MADANIYA
Égypte: De la spécificité du néo
libéralisme
dans les pays périphériques
Mamdouh Habashi
Vendredi 24 avril 2020 Note de la
rédaction
Adaptation en version française par René
Naba, Directeur du site
https://www.madaniya.info/
Au pouvoir depuis
six ans, le président égyptien Abdel
Fattah Al Sissi fait face à une double
manœuvre de contournement, de la part de
la Turquie en Libye en soutien aux
islamistes ennemis jurés du Caire, d’une
part, d’Israël, d’autre part, en
direction du Soudan et de l’Ethiopie,
les deux autres pays riverains du Nil
dont dépend son ravitaillement
hydraulique, à l’arrière-plan d’un
mécontentement résultant de la décision
égyptienne d’importer du gaz israélien.
Une conjoncture qui
explique les jongleries diplomatiques de
l’Egypte face à la «transaction du
siècle», qui s’apparentent à une forme
de schizophrénie en ce que le Caire a
officiellement cautionné ce plan inique
pour les Palestiniens alors que son
ambassadeur au sein de la Ligue arabe le
rejetait. Un défi complexe qui a fait
tanguer son régime à plusieurs reprises
depuis son élection à la magistrature
suprême en 2014. Trois faits font peser
de sérieux risques sur la stabilité du
régime instauré par le maréchal Sissi:
- La décision de
l’Egypte d’importer du gaz israélien
alors que sous le régime du
président Hosni Moubarak, le flux
inverse avait cours, l’Egypte
exportant du pétrole vers Israël à
des prix préférentiels en
superposition
- L’incapacité
de l’Egypte à régler son différend
avec l’Ethiopie à propos de la
répartition des quotas des eaux du
Nil entre les pays riverains
(Egypte, Ethiopie Soudan)
- Le
mécontentement populaire résultant
de la gestion de l’économie
égyptienne par une oligarchie
d’état.
Selon Human Right
Watch, dix icônes de la révolution
égyptienne croupissent en prison. Pour
aller plus loin sur ce sujet :
https://www.middleeasteye.net/fr/en-bref/egypte-ces-dix-icones-de-la-revolution-croupissent-en-prison
1 – L’hydro
guerre dans la corne de l’Afrique
La décision de
l’Ethiopie de se doter d’un barrage de
retenu d’eau qui pourrait réduire
considérablement la quote-part de
l’Egypte dans le volume d’eau du Nil.
Faute d’un arrangement entre les pays
trois concernés (Egypte, Soudan et
Ethiopie), l’Egypte pourrait connaitre
un sérieux problème de survie
alimentaire, à l’effet de le fragiliser
davantage. Le «Barrage de la
Renaissance» éthiopien a été financé par
l’Arabie saoudite en vue de maintenir
sous pression l’Egypte et la contraindre
à une solidarité mutique avec le
bellicisme pétro monarchique tant au
Yémen qu’en Syrie et en Irak. Un projet
encouragé en sous-main par Israël, qui a
fait de l’Ethiopie son tremplin vers
l’Afrique orientale dans une opération
de contournement des pays arabes
musulmans d’Afrique (Egypte, Soudan,
Libye, Somalie, Djibouti). La rencontre
de l’israélien Benyamin Netanyahu et du
soudanais Borhane en Février en Ouganda,
est venue confirmée les craintes
égytpiennes.
Le barrage de la
«Renaissance» a vocation à devenir le
plus grand barrage de l’Afrique avec un
coût de près de 6 milliards de dollars.
Haut de 170 m et près de 2km de large,
il aura une capacité de production
d’électricité de 6000MW (soit trois fois
le barrage d’Assouan en Egypte). La
construction de ce barrage permettra à
l’Ethiopie d’irriguer ses terres pour
l’agriculture, prévenir l’inondation
(rétention de 62 à 100 milliards m3
d’eau), de satisfaire à la fois, de
satisfaire à la fois, ses propres
besoins énergétiques et surtout,
d’exporter à coût de plus de 730
millions d’euros par an de l’électricité
aux pays voisins comme le Djibouti, le
Soudan et le Kenya. Les eaux venues des
plateaux éthiopiens représentent 86 % de
l’eau consommée en Egypte et 95 % en
période de crue. À lui seul, le Nil bleu
fournit 59 % du débit du Nil. Le projet
de barrage de la Renaissance diminuera
de 25 % le débit du Nil en Egypte.
L’hydro guerre dans
la corne de l’Afrique va impacter la
région du delta du Nil, le poumon de
l’agriculture de l’Egypte, où 30
millions d’habitants vivent des eaux du
fleuve, faisant planer un risque sur la
sécurité alimentaire et partant sur la
sécurité nationale de ce pays.
2 – Une bombe
démographique à retardement
L’Egypte comptait
quelque 90 millions d’habitants en 2013,
lorsque le général Abdel Fattah Sissi
accéda au pouvoir. Réélu 2018, Sissi a
taillé une constitution à sa mesure qui
lui permet de s’accrocher à la
présidence jusqu’en 2030. La population
égyptienne, qui a déjà passé le cap des
100 millions d’habitants, devrait alors
atteindre les 120 millions, soit un
doublement en moins de quarante ans.
Le boom démographique s’est accompagné
d’une pauvreté grandissante. Entre 2016
et 2018, la proportion d’Egyptiens
vivant au-dessous du seuil de pauvreté,
fixé à la proportion à moins d’1,5 euro
par jour, est passée de 28 à 33%. Une
bombe à retardement démographique,
désormais placée sur le même plan que le
défi «terroriste».
Avec plus de 100
millions d’habitants en 2018, l’Egypte
est le troisième pays le plus peuplé
d’Afrique derrière le Nigeria et
l’Ethiopie. Disposant d’un important
gisement gazier, «l‘Egypte ambitionne, à
terme, de devenir le grand «Hub
Méditerranéen» de liquéfaction du gaz
naturel, pour les pays producteurs:
Chypre, Israël et, peut-être un jour, le
Liban lorsque le contentieux de Zone
économique exclusive (ZEE) qui l’oppose
aux autorités de Tel-Aviv sera réglé».
Sur le plan
interne, le maréchal Sissi a réagi à sa
manière au soulèvement populaire qui a
embrasé les villes égyptiennes le 20
septembre 2019 par une riposte musclée
dans le droit fil de la méthode qu’il
avait empruntée à l’ inauguration de son
règne. Ce jour-là, le 14 août 2013, la
répression des Frères Musulmans,
partisans de son prédécesseur Mohamad
Morsi, s’était soldé par un épouvantable
massacre de la place Rabia-El-Adaouïa,
qui aurait fait 2600 morts selon des
sources indépendantes, 595 selon le
bilan officiel.
Ebranlé par
l’éviction du président Hosni Moubarak,
ancien chef de l’aviation militaire
durant la guerre d’Octobre 1973,marquée
par la destruction de la ligne de
défense israélienne sur le Canal de
Suez, la Ligne Bar Lev, le régime
égyptien s’est appliqué à se régénérer
autour d’un général Sissi autoritaire.
La dernière
manifestation enregistrée en Egypte
remonte à avril 2016. Elle a été le fait
d’Egyptiens indignés par la cession des
îles de Tiran et Sanafir à l’Arabie
saoudite.
3- Épreuve de
force avec la Turquie en Libye
En superposition au
conflit avec l’Ethiopie, l’Egypte est
engagée dans une épreuve de force avec
la Turquie à propos de la Libye pour le
contrôle de ce pays pétrolier,
frontalier de l’Egypte, sur le flanc
méridional de l’Europe, plaque tournante
du djihadisme vers le Sahel et du flux
migratoire vers le «vieux continent». La
Turquie soutient ouvertement le
gouvernement de Fayez Sarraj, reconnu
internationalement, mais dont les forces
armées sont essentiellement constituées
des milices islamiques accourues en
Libye avec les encouragements de l’Otan
du temps du leadership du Qatar sur la
séquence du «printemps arabe».
L’Egypte et Abou
Dhabi, et d’une manière plus discrète la
France, soutiennent le maréchal Khalifa
Haftar, le grand vaincu de la bataille
de Wadi Doum, au Tchad en 1984. Cet
officier félon libyen reconverti dans la
collaboration avec la CIA cherche à
s’emparer du pouvoir à Tripoli.
L’enjeu sous-jacent
de cette bataille est énergétique, avec
la découverte d’importants gisements
pétroliers off-shore en Méditerranée
orientale. Un accord visant à assurer
une liaison maritime entre Tripoli et
les ports turcs a été conclu en décembre
2019 et Ankara a promis son soutien
militaire au gouvernement Fayez Sarraj
en cas d’agression de son rival Khalifa
Haftar.
La Turquie a commencé ses prospections
pétrolières au large de la partie nord
de Chypre, occupée par les forces
turques, suscitant la constitution d’une
coalition
hostile à ses
visées, regroupant l’Egypte, la Grèce,
la France, la Russie, Israël, l’Italie
et l’Autorité Palestinienne sous le
couvert du «forum gazier de la
Méditerranée orientale».
Le Liban et la
Syrie ont refusé de se joindre à ce
forum, dont l’objectif apparent est
économique, gazier plus précisément, en
réalité militaire.
Fin de la note
Egypte: De la
spécificité du néo libéralisme
dans les
pays périphériques: Le cas de l’Egypte.
Par Mamdouh
Habashi contributeur :
https://www.madaniya.info/
Figure de proue de
l’opposition démocratique égyptienne,
Mamdouh Habashi est le disciple et le
successeur de Samir Amine, le théoricien
de l’alter-mondialisme. Chargé des
Relations Internationales au sein du
«Socialist Popular Alliance Party»
d’Egypte, Mamdoud Habashi est également
Vice- Président du «World Forum For
Alternatives» (WFA) et membre du Conseil
d’administration de «the Arab and
African Research Center» (AARC).
«L’objectif est
la destruction. Je précise bien la
destruction, non seulement des
gouvernements et des états, mais
également des sociétés des pays
concernés qui risquent de constituer une
menace, selon la définition des Etats
Unis».
Samir Amine, Berlin 30 septembre 2016
L’Egypte en
phase de transition aux conséquences
catastrophiques
Tout est-il
imputable à l’incapacité du régime
égyptien?
((Texte de l’intervention de l’auteur à
la 4eme conférence des partis de gauche
des pays riverains de la Méditerranée
29-31 Mars 2019 – Beyrouth.))
Durant sa courte
période pouvoir, le maréchal Abdel
Fattah Al-Sissi a détruit politiquement
et économiquement l’Egypte. Il a détruit
non seulement ce qui subsistait de
l’État de Droit, mais de l’État tout
court.
La nomenklatura
militaire s’est emparée du pouvoir
législatif et judiciaire, imposant au
dispositif médiatique une même rengaine.
Des millions d’Égyptiens appartenant à
la classe moyenne ont glissé
inexorablement vers le seuil de
pauvreté, alors que les pauvres sont
désormais réduits à mener un combat
quotidien contre leur pauvreté. L’élite,
seule, est en mesure d’assumer ses frais
de couverture médicale et de
scolarisation.
1- Le cauchemar
de la contestation populaire de place
Al-Tahrir
Quelque-soit sa
coloration et son orientation,
l’opposition qu’elle soit islamiste ou
non croupit dans les prisons, les
prisons anciennes et les prisons
nouvellement bâties pour abriter les
nouveaux pensionnaires de ces centres de
détention. L’argent du pays accumulé à
la sueur du front des millions de
travailleurs égyptiens de même que les
crédits consentis à l’Egypte sont
dilapidés dans des édifices somptueux
affectés au bien être de l’élite: Que
cela soit la nouvelle capitale
égyptienne, ou la capitale d’été édifiée
sur les rives de la Méditerranée ou
encore l’autoroute du désert.
L’Etat est protégé
par un gigantesque arsenal qui le place
à l’abri d’un soulèvement populaire.
Indice de la
crainte du régime d’un inéluctable
affrontement avec la population,
l’édification de ces nouveaux centres se
fait à un rythme soutenu car le régime
vit comme un cauchemar la réédition du
soulèvement populaire la place
Al-Tahrir, haut lieu de la contestation
populaire de la capitale égyptienne, qui
a emporté Hosni Moubarak.
L’armée se
transforme progressivement, mais
insidieusement, en une armée de
répression. Une armée contre le peuple.
2 – La position
ambiguë des pays occidentaux à l‘égard
de l’Egypte.
En ce qui concerne
les pays occidentaux, Sissi a fait la
démonstration qu’il était le plus apte à
préserver et à gérer les intérêts
géostratégiques et économiques des pays
occidentaux en Egypte et son
environnement. Ceci explique la position
ambigüe des Occidentaux, attentifs aux
Droits de l’Homme et à l’Etat de droit
en Egypte. Une attitude compensée
toutefois par leur mansuétude à l’égard
du régime et de son comportement.
Sur la projection géostratégique de
l’Egypte, cf l’analyse de Richard
Labévière sur ce lien,
https://prochetmoyen-orient.ch/egypte-ambigue-mais-pays-pivot/
Depuis que Sissi a
prêté serment, en 2014, en tant que
président, il n’a cessé de violer les
dispositions de la constitution,
soutenant que «la démocratie ne saurait
s’accommoder de la guerre contre le
terrorisme». Ceci implique, a contrario,
qu’il considère tout opposant comme un
terroriste potentiel car il contribue,
selon lui, à la déstabilisation de
l’état et justifie son incarcération.
Par extension toute critique à
l’encontre de l’armée et de la police,
les bras armés du régime, est considérée
comme un «crime de haute trahison».
Sa conception de
l’économie et du développement est
rudimentaire. Elle se réduit à la
réalisation de «Grands Chantiers
Nationaux»: Nouvelle capitale
égyptienne, doublement de la capacité de
passage de la voie d‘eau du Canal de
Suez, percement de l’autoroute du
désert. Tous les grands projets ont été
mis en chantier sans étude de
faisabilité préalable. Sissi considère
en effet de telles études comme étant
une perte de temps.
3-Le
néolibéralisme en Egypte date de Sadate
Le néo-libéralisme
n’est pas nouveau en Egypte. Il remonte
à l’époque de Sadate (1070-1981) qu’il a
inauguré en 1974 avec sa «politique de
l’ouverture-Al Infitah». Ses successeurs
(Hosni Moubarak et Abdel Fattah Al
Sissi) ont maintenu le cap.
La politique de
l’ouverture est tout simplement la
reddition aux diktats du Fonds Monétaire
International (FMI), dont l’une des
premières conséquences aura été la
baisse drastique du niveau de vie de la
population.
Sissi a poussé à
l‘extrême cette politique. En quatre ans
de pouvoir (2014-2018), Sissi a non
seulement paralysé l’économie
égyptienne, mais noyé le pays sous les
dettes. Sissi a emprunté infiniment plus
que tous ses prédécesseurs réunis y
compris Nasser (1952-1970).
4- Le service de
la dette: 38 pour cent du budget
national. Doublement de la dette externe
de 46 à 92 milliards de dollars en 4
ans.
Le service de la
dette absorbe 38 pour cent du budget
national, selon les statistiques de la
Banque Centrale égyptienne. La tendance
est à la hausse.
Sissi a fait le pari que l’Occident ne
peut supporter les conséquences d’un
effondrement économique de l’Egypte car
le pays présenté un intérêt stratégique
capital pour les pays occidentaux, les
pétromonarchies et Israël? Ces trois
parties préfèrent que l’Egypte soit
maintenue en état de dépendance et de
suivisme plutôt que d‘avoir affaire à
une Egypte forte.
Depuis l’entrée en
vigueur de la constitution en 2014, le
budget de la défense, celui de la
production militaire et de la justice
ont été soustraits du budget national.
Ces trois budgétaires échappent
désormais au contrôle de la Comptabilité
Publique. De sorte que le Budget
National ne représente que 32,8 pour
cent du Produit National Brut (PNB). Le
reste des dépenses publiques échappe à
tout contrôle juridique et politique.
En 4 ans
(2014-2018), la dette locale a doublé
passant de 1,6 trillions de Livres
Egyptiennes à 3,6 trillions de LE. La
dette externe a, elle aussi, doublé
passant de 46 à 92 milliards de dollars,
en dépit d’une forte dévaluation de la
livre égyptienne, en novembre 2016, en
application d’un traitement de choc
passant d’un taux de change de 1 dollar
pour 8 LE à un dollar pour 18 LE
Sissi a accéléré la
privatisation de tous les organismes de
l’état égyptien pour alléger la dette
publique, privatisant à tour de bras,
sans la moindre transparence.
L’Egypte n’est pas le premier pays à
fonder un «Fonds Souverain». Pour les
autres pays, un tel fonds visait à
assurer la pérennité du secteur
économique menacé, de diversifier les
ressources du pays afin de préserver les
droits des générations suivantes.
En Egypte, le Fonds
a été créé exclusivement pour combler
les dettes du budget de l‘état. Ibrahim
Nawar, économiste égyptien réputé, a
ainsi qualifié la finalité du Fonds: «Le
Président en personne pioche les sommes
qu’il souhaite du Fonds, le gère à sa
guise et distribue ses ressources à qui
bon lui semble.orientxxi.info
5 – Égypte: Le
gouffre d’une dette alimentée par
l’armée
Incapable de
réduire une dette qui explose du fait
notamment de la ponction des militaires
sur le budget, le gouvernement égyptien
a annoncé de nouvelles mesures
d’austérité. Et restreint la vente de «
gilets jaunes », de peur que cela ne
donne des idées à une population
pressurée.
((NDLR La dette est
aggravée par l’augmentation de la dette
intérieure, qui a atteint 3,4 milliards
de livres égyptiennes (167 milliards
d’euros) à la fin de 2017, soit 12% de
plus que l’année précédente. Cette
augmentation rapide a dépassé la
croissance du PIB, faisant sauter le
ratio de la dette de 87,1% en 2013 à
101,2% à la fin de 2017.
Le paiement des intérêts, qui ont
atteint 31% du budget annuel pour
l’exercice 2016-2017 pèse lourdement sur
le budget de l’État. Le gouvernement
souhaite réduire la dette publique à 80%
du PIB d’ici 2020, en diminuant le
déficit budgétaire et en augmentant le
revenu par habitant. La dévaluation
massive de la livre par la Banque
centrale en novembre 2016 devait
améliorer la performance économique de
l’Égypte; elle a en réalité aggravé
l’impact de la crise de la dette.
La croissance du
PIB demeure faible, à seulement 4.1,
reflétant une baisse des exportations
totales, qui sont passées de 26
milliards de dollars (22,85 milliards
d’euros) au cours de l’exercice
2013-2014 à 21,6 milliards (18,98
milliards d’euros) en 2016-2017. Il en
va de même dans le secteur du tourisme :
le nombre total de touristes qui ont
visité l’Égypte entre 2016 et 2017 n’a
atteint que 6,6 millions, contre 10,2
millions en 2014-2015)).
6 – 60.000
prisonniers politiques en Egypte
Comment cela a-t-il
pu se produire en Egypte?
Très simplement, depuis son arrivée au
pouvoir à la tête, en 2013, Sissi a jeté
les fondements de sa propre dictature à
l’aide des nombreux thuriféraires du
régime.
Soixante mille (60.000) prisonniers, pas
exclusivement des Frères Musulmans, mais
aussi de tous les courants politiques
croupissent dans les prisons
égyptiennes. Cette politique de
répression bénéficie du soutien des
Occidentaux, des pétromonarchies du
Golfe et d’Israël.
Depuis plusieurs
mois, les Egyptiens sont les spectateurs
d’une comédie pathétique qui a pour
titre «la modification de la
constitution», dont les partisans, tels
des pantins désarticulés, sont manipulés
par de grossières ficelles.
L‘argument majeur
est de faire valoir que Sissi ne peut
quitter le pouvoir après son 2me mandat
-le dernier mandat selon la
constitution- car le président ne
pouvait abandonner le pouvoir alors que
les grands projets d’infrastructures
qu’il avait lancés n’étaient pas
achevés. L’incapacité des Egyptiens à se
débarrasser du «Pharaon» est imputable à
un complexe résultant d’une maladie
endémique en ce domaine.
Pour cette raison,
l’Assemblée constituante, en 2014, avait
voté, à l’unanimité, un article
concernant la durée du mandat
présidentiel. L’article spécifiait
clairement que toute requête visant à
modifier l’article en question
(concernant la durée du mandat
présidentiel) est ipso facto
anticonstitutionnel; instantanément
inconstitutionnel.
L’article stipule
qu’un tel sujet devait être débattu
pendant une durée d’un mois. Le débat
devrait se dérouler, à huis clos, lors
d’une session spéciale du devant un
parlement au sein de laquelle ne devrait
figurer aucun opposant.
Un tel débat
devrait s’accompagner d’une campagne de
presse en faveur de la modification de
la constitution.
Devant un tel
verrouillage, seuls les réseaux sociaux
auraient pu développer des voix
discordantes.
Toutes les
entreprises de l’Etat, les
administrations publiques, les
organismes gouvernementaux, grands ou
petits, ont été vigoureusement
sollicités par l’appareil sécuritaire
égyptien pour proposer des «volontaires»
à la surveillance des urnes.
Le peuple égyptien
n’a pas été dupe de cette mascarade,
indifférent au sort de la consultation,
car il n’ignorait pas que les résultats
de la consultation seront décidés par
les ordinateurs du ministère de
l’Intérieur.
Pour Sissi, il
importe avant tout de cibler l’opinion
internationale, en l’inondant d’images
d’électeurs se rendant aux urnes.
La pérennisation du Régime Sissi augure
d’un sombre avenir post Sissi: Un
groupement armé prêt à en découdre pour
défendre son butin ; le pillage des
richesses de la nation.
7 – Le Fonds de
Souveraineté Egyptien.
Le coup de massue
est intervenu avec la constitution d’un
«Fonds de Souveraineté Egyptien».
Ce Fonds étend la propriété de l’état
aux domaines suivants: -Lacs, fleuves,
sites archéologiques et la
quasi-totalité des installations
économiques du pays. Il transfère les
biens du domaine public en propriété
privée de l’état. Il place l’état
au-dessus de la Loi et par voie de
conséquence la direction du Fonds
au-dessus de la loi, elle aussi.
Le décret portant
création du Fonds spécifie, sans la
moindre contestation possible, que Tous
les actes du Fonds relèvent de la
propriété de l’état, en application du
Droit privé des personnes et non du
Droit Public général. Le Fonds n’est
ainsi pas responsable devant la Cour des
Comptes ni de toute autre autorité
chargée de contrôler la régularité des
dépenses publiques et du domaine public.
Du même auteur
Illustration
Le président Abdel
Fattah al-Sissi, lors d’une cérémonie
militaire le 10 octobre 2015. © KHALED
DESOUKI / AFP
Le sommaire de René Naba
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