Palestine
« Plus royaliste que le roi » :
une rencontre avec le sionisme français
Samah Jabr

Des
manifestants palestiniens prient durant
une manifestation contre les colonies
juives
dans le village palestinien de
Deir Estia, en Cisjordanie occupée, le 2
avril 2010.
(Najeh Hashlamoun/Apaimages)
Vendredi 24 mars 2017
Samah Jabr – 16 mars 2017 –
Middle East Monitor
De ceux qui sont prêts à légitimer le
meurtre et la torture de la Palestine en
soutien à l’occupation israélienne, il
faut seulement s’attendre à ce qu’ils
inventent des mensonges et de fausses
accusations pour intimider leurs
adversaires.
Ma dernière rencontre avec le sionisme
international a eu lieu à Paris, le 10
mars, après la projection du film
documentaire « Derrière les Fronts »*
au cinéma des Trois Luxembourg. J’y
étais pour participer au débat qui suit
la projection du film dans la mesure où
j’apparais de façon très visible dans le
film lui-même. Mais, aussitôt après que
l’un des spectateurs a posé une
question, réelle et sincère, sur les
psychopathologies que je rencontre en
tant que praticienne en Palestine, un
ami d’Israël s’est emparé du micro,
saisissant l’occasion pour faire un long
discours, haineux et chauvin, sur la « paranoïa
des Palestiniens » et « la
violence et le racisme naturels des
Arabes », jusqu’à ce que,
finalement, le public ne puisse plus
tolérer sa diatribe et que monte un vif
tollé général exigeant qu’il laisse
s’exprimer quelqu’un d’autre.
Bloquer le débat
public
Le nom, le sexe, la
couleur, la religion et l’aspect de
cette personne sont moins importants que
son rôle : arriver à tout moment et en
tout lieu possibles pour une activité
qui reconnaît les Palestiniens et les
montre comme défendant leurs droits.
« Lui », je l’avais déjà rencontré
d’innombrables fois dans le passé –
quand je suis intervenue comme étudiante
à l’université Saint Peters à New York
il y a des années, quand je suis
intervenue parmi les professionnels à
l’« Évènement spécial de l’Espace de
pensée » de la Tavistock and Portman
NHS Foundation Trust à Londres,
après la guerre de 2014 contre Gaza, et
aujourd’hui au cinéma, à Paris.
Son rôle est
d’occuper le temps consacré au débat
public afin d’empêcher que n’ait lieu
une discussion sérieuse, d’intimider les
orateurs et le public par son attitude
agressive et accusatrice, et de profiter
de l’occasion pour diffamer et pour
menacer les orateurs et les personnes
chargées de l’organisation de cette
activité qui reconnaît l’expérience
palestinienne.
Actuellement, nous
voyons bien qu’Israël se hâte d’inventer
de nouvelles lois pour criminaliser et
punir celles et ceux qui s’impliquent
dans le BDS et qui mettent en avant les
actions illégales, honteuses, d’Israël.
Rien qu’en l’espace de ces derniers
jours, Israël a expulsé Hugh Lanning, le
président de la Campagne Solidarité
Palestine pour son implication dans la
critique d’Israël, et il a arrêté Kahlil
Tufakji, le directeur du Centre
palestinien pour les droits de l’homme
(le PCHR), un expert en cartographie et
colonisation.
Une liberté menacée
Pendant ce temps,
les amis d’Israël en Europe et aux USA
agissent, « plus royalistes que le
roi », s’occupant des Palestiniens
et de leurs amis internationaux, les
cataloguant, tissant des mensonges pour
salir leurs réputations, et les
attaquant dans leurs moyens de
subsistance. Partout, la puissante
matraque d’Israël est brandie pour
menacer quiconque ose critiquer
l’occupation ou se mobiliser dans une
action non violente pour aborder les
violations des droits de l’homme en
Palestine.
J’ai des amis qui
ont reçu des menaces contre leur vie
parce qu’ils sont impliqués dans un
soutien aux droits des Palestiniens. Il
faut se demander quel recours est laissé
aux Palestiniens quand la diplomatie
échoue et quand l’action non violente
est criminalisée – poser cette question
n’est pas encourager la violence, c’est
observer la façon dont les partisans du
sionisme, tout en bloquant toutes les
voies possibles pour une réponse
publique non violente, s’impliquent
eux-mêmes dans les épisodes de violence
qui suivent.
Dans ce contexte,
le monopolisateur du microphone dans ce
cinéma a, délibérément, fait la fausse
déclaration que la projection de ce film
avait été organisée dans le cadre de la
« Semaine contre l’apartheid d’Israël ».
Il porte l’accusation absurde que tant
moi-même que la réalisatrice du film
serions des agents du terrorisme et, ce
faisant, il met en danger nos carrières,
notre liberté personnelle et notre
sécurité physique. Il affirme en outre
le mensonge incendiaire et colossal que
j’identifierais les civils israéliens
comme des cibles légitimes de la
résistance armée !
Enfin, il admet
trouver le film « incompréhensible » !
Peut-être parce que dans sa conscience
et dans son esprit, persiste cette
contre-vérité usée jusqu’à la corde :
que les Palestiniens « n’existent pas –
où sont les Palestiniens ? ». Mais le
film donne une vie et une présence
indéniables aux Palestiniens dans leur
merveilleuse diversité : l’archevêque
Atallah Hannah, le détenu gréviste de la
faim Sheikh Khader Adnan, la directrice
de l’organisation queer « Aswat », un
professeur universitaire, Dr. Abaher Al
Saqqa, un autre universitaire,
l’ancienne prisonnière universitaire
Rula Abu Dahho, et Demma Zalloum, cette
jeune mère qui sauva son enfant de
l’enlèvement par les colons ; tous ces
Palestiniens se joignent à moi pour vous
transmettre ce message commun : nous
continuerons de partager nos divers
témoignages sur l’occupation, quelles
que soient les forces utilisées pour
briser les tissus de la solidarité
palestinienne. Nous renforcerons nos
mises en réseau avec celles et ceux qui
défendent la justice, et nous tendrons
nos mains aux vrais amis de la
Palestine.
Samah Jabr
est psychiatre et psychothérapeute à
Jérusalem. Elle milite pour le bien-être
de sa communauté, allant au-delà des
problèmes de santé mentale. Elle écrit
régulièrement sur la santé mentale en
Palestine occupée.
Traduction : JPP
pour les Amis de Jayyous
https://www.middleeastmonitor.com/20170316-more-royal-than-the-king-an-encounter-with-french-zionism/
* présentation du
film ici :
https://www.kisskissbankbank.com/derriere-les-fronts-resistance-et-resilience-en-palestine
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