Les 7 du Québec
Gilets jaunes – novembre 2019 –
résurgence ou baroud d’honneur ?
Robert Bibeau

Mercredi 20 novembre 2019 Samedi 16 novembre
2019, près de 40 000 manifestants (selon
les organisateurs) se sont rassemblés à
Paris et dans les métropoles régionales
au cri de «Un an déjà, les Gilets
jaunes on lâchera pas!». Ils
étaient 400 000 un an auparavant (!) Ce
récent weekend de caillassage urbain
marquait-il la résurgence du mouvement
des Gilets jaunes ou le post mortem de
la révolte française ? Ni l’un, ni
l’autre évidemment.
Interrogeons-nous
un instant. Comment cette révolte
populaire spontanée a-t-elle surgi un an
plus tôt dans cette France soumise à la
crise économique prégnante ? Un
observateur de la France d’en bas répond
spontanément : « Voici ce que j’ai
entendu toute la journée du 17 novembre
2018 au rondpoint bloqué où s’étaient
rassemblées des centaines d’enragés : « C’est
la première fois que je manifeste. Je le
fais pour moi, mais aussi pour mes
enfants et mes petits-enfants. On n’y
arrive plus, on ne boucle plus nos fins
de mois ». (1)
Naïveté, crédulité
et sincérité d’une retraitée qui croyait
qu’il suffisait d’interpeller le régent
élu de l’État-providence, magnanime,
pour que ce dernier, compassé, accède à
ses revendications. Ne soyez pas étonné,
il y a une année 74% des Français
trouvaient justifié les revendications
des Gilets jaunes selon une
enquête Odoxa-Dentsu Consulting
publiée le 16 novembre 2018. Selon un
sondage analogue, publié le 14 novembre
2019, 69% des Français jugent toujours
le mouvement des « Gilets jaunes »
justifié. (2)
Paradoxe
incompréhensible. Le soutien populaire
aux Gilets jaunes se maintient dans les
sondages, mais la participation aux
manifestations du weekend s’effondre…
Pourquoi ? Selon certains observateurs
de la scène politique française, le
président régent Emmanuel Macron et le
gouvernement ont fait plusieurs
concessions au mouvement. Il y aurait eu
l’octroi de 17 milliards d’euros à
destination des classes moyennes et
populaires (!) Enfin, toujours selon ce
sondage, les Français sont très partagés
sur le devenir des réformes en matière
économique – retraites et assurance
chômage. 36% souhaitent que le
président et le gouvernement accélèrent
le rythme des réformes alors que 36%
qu’ils le ralentissent. (3) Ces derniers
ont compris que les « réformes » des
retraites et de l’assurance emploi sont
en fait un pillage par lequel l’État
providence en faillite s’apprête à
récupérer la rançon de 17 milliards
d’euros concédés à la plèbe en jaune
pour la démobiliser.
Dans notre ouvrage
« Autopsie du Mouvement des Gilets
jaunes » publié en septembre
2019, nous écrivions : « les frictions
et les tensions entre les militants
issus de la petite bourgeoisie et ceux
originaires de la classe ouvrière
attestent de la vitalité et de l’ancrage
populaire de ce mouvement spontané. Par
ces luttes internes, chaque classe
témoignait de ses origines sociales, de
ses expériences et de ses tactiques de
lutte, de ses revendications, de ses
intérêts et de l’objectif stratégique
ultime de son combat. Par leur
engagement la moyenne bourgeoisie et les
petits-bourgeois protestaient contre le
sort qui leur est réservé sous la crise
économique du capitalisme. Bourgeoisie
et petite-bourgeoisie ne cherchaient
nullement à déboulonner le système
capitaliste, mais plutôt à utiliser la
révolte des prolétaires
(chair-à-manifester, chair-à-patron,
chair-à-voter, chair-à-canon) pour
secouer le système économicopolitique,
et menacer l’oligarchie du capital et
ses représentants politiques, afin de
renégocier le partage de la plus-value
entre les divers clans bourgeois.
On peut
caractériser l’engagement de la
bourgeoisie comme un effort pour
réformer le système capitaliste et ainsi
le consolider. Le ras-le-bol de
la bourgeoisie française marquait sa
résistance inconsciente contre les lois
économiques du mode de production,
exprimé par de futiles efforts pour
faire tourner à l’envers les lois de la
valorisation, de l’accumulation et de la
concentration du capital. La position de
la petite-bourgeoisie militante évolua
dans le sens du compromis et des
accommodements avec le pouvoir étatique,
d’où le fossé entre ce fragment de
classe et les militants d’origine
prolétarienne. Les revendications de la
petite-bourgeoisie visaient le « repartage »
du pouvoir politique par le
Référendum d’Initiative Citoyenne
(RIC), pour plus de ressources aux
communes; ainsi que pour l’allègement
des charges sociales par l’impôt
progressif, le soutien au petit
commerce, la surtaxation des grandes
entreprises, et le soutien aux forces de
l’ordre.
Le prolétariat
engagé dans le mouvement ne partageait
pas les mêmes expériences de lutte ni ne
poursuivait les mêmes objectifs
tactiques et stratégiques que la
bourgeoisie en révolte. Par ses
revendications le salariat réclamait la
valorisation de la force de travail :
hausse des salaires, du SMIC, indexation
des retraites, fin du travail détaché,
davantage de CDI et des baisses d’impôts
pour maintenir le pouvoir d’achat, soit
une diminution de la portion du
surtravail expropriée et la réduction de
l’accumulation de la plus-value. Ce à
quoi le gouvernement a rétorqué par les
concessions du 10 décembre, modestes,
mais réelles, concessions que l’État
s’empressa de récupérer par de nouvelles
mesures fiscales dès le mois de juin
2019 (réformes de l’assurance emploi et
des retraites). » (4)
Le caillassage
urbain du samedi 16 novembre 2019 révèle
que le prolétariat français a quitté les
futiles parades des weekends-jaunes
qu’il a abandonné au directoire du
Mouvement, à la petite-bourgeoisie
enragée de s’être fait flouer par un
gouvernement – un État-providence aux
ordres – qui n’a pas les moyens de la
stipendier et qui devra la faire passer
sous les fourches caudines comme tous
les autres salariés. Il en est de même
de tous les autres soulèvements
populaires qui illuminent la Terre
entière à la veille du grand soulèvement
prolétaire qui paralysera la production
par la grève sauvage illimitée.

Notes
-
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/ce-dimanche-le-mouvement-des-219348
et
http://www.les7duquebec.com/7-de-garde-2/gilets-jaunes-un-an-deja-quel-bilan/
-
https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/69-des-francais-jugent-le-mouvement-des-gilets-jaunes-justifie-et-58-estiment-qu-il-leur-a-profite-selon-un-sondage_3702907.html#xtatc=INT-1
-
https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/69-des-francais-jugent-le-mouvement-des-gilets-jaunes-justifie-et-58-estiment-qu-il-leur-a-profite-selon-un-sondage_3702907.html#xtatc=INT-1
- Autopsie
du Mouvement des Gilets jaunes.
Robert Bibeau. Khider Mesloub.
Septembre 2019. L’Harmattan.
Paris. 18 euros.
http://www.les7duquebec.com/7-au-front/autopsie-du-mouvement-des-gilets-jaunes/Pour
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