Opinion
De 100.000 à 120.000 djihadistes en
Syrie,
selon le Brookings Doha Center Report
René Naba
Lundi 26 mai 2014
La Syrie compte de
100.000 à 120.000 djihadistes, repartis
en un millier de formations
combattantes, selon une déclinaison
religieuse-ethnico tribale, reflet des
clivages politico sociales du pays et de
leurs parrains respectifs, opérant au
sein de PC conjoint, sur fond de
violentes rivalités et d‘une opposition
instable.
Autant dire que la
Syrie n’est pas un long fleuve
tranquille et la guerre qui s’y déroule
ne reflète pas l’image d’Epinal que les
médias occidentaux, particulièrement
français, s’évertue à véhiculer d’un
combat de démocrates contre un odieux
tyran.
Le verdict est sans
nuance. Il porte la signature, non d’un
complotiste, ni d’un révisionniste, mais
d’une prestigieuse institution «The
Brookings Institution», dont le centre
régional à Doha (Qatar), «Brookings Doha
Center Report» vient de publier à la
mi-mai, son rapport périodique: «Syria
Military Landscape Mai 2014», sous la
plume de Charles Lester.
«De 100.000 à
120.00 djihadistes dont 7.000 à 10.000
étrangers, repartis en un millier de
formations combattantes, selon une
déclinaison reflétant les segments de la
société (Politique, religieux,
confessionnel, ethnique et tribal)
opèrent au sein de PC commun, indique le
rapport dont ci-joint des extraits de ce
document de 50 pages.
Les Etats Unis et
les Occidentaux
«La préoccupation
majeure des Etats Unis est de mettre un
terme à l’extension régionale du
conflit et faire face à la menace
croissante que représente le djihadisme.
L’idée de départ des Occidentaux de
mettre sur pied une opposition unifiée
et disciplinée a été contrariée par les
interférences grandissantes et les
intérêts contradictoires des
protagonistes aboutissant à un
accroissement des actes de sauvagerie et
à l’avènement d’un djihadisme sans
pareil. Les Occidentaux doivent
surmonter leurs erreurs antérieures et
œuvrer en vue de favoriser l’adoption
d’une résolution à l’effet de contribuer
à la stabilité régionale et la sécurité
internationale.
«Les Etats Unis qui
envisageaient au départ un soutien à
l’opposition jusqu’à la chute du régime,
ont modulé leur stratégie et vise
désormais un règlement politique. Ils se
soucient désormais de fournir aux forces
modérées un soutien qui les mette en
mesure de mener des négociations avec le
régime syrien.
Une opposition
instable
«La concurrence
pour les subsides notamment auprès des
associations caritatives pétro
monarchiques a favorisé la division et
la dispersion. Le style de vie des
opposants en exil a suscité des
moqueries en ce qu’il leur était
reproché leur gout pour les hôtels cinq
étoiles, occultant la dure réalité
syrienne. Le chef de l’Armée Syrienne
Libre, pendant cette période a assumé un
rôle de «Public Relations» chargé de la
répartition des armes et de l’assistance
matérielle. L’échec de l’opposition pro
occidentale a favorisé la montée en
puissance de l’extrémisme, dont les
Frères Musulmans, constituaient la force
la plus modérée.
Par «Le Manifeste
d’Alep», le 24 septembre 2013, onze
organisations parmi les plus puissantes
ont refusé la tutelle de la coalition de
l’opposition syrienne, soutenue par les
pays occidentaux et les pétro monarchies
arabes. Cinquante groupements, réunis
sous l’autorité de Mohamad Allouche,
fonderont alors «Jaych Al Islam»,
assumant un rôle axial en Syrie.
Le Front Islamique
Sept groupements
fédérés au sein de ce front disposent de
60.000 combattants en Syrie et
constituent la plus importante formation
militaire du pays. Trois de ces
formations -Ahrar As Cham (les hommes
libres du levant), Soukour As Cham (Les
Aigles du Levant) et Jaych al Islam
(l’Armée de l’Islam)- opèrent en
coordination étroite avec Al Qaida, via
Jobhat an Nosra. «Le Front Islamique est
un acteur décisif dans la dynamique de
l’opposition en raison de sa capacité
d’impulser l’orientation idéologique du
soulèvement. Il constitue la relève
radicale d’Al Qaida sur le plan
idéologique et son but ultime est la
création d’un Etat islamique en Syrie,
point de départ de la guerre de
libération d’Al Qods (Jérusalem) et la
Palestine.
Dahech
Acronyme de «l’Etat
Islamique d’Irak et de Syrie» s’est
distingué par davantage de
sauvagerie dans les combats, entrainant
son expulsion par Al Qaida en Février
2014. Dahech a été expulsé d’Alep,
Lattaquieh et Idlib, mais contrôle
encore l’axe routier Alep Raqqa.
L’isolement de Dahech en Syrie l’incite
à se doter une dimension internationale.
Son ambition est de se constituer en un
mouvement transfrontière avec des
objectifs qui vont au-delà de ses deux
points focaux actuels l’Irak et la
Syrie.
Les parrains de
l’opposition
L’Arabie saoudite,
le Qatar et la Turquie ont contribué à
l’évolution de l’opposition vers
l’extrémisme, de même que le régime
syrien en libérant des prisonniers
salafistes.
Souheil Idriss, le
chef de l’ASL, le partenaire préféré des
Occidentaux, a été évincé de son poste
en raison de sa relation avec le Qatar
et remplacé par Abdallah Bachir, un pro
saoudien. Le dégagement de Souheil
Idriss a conduit les Occidentaux à une
prise de distance vis-à-vis de cette
institution, (…) alors que,
parallèlement, la réélection d’Ahmad
Jarba, appartenant à la confédération
tribale que le Roi Abdallah (la tribu Al
Shammar) a contribué à propager un
sentiment d’abattement au sein de
l’opposition. Abdallah Bachir, le
nouveau chef de l’ASL, son adjoint
Haytham Al Oujeiry, de même que le
ministre de la défense, Assaad Moustapha
relèvent de la mouvance saoudienne.
L’Arabie a décidé
de favoriser la montée en puissance des
milices de l’Islam modéré pour se
conformer à la nouvelle relation saoudo
américaine, mais maintient sa pression
sur l’Iran. En contrechamps, le Qatar et
la Turquie continuent leur soutien aux
formations radicales, tout en ménageant
l’Iran dans l’attente des résultats du
conflit syrien.
Le plateau du Golan,
nouvelle place forte de l’opposition
armée.
Le Front Sud, dans
la région de Quneitra, chef-lieu du
plateau du Golan, adossé à Israël qui en
occupe encore une large partie,
constitue désormais «la place forte de
l’opposition armée (…), laquelle a
bénéficié de livraisons d’armes
notamment des missiles anti chars AGTMS
et des Missiles TOW BGM 71. «La
formation de combattants syriens par
l’armée américaine augurent de batailles
décisives dans ce secteur dans les
prochains mois. La livraison de
missiles anti chars de fabrication
américaine à Hazm (un segment proche de
l’ancien chef de l’ASL Souheil Idriss)
constitue en outre un indice du
rétablissement des relations entre
l’Arabie saoudite et les Etats-Unis.
Russie: L’usage du
veto en faveur d’un allié indéfectible a
paru plus important à la Russie que de
vaines joutes oratoires d’accusations et
de contre accusations avec ses rivaux
occidentaux. Par son soutien résolu et
son aide multiforme, la Russie a assuré
une maitrise du comportement syrien,
comme en témoigne l’accord sur la
destruction de l‘arsenal chimique
syrien.
Iran-Le Hezbollah:
des drones en surveillance du champ de
bataille syrien
L’Iran a accordé un
soutien matériel et financier constant à
la Syrie en ce que la défaite de son
allié aurait neutralisé sa capacité de
riposte face à Israël en cas d’attaque
contre ses installations nucléaires. Via
«Faylaq al Qods» (Jerusalem brigade) des
gardiens de la révolution iranienne,
elle a assumé un rôle fondamental dans
la formation des milices chiites,
notamment des chiites d’Irak sans
compter la contribution de la formation
chiite libanaise.
«Le Hezbollah a
réussi à assumer un rôle distinctif
croissant dans la direction des
opérations de l’armée syrienne lors
d’offensives majeurs des forces
gouvernementales. A Qoussayr (Juin
2013), le Hezbollah a pris directement
en main le commandement des opérations,
assumant, parallèlement, la surveillance
aérienne permanente du champ de
bataille, via des drones.
«Toutefois la
prolongation du conflit rend une
solution politique difficile. Avec 1000
unités combattantes rebelles à
travers le pays, la transition politique
parait quasiment impossible. En cas de
paix, la reconstruction syrienne prendra
entre 15 et 20 ans. Le cout de
reconstruction est estimé à 165
milliards de dollars, soit «18 fois le
budget annuel de la Syrie».
Epilogue
Deux des journaux
d’accompagnement de la diplomatie
hollando-fabiusienne dans la guerre de
Syrie –Le Monde et Libération- ont
implosé par perte de sens et de finance,
évinçant dans l’urgence leur directeur:
Nicolas Demorand (Libération) par suite
d’une motion de défiance et Nathalie
Nougayrède (Le Monde) dans la foulée de
la démission collective de sept
rédacteurs en chef.
Amplificateur
multiplex des thèses atlantistes du
pouvoir socialiste, le journal Le Monde
actera la défaite française, dans son
édition du 1 er octobre 2013. «Loin
d’être à la remorque des Américains, la
France a cherché à les tirer vers une
politique plus décisive sur une
politique qui a fait 110.000 morts et
menace tout le Moyen orient», soutiendra
la directrice du quotidien Nathalie
Nougayrède. Dans un éditorial intitulé
«les limites de l’influence française»,
elle vantera la fonction de «diplomatie
de repère» de la France. Non Nathalie
Nougayrède, la France n’assume pas une
fonction de «diplomatie de repère», ni
de balises, mais une diplomatie de
repaires et de tanières. Point n’était
besoin d’abriter au sein de votre
journal un agent d’influence de la
diplomatie française, la grande oreille
Ignace Leverrier Wladimir Glassman Al
Kazzaz. Un choix fatal à votre
magistère.
«Le Monde et
Libération, deux bateaux ivres, bientôt
fantômes?, s’interroge, au vu de ce
bilan, Jacques LeBohec, spécialiste de
la sociologie des Médias à l’Université
Lyon III qui soutient que ce qui les
menace est une «déchéance et une
implosion progressives…
«Deux quotidiens
qui furent prestigieux, que l’on
consomma avidement et qui ne servent
plus que de moyens de pression dans le
secteur de la téléphonie mobile». (Golias
hebdo N° 337- semaine du 22 au 28 mai
2014)
Sauf erreur de la
part de l’auteur de ce texte, le rapport
fait une omission de taille: Il ne
mentionne la moindre exaction du
Hezbollah, pas plus son narcotrafic,
comme le propage Yves Mamou, un ancien
du Monde, que ses viols intensifs, comme
le colporte Annick Cojean, journaliste
au Monde. Venant d’une institution
américaine nullement suspectée de
sympathies pro Hezbollah, ce constat
vaut brevet.
Le rapport
constitue, en creux, un désaveu de la
cohorte des islamophilistes français qui
ont saturé les ondes de leur fausse
science, notamment le chef de meute,
François Burgat, et ses acolytes Thomas
Pierret, Romain Caillet, Nabil
Ennsari, dont les approximations et la
véhémence leur ont conféré le titre
nullement envieux de «branquignoles de
la pensée stratégique française».
Une poignée de
dollars a sabordé la géostratégie du
Monde arabe.
Merci pour Bourhane
Ghalioune. Merci aussi pour les Kodmanis’
sisters, Basma Kodmani et Hala Kodmani.
Merci pour la Syrie, leur patrie
d’origine. Merci pour la Palestine, la
patrie de leurs enfants.
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