Opinion
Cuba / Etats-Unis : « Un conflit
asymétrique »
Salim Lamrani
© Salim Lamrani
Vendredi 25 mars 2016
Sébastien Madau
La
Marseillaise
http://www.lamarseillaise.fr/...
Salim
Lamrani, est un universitaire
spécialiste des relations entre Cuba et
les Etats-Unis. Il revient sur la
question des droits de l’Homme, point de
divergence entre les deux pays.
Sébastien Madau : Les
Etats-Unis ont indiqué vouloir évoquer
avec Cuba la question des droits de
l'homme sur l'île. De quels aspects en
particulier ?
Salim Lamrani : La question des droits
de l’homme à Cuba a toujours été
instrumentalisée par les Etats-Unis à
des fins politiques. Il convient de
rappeler que, depuis 1991, Washington
brandit l’argument des « droits de
l’homme » pour justifier son hostilité
vis-à-vis de La Havane et maintenir les
sanctions économiques qui étouffent la
population de l’île. Pour expliquer
l’état de siège contre Cuba, la
rhétorique diplomatique a fluctué au fil
des ans : ainsi, depuis les années 1960,
Washington a successivement fait
allusion aux nationalisations, à
l’alliance avec l’Union soviétique, puis
à l’aide apportée par Cuba aux
mouvements d’indépendance en Afrique et
aux groupes révolutionnaires en Amérique
latine et enfin aux droits humains.
Pour les Etats-Unis, les droits de
l’homme et la démocratie sont
automatiquement synonymes de
multipartisme, d’économie de marché et
de médias privés. A l’évidence, les
Cubains ne partagent pas ce point de
vue.
SM : Cuba, de son côté, se dit
prête à aborder cette problématique,
mais à condition de le faire également
pour la situation aux Etats-Unis.
Qu'a-t-elle à souligner précisément ?
SL : Cuba a toujours fait part de sa
disposition à aborder tous les sujets
possibles et imaginables avec les
Etats-Unis, à condition que trois
principes soient respectés : l’égalité
souveraine, la réciprocité et la
non-ingérence dans les affaires
internes.
Cuba considère que les droits
économiques et sociaux sont aussi
importants que les droits civils et
politiques. Ainsi, il est indispensable
que tous les citoyens, quelle que soit
leur origine ethnique, géographique ou
sociale, aient un accès universel à
l’éducation, à la santé, à la culture,
aux loisirs et à la sécurité, sans
discrimination aucune. A l’évidence, la
société étasunienne est loin d’offrir
toutes ces garanties. Ainsi, près de 50
millions de personnes n’ont pas accès à
une protection sociale digne de ce nom.
Les minorités de ce pays si riche
souffrent de chômage, de précarité et
sont les principales victimes de la
violence commise par les forces de
l’ordre. La répartition des richesses y
est inexistante. Or, toute démocratie
digne de ce nom se doit de procéder à
une répartition équitable de la richesse
nationale afin que chaque citoyen puisse
vivre dignement.
SM : Entre Cuba, qui n'a pas
l'intention de renoncer à son système
socialiste, et les Etats-Unis, qui
visent à conserver leur position de
première puissance capitaliste du monde,
peut-on imaginer que ce débat se termine
par un statu quo et que les relations
soient tout de même rétablies ?
SL : Il convient de rappeler que le
conflit qui oppose Cuba aux Etats-Unis
est asymétrique. D’un côté, il y a un
agresseur, les Etats-Unis, qui imposent
des sanctions économiques qui affectent
toutes les catégories de la population
depuis plus d’un demi-siècle ; qui
occupe illégalement une partie du
territoire national d’un pays souverain,
Guantanamo ; qui finance une opposition
interne pour subvertir l’ordre établi,
ce qui est illégal aux yeux du droit
international ; qui fomente, par le
biais de la Loi d’Ajustement cubain et
le Programme médical cubain,
l’émigration illégale exclusive des
Cubains afin de vider le pays de son
capital humain ; et qui multiplie les
programmes de radio et de télévision,
Radio et TV Martí, destinés à semer la
discorde à Cuba, en violation, une
nouvelle fois, de la législation
internationale.
De l’autre côté se trouve Cuba, une
petite nation de 11 millions
d’habitants, avec ses vertus et ses
limites, qui n’a jamais agressé les
Etats-Unis, qui a toujours fait part de
sa volonté d’entretenir de relations
pacifiques avec tous les pays du monde,
basées sur le droit international, et
qui aspire à choisir sa propre voie et à
édifier une société différente en
respectant la volonté du peuple
souverain.
Ainsi, tout dépend de Washington. Si le
Voisin du Nord accepte la réalité d’une
Cuba différente, indépendante et
souveraine, qui ne négocie ni son
système politique, ni son modèle social,
ni sa politique étrangère, alors les
deux pays pourront vivre dans une
entente cordiale et les deux peuples,
qui ont tant de choses en commun,
pourront renforcer leurs liens
fraternels.
Docteur ès
Etudes Ibériques et Latino-américaines
de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim
Lamrani est Maître de conférences à
l’Université de La Réunion, et
journaliste, spécialiste des relations
entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel
ouvrage s’intitule Cuba, parole à la
défense !, Paris, Editions Estrella,
2015 avec une préface d’André Chassaigne.
Contact :
lamranisalim@yahoo.fr ;
Salim.Lamrani@univ-reunion.fr
Page
Facebook :
https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel
Le sommaire de Salim Lamrani
Le dossier Amérique latine
Les dernières mises à jour
|