MADANIYA
La rémission par le sang de civils
innocents
René Naba
Mercredi 18 novembre 2015
La stratégie apocalyptique mise en
œuvre par Da’ech, particulièrement à
l’égard d’un des alliés majeurs des
djihadistes de surcroît le pays
occidental le plus en pointe dans sa
guerre psychologique incitative à
l’encontre du président syrien Bachar Al
Assad, leur ennemi commun, parait devoir
mettre un bémol à la frénésie anti
syrienne de la classe
politico-médiatique française, sauf à
précipiter la France dans une sarabande
mortifère, avec, à terme, sa relégation
à l’échelle des puissances.
S’il a quelque peu libéré la France
d’une alliance encombrante et
déshonorante au regard de ses valeurs et
de son histoire, ce terrible tribut de
sang – le carnage de Charlie Hebdo le 5
Janvier 2015 et la tuerie du Bataclan le
13 Novembre 2015 – a, par contrecoup,
mis en relief la dérive pathologique en
même temps que la persistance des
présupposés idéologiques post coloniales
du pouvoir décisionnel français dans sa
double version néo-gaulliste : Nicolas
Sarkozy et Alain Juppé, les initiateurs
de la guerre de Libye et de Syrie et
socialo-atlantiste François Hollande et
Laurent Fabius, les zélés soutiens des
djihadistes et portant les
amplificateurs de leurs thèses
nauséabondes.
Si le bain de sang dont le territoire
français a été le théâtre en 2015 a
suscité une empathie internationale à
l’égard de la France, il n’en occulte
pas pour autant la responsabilité –
lourde et directe – de la «Patrie des
Droits de l’Homme» tant dans la gangrène
djihadiste du Moyen-Orient que dans la
destruction des états à structure
républicaine, au bénéfice d’un syndicat
pétro-monarchique le plus obscurantiste
et le plus répressif de la planète.
Comparaison n’est pas raison ;
Certes Bachar Al Assad et Mouammar
Kadhafi sont à classer parmi les
dictateurs, mais au même degré que
Mobutu (Zaïre), le tueur de Patrice
Lumumba, Hissène Habré (Tchad), le
geôlier de François Claustre, Blaise
Compaoré, le tueur de Thomas Sankara, le
Roi Hassan II du Maroc, le tueur de
Mehdi Ben Barka. Mais contrairement aux
grands amis de la France, qui ont
décapité avec un bel enthousiasme les
figures de proue du tiers monde en lutte
pour son indépendance et sa dignité, le
syrien n’est pas pourvoyeur des djembés
et mallettes à une fraction vénale de la
classe politico-médiatique.
C’est là l’un des motifs de la furie
anti syrienne. Le second est que
l’ultime récalcitrant à une reddition
arabe à l’impérium israélo-américain se
veut et se vit comme le pivot de la
contestation à l’axe atlantiste. Deux
péchés mortels au regard d’une classe
politique française philo-sioniste,
gagnée par la pensée néo-conservatrice
américaine.
La France, en Libye et en Syrie, a
commis un crime contre l’intelligence.
Elle en a payé le prix dans la chair de
ses citoyens, d’une manière répétitive
tout au long de 2015. En toute impunité
pour ses dirigeants.
Si la responsabilité première
incombe, sans la moindre contestation
possible, aux néo-conservateurs
américains, sous l’autorité du trio de
sinistre mémoire George Bush jr, Dick
Cheney et Donald Rumsfeld et leurs
alliés wahhabites représentés par le
Prince Bandar Ben Sultan,
l’orchestrateur en chef du chaos
destructeur de ce «désordre
constructeur», la responsabilité seconde
incombe au pouvoir français
socialo-gaulliste dans sa nouvelle
version néo-conservatrice et atlantiste.
Non seulement en Libye et en Syrie,
mais aussi par son silence mortel sur le
Yémen, son alliance privilégiée avec le
royaume saoudien, l’incubateur absolu du
djihadisme erratique dégénératif et son
appendice du Qatar, la Mecque de la
confrérie des Frères Musulmans, la
matrice de toutes les organisations
radicales djihadistes d’Al Qaida et
Jabhat An Nosra. Enfin, dernier et non
le moindre, de la Turquie le volant
régulateur es djihadistes sur le plan
militaire, en même temps que le
principal pourvoyeur du flux migratoire
à destination de l’Union européenne en
crise systémique de son économie.
Le sommet G20 d’Antalya qui a
regroupé le 14 Novembre 2015, au
lendemain de la tuerie du Bataclan les
20 puissances économiques mondiales, en
présence du turc Reccep Tayyeb Erdogan,
du saoudien Salmane et de Laurent
Fabius, – l’homme qui aurait mieux fait
de brider les pulsions casinotières de
son fils plutôt que de proférer des
monstruosités du genre «Jabhat An Nosra
fait du bon travail en Syrie», apparaît,
rétrospectivement comme une farce
tragique. D’un goût saumâtre.
A Charlie Hebdo, au Bataclan, comme
auparavant en Isère lors de la
décapitation d’un patron, le 26 juin
2015, le pouvoir décisionnaire français
dans sa version sarko hollandaise paie
le prix de son dévoiement et de sa
démagogie, de la morgue de ses élites
intellectuelles, particulièrement de ses
universitaires islamophilistes et de la
servilité de sa classe
politico-médiatique.
Qu’un président confie la conduite de
sa politique étrangère au plus célèbre
ronfleur de la diplomatie internationale
contemporaine donne la mesure de
l’érosion de la déontologie du
commandement.
Qu’un socialiste soit le meilleur
allié du turc, massacreur des Kurdes,
auparavant des arméniens et des
assyriens, des wahhabites, les plus gros
corrupteurs de la vie politique arabe et
les plus grands destructeurs du Moyen
Orient, laisse rêveur quant à la
signification du socialisme au XXI me
siècle. Un fait qui explique, pour une
large part, la désaffection politique de
la jeunesse parisienne fauchée par la
mitraille djihadiste.
Pour aller plus loin
-
http://www.renenaba.com/les-islamophilistes-tontons-flingueurs-de-la-bureaucratie-francaise/
-
http://www.madaniya.info/2015/11/05/l-occident-face-a-l-extremisme-religieux-conte-d-une-folie-ordinaire/
Illustration :
Peace for Paris @jeanjullien. https://instagram.com/jean_jullien/
© madaniya.info -
Tous droits réservés.
Reçu de René Naba pour publication
Le sommaire de René Naba
Les dernières mises à jour
|