MADANIYA
Hommage à un insoumis érudit :
Jean Bernard Moreau, le chantre de la
diversité
René Naba
Vendredi 28 avril 2017
Insoumis
érudit, Jean Bernard Moreau est un
chantre de la diversité, de
l’universalité et de l’humanité dans sa
pluralité. Un plaidoyer vivant contre
les éradicateurs. Un acte de foi qu’il a
vécu dans sa chair et dans sa science,
en toute conscience.
Il en
fait l’éblouissante démonstration dans
un ouvrage intitulé «Les symboles
communs des peuples agraires : Des
berbères aux Amérindiens» (1).
Insoumis
dans la guerre du Vietnam (1948-1954),
objecteur de conscience dans la guerre
d’Algérie (1956-1960), Jean Bernard
Moreau a su s’opposer aux partisans des
colonies et de l’avilissement des
peuples autochtones.
Dès la
fin de 1962, il ralliera l’Algérie pour
contribuer, à sa manière, à
l’édification du jeune état. Il ne
quittera ce pays que fin 1977 par suite
d’un fâcheux accident.
En
somme, le parfait contre exemple de
l’ancien colon qui a fait de son statut
de «pieds noirs» une rente de situation
électoraliste; un contre exemple du néo
colon qui hante l’Afrique depuis près de
soixante ans, à bord de 4×4 polluants,
de notes de frais extravagants et de
Ray-ban masquant mal le regard
exorbitant des conquérants, croisant-
toisant ? – le regard des peuples en
souffrance.
Empreinte d’humilité, d’humanisme et de
pédagogie, sa démarche est en fait aux
antipodes de certains «French doctors»
médiatiques, prescripteurs tonitruants
d’opinion dont les extravagances ont
déshonoré l’humanitarisme.
Servant
en Algérie au lendemain de
l’Indépendance, cet artiste-céramiste,
brutalement disparu en 2010, a consacré
l’essentiel de sa vie professionnelle au
soutien de l’artisanat ancestral menacé
d’extinction.
Pendant
une quinzaine d’années, au sein de la
direction de l’Artisanat, il a sillonné
de nombreux villages de différentes
régions pour dégager les permanences les
liens entre les diverses civilisations,
à travers leurs symboliques.
«Révéler
le message profond que véhicule, depuis
des millénaires, «le langage symbolique
de cet artisanat reliant étroitement
l’homme, la nature et le créateur»,
grâce à sa transmission rigoureuse par
les femmes, de génération en
génération».
Morceaux choisis :
- «La symbolique universelle
repose sur l’union de contraires
complémentaires: Soleil-Chaleur,
Lune-humidité, homme et femme, le
rouge et le Noir ; Le serpent
phallique et le losange vulvaire,
dans une idée générale de fécondité
et de plénitude.
- «La femme gardienne du foyer et
observatrice immobile des saisons
dans les sociétés agraires concevant
les enfants et les mettant au monde
est assimilée à un champ à
fructifier».
- La Swastika, la croix gammée de
sinistre mémoire, appartient à la
tradition primordiale. On la
rencontre aux époques les plus
reculées de l’Extrême orient, à
l’Occident et à l’Amérique indienne.
Venant
du mot sanskrit «Su Asti», une formule
de bénédiction au sens propre, la croix
gammée représente les révolutions
complètes de la roue du monde et son
extension en est la spirale, image du
perpétuel Devenir comme de l’éternel
retour. Son sens giratoire vers à droite
traduit l’expansion et vers la gauche,
l’éternel retour.
Tous les
symboles sont décryptés avec science et
conscience : Croix de Malte, la Roue, la
Spirale, le losange, le serpent, etc….
Ainsi
l’épi de maïs au pouvoir surnaturel qui
habite la terre.
Le
soleil, symbole mâle céleste. L’oiseau y
est associé lequel dans ses migrations
porte la résurrection solaire. L’homme
meurt avec le sommeil de la nuit et
ressuscite avec le lever du jour.
Le chiffre 5
Et ses
diverses déclinaisons dans les diverses
langues (Khamsa, Give me Five).
En
Amérique centrale, comme en Chine, comme
en Afrique du Nord, 5 est un chiffre
sacré universellement traduit par une
main ouverte. Chacun des 4 soleils
correspond à l’un des quatre points
cardinaux, le 5e représente le centre de
la croix.
5 est le
chiffre de l’Homme-Conscience du monde.
L’éclosion du maïs, cinq jours après les
semailles, symbolise également la
manifestation de la vie.
Jean
Bernard Moreau prouve dans les faits la
diversité de la planète, à travers les
âges, à travers les civilisations.
Son
credo est d’une grande simplicité,
nullement simpliste : L’homme est un,
quelque soit la latitude, la longitude,
l’altitude, l’amplitude et l’aptitude.
Un
contre argumentaire au discours des
éradicateurs. En ces temps
d’obscurantisme et d’infantilisme, un
message salutaire.
Note
1 – «Les
symboles communs des peuples agraires:
Des Berbères aux Amérindiens» par Jean
Bernard Moreau (1928-2010). Dar Khettab,
ouvrage publié avec le soutien du
ministère de l’Aménagement, du
Territoire, du Tourisme et de
l’Artisanat et de la Chambre de
l’Artisanat et des Métiers-Algérie.
Lecture
Jean-Bernard Moreau – Les
symboles communs des peuples Agraires :
Des Berbères aux Amérindiens
Reçu de René Naba pour publication
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