Réseau Voltaire
Rapport de renseignement russe
sur l’aide actuelle turque à Daesh
Thierry Meyssan
Jeudi 18 février 2016
Recrutement de
combattants terroristes étrangers à
destination de la Syrie, facilitation de
leurs mouvements transfrontières vers ce
pays et livraisons d’armes aux groupes
terroristes opérant sur son territoire
Selon les
informations disponibles, des
représentants de l’État islamique d’Irak
et du Levant (ÉIIL) ont créé un vaste
réseau à Antalya, avec l’aide des
services spéciaux turcs, pour recruter
en Turquie des personnes originaires de
pays de l’ex-Union des Républiques
socialistes soviétiques en vue de les
faire participer au conflit en Syrie et
de les transférer éventuellement en
Russie.
Le groupe de recruteurs est composé :
d’un citoyen kirghize dénommé
Abdoullah ; d’une personne originaire de
la République des Adyguées, dénommée
Azmet ; d’une personne originaire de la
République du Tatarstan, dénommée Elnar ;
d’un citoyen russe dénommé Ilyas ; d’un
citoyen azerbaïdjanais dénommé Adil
Aliev et d’une personne originaire de
Karatchaïevo-Tcherkessie, dénommée Nizam.
Il est dirigé par un citoyen russe
dénommé Rouslan Rastyamovitch
Khaïboullov (pseudonymes : Baris Abdoul
ou « Le Professeur »), né le 1er avril
1978 au Tatarstan. Ce dernier vit avec
sa famille à Antalya et est titulaire
d’un titre de séjour permanent en
Turquie.
Le recrutement s’effectue au vu et au
su de l’administration pénitentiaire. Si
un détenu accepte de se convertir à
l’islam et se livre à des activités
terroristes, les recruteurs promettent
de « conclure un marché » avec les
organes de répression turcs et offrent
gratuitement les services d’un avocat
turc, Tahir Tosolar. Soultan Kekhoursaev,
un Tchétchène possédant la citoyenneté
turque, a également effectué des visites
aux mêmes fins dans des centres de
détention où sont placés des étrangers.
En septembre 2015, un groupe de
combattants de l’ÉIIL comptant plus d’un
millier d’hommes venus de pays d’Europe
et d’Asie centrale a été conduit vers la
Syrie par le passage frontalier d’Alikaila
(Gaziantep), à partir du territoire
turc.
Les itinéraires utilisés pour les
déplacements des combattants passent
très près de la frontière
turco-syrienne, à travers les localités
d’Antakya, Reyhanlı, Topaz, Şanlıurfa et
Hatay.
En mars 2014, le chef de
l’Organisation nationale turque du
renseignement (MIT), H. Fidan, a
coordonné le déplacement d’une grande
unité de l’ÉIIL dirigée par un citoyen
libyen, Mahdi al-Kharati [1].
Le transport des combattants de Libye en
Syrie a été effectué par la voie
maritime en passant par le poste
frontalier Barsai situé entre la Turquie
et la Syrie.
Depuis la fin du mois de décembre
2015, un itinéraire de transport aérien
est organisé avec l’aide des services
spéciaux turcs pour permettre à des
combattants de l’ÉIIL de se rendre de
Syrie au Yémen en passant par la
Turquie, grâce à l’utilisation
d’appareils militaires turcs. Un autre
moyen employé pour les déplacements de
combattants est le transport par voie
maritime jusqu’au port yéménite d’Aden.
Des citoyens russes qui cultivent des
contacts avec des représentants des
services de sécurité et de police et des
administrations de plusieurs villes
turques, notamment Istanbul, sont
impliqués dans des activités de
recrutement menées par l’intermédiaire
de madrassas turques.
On sait que des centres de soins et
de convalescence situés dans des régions
turques proches de la frontière syrienne
sont accessibles à des combattants
blessés de l’ÉIIL. Pas moins de 700
combattants étaient en réadaptation à
Gaziantep, en 2014.
Selon les informations disponibles, à
partir de 2015, les services spéciaux
turcs ont aidé à transférer d’Antalya
vers Eskişehir une communauté désignée
sous le nom de « village tatar », qui
héberge des combattants et des complices
du groupe terroriste Front el-Nosra
issus des populations de souche tatare
des Républiques du Tatarstan, du
Bachkortostan et de Mordovie. Certains
d’entre eux ont une double nationalité,
celle de la Russie et celle de la
Turquie.
L’un des principaux responsables du
village est Timour Maounirovitch
Bitchourine, citoyen russe né le 15
décembre 1969, originaire de Kazan et
qui apporte une aide complice aux
combattants islamistes en Syrie depuis
janvier 2014.
En décembre 2014, les services
spéciaux turcs ont aidé à installer des
camps de regroupement d’immigrés
illégaux en Turquie, notamment dans la
province de Hatay, en vue d’organiser un
entraînement et d’envoyer des bandes
d’extrémistes en Syrie. En janvier 2015,
le MIT turc a été impliqué dans une
opération qui visait à fusionner trois
milices terroristes —Osman Gazi, Omer
bin Abdulaziz et Omer Mukhtar— en un
groupement appelé Brigade Soultan
Abdoulhamid, dont le commandement a été
confié à Omer Abdoullah. Les membres de
ce groupe suivent un entraînement dans
un camp situé à Bayır-Bucak, en Turquie,
sous la direction d’instructeurs
d’unités des forces d’intervention
spéciale de l’état-major de l’Armée
turque et de membres du personnel du
MIT. Les activités de la Brigade Soultan
Abdoulhamid sont coordonnées avec celles
des combattants du Front el-Nosra dans
le nord de la province syrienne de
Lataquié.
Il est établi que, le 21 septembre
2015, dans la ville syrienne de Tell
Rifaat, des représentants de
l’opposition syrienne qui avait suivi un
entraînement militaire dans un camp
situé à Kırşehir en Turquie ont livré
des armes aux combattants du Front el-Nosra.
Selon les informations disponibles,
les livraisons d’armes à des groupes
terroristes opérant en Syrie se
poursuivent à l’aide de moyens fournis
par les fondations İnsan Hak ve
Hürriyetleri ve İnsani Yardım Vakfı
(IHH) [2],
İmkander [3]
et Öncü Nesil İnsani Yardım Derneği
sises en Turquie.
Des livraisons d’armes, de matériel
militaire et de munitions de différents
types sont acheminées à partir de pays
étrangers vers le port turc d’İskenderun.
Des équipements et fournitures
militaires sont ensuite transportés à
travers la province de Hatay (poste
frontière d’Oncupinar) jusqu’à Alep et
Idleb en Syrie par des véhicules
appartenant aux fondations IHH, İmkander
et Öncü Nesil portant les
immatriculations turques suivantes : 33
SU 317, 06 DY 7807, 33 SU 540, 33 SU
960, 42 GL 074 et 31 R 5487. Sur le
territoire syrien, les armes et
munitions sont distribuées à des bandes
turkmènes et à des unités du Front el-Nosra.
Le 15 septembre 2014, des
représentants de la fondation IHH ont
acheminé par la route des cargaisons
d’armes et de médicaments destinées à
des groupes de l’ÉIIL de la ville turque
de Boursa vers la Syrie en passant par
le poste frontière de Ceylanpınar
(district de Reyhanlı). Ce convoi a été
escorté à travers la Turquie par des
véhicules transportant des membres du
personnel du MIT.
Rapport daté du 10 février 2016.
[1]
Il doit s’agir de Mahdi al-Harati, Note
du Réseau Voltaire
[2]
Organisation humanitaire des Frères
musulmans turcs, Note du Réseau Voltaire
[3]
Cette fondation soutient les mouvements
musulmans indépendantistes du Caucase.
En 2013, la Russie avait demandé au
Comité des sanctions 1267/1989 du
Conseil de sécurité de placer İmkander
sur la liste des organisations liées à
al-Qaïda. Le Royaume-uni, la France et
le Luxembourg s’y opposèrent. Note du
Réseau Voltaire
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