
de la campagne «Tempête décisive» à
partir de Washington. Mais c'est de
Téhéran que le cessez-le-feu a été
annoncé. Le vice-ministre des Affaires
étrangères, Hussein Abdollahian avait
révélé, dès mardi matin, que la
cessation des raids serait décrétée dans
les heures qui viennent. La suite des
événements lui a donné raison.
Dans cette guerre,
l'Arabie saoudite a commis une série
d'erreurs d'appréciation et de jugement
qui lui coûteront énormément sur la
scène régionale. Profondément imprégnée
par la doctrine israélienne de la
supériorité aérienne, elle a sous-estimé
la capacité de résistance des Yéménites
et leur détermination à défendre leur
pays, quels que soient les sacrifices.
Pendant que les avions saoudiens
détruisaient l'infrastructure du Yémen
et tuaient les civils, l'armée yéménite
et Ansarullah ont décidé que la
meilleure riposte à l'agression était
d'affermir leur contrôle sur le terrain,
notamment dans le sud.
De plus, Riyad a cru
pouvoir entrainer de grands «pays
sunnites» dans «sa» guerre, et a pensé
que les armées du Pakistan et de
l'Egypte seraient de simples mercenaires
au service des Saoud. Or Islamabad a
officiellement opté pour la neutralité
et Le Caire n'a offert qu'un appui
verbal. La tentative de donner à la
«Tempête décisive» la dimension d'un
conflit entre sunnites et chiites a
échoué.
Enfin,
les images des civils tués par centaines
et des infrastructures détruites ont
provoqué un vif émoi au sein de
l'opinion publique mondiale. La
situation humanitaire a en effet atteint
un niveau alarmant. L'Organisation
mondiale de la santé (OMS) a mis en
garde mardi contre un effondrement
imminent des systèmes de santé, en
raison de pénuries de médicaments et de
coupures permanentes d'électricité.
L'OMS a fait état d'un bilan de 944
morts et 3487 blessés, des civils en
majorité, jusqu'au 17 avril.
L'échec saoudien aura
aussi des répercussions sur les
équilibres internes au sein de la
famille des Saoud. Il s'agit d'une
défaite personnelle pour le nouveau
ministre de la Défense, Mohammad Ben
Salman, adepte de la manière forte. Le
décret royal demandant à la Garde
nationale, dirigée par Meteeb Ben
Abdallah, de défendre les frontières du
royaume, est une sorte de réhabilitation
du représentant de l'aile rivale au sein
de la dynastie.
Dès le premier jour
du conflit, le leader d'Ansarullah,
Abdel Malek al-Houthie, mais aussi le
leader de la révolution iranienne,
l'Ayatollah Ali Khamenei et le
secrétaire général du Hezbollah, sayyed
Hassan Nasrallah, avaient prévu l'échec
de l'agression saoudienne. Ils ont eu
raison, et Riyad a été contraint de
revenir à l'option politique.
L'aventure yéménite
des Saoud a abouti à l'élargissement de
«l'axe de la résistance», qui compte
désormais un nouveau pays. Le Yémen a
bien mérité sa place, au prix de
milliers de morts et de blessés.
Source :
French.alahednews
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