MADANIYA
Maroc-Israël :
Hassan II, la grande imposture
René Naba
Samedi 17 novembre 2018
Le Roi Hassan II du
Maroc, Président du Comité Al Qods»
(Jérusalem), hôte du premier sommet
islamique de l’époque contemporaine
(Rabat 1969), apparaît rétrospectivement
comme l‘un des grands traitres à la
cause arabe et son long règne de 38 ans
(Mars 1961-Juillet 1999) une vaste
supercherie, si toutefois sont avérées
les révélations contenues dans le livre
du journaliste israélien Ronen Bergman
«Rise and Kill First: The secret History
of Israel’s targeted assassinations»,
ED. Penguin Random House.
Les dirigeants
arabes placés sur écoute sur ordre de
Rabat
Réputé pour son
sérieux, chroniqueur militaire de
Yedioth Aharonoth et du New York Times,
l’auteur soutient que les dirigeants
arabes ont été placés sur écoute des
services israéliens grâce à la
connivence marocaine lors du Sommet
arabe de Casablanca de septembre 1965.
Du jamais vu même dans les fictions les
plus satiriques, cette trahison dénote
la désinvolture du monarque chérifien à
l’égard de ses pairs et de son mépris
pour la cause palestinienne.
Version arabe de
ce récit selon la recension de
l’ouvrage établi par le site en ligne Ar
Rai Al Yom à l’intention du locuteur
arabophone.
https://www.raialyoum.com/?p=821705
La date n’est pas
anodine. Scellé par la signature d’un
pacte de solidarité et de coexistence
pacifique entre régimes arabes, ce
sommet s’est tenu en septembre 1965, au
terme d’un été particulièrement brûlant
au Maroc, marqué par la terrible
répression de la révolte étudiante de
Casablanca (23 mars 1965) qui fit
officiellement 7 morts et 168 blessés.
En fait 400 morts selon l’ambassade de
France à Rabat.
Sentant le vent du
boulet, le jeune monarque a eu la
lumineuse idée de se tourner alors vers
les Israéliens, comme garde fou aux
débordements de son opposition interne
et externe. Autrement dit, contre la
volonté de son peuple, il s’allia aux
ennemis du Monde arabe pour la survie de
son trône, dans la pure tradition de la
servitude coloniale. Un schéma identique
sera observé 70 ans plus tard par le
trône wahhabite, bradant la Palestine,
par une alliance ouverte avec Israël.
Dans une sorte
d’échange de bons procédés, Hassan II
percevra le prix de sa forfaiture au
plan arabe, un mois plus tard, par
l’élimination d’un des espoirs de la
renaissance arabe, Mehdi Ben Barka.
Figure mythique de
l’opposition démocratique marocaine,
l’ancien professeur de mathématiques
d’Hassan II sera enlevé en octobre 1965
à Paris avec la complicité du Mossad, et
carbonisé par des sbires marocains, un
mois après la tenue du sommet de
Casablanca.
Principal opposant
socialiste au roi Hassan II et leader du
mouvement tiers-mondiste et
panafricaniste, Mehdi Ben Barka a été
enlevé le 29 octobre 1965 à Paris alors
qu’il tentait, en sa qualité de
«commis-voyageur de la révolution», de
fédérer les mouvements révolutionnaires
du tiers-monde en vue de la Conférence
Tricontinentale devant se tenir en
janvier 1966 à la Havane en vue de faire
converger «les deux courants de la
révolution mondiale: le courant surgi
avec la révolution d’Octobre et celui de
la révolution nationale libératrice».
Pour l’historien René Galissot, «c’est
dans cet élan révolutionnaire de la
Tricontinentale que se trouve la cause
profonde de l’enlèvement et de
l’assassinat de Ben Barka».
Sur ce lien, Le
rôle de Mehdi Ben Barka et de la
tricontinentale dans le réveil des
peuples colonisés
La mise sur écoute
des dirigeants arabes a permis aux
Israéliens de prendre note de la
stratégie de reconquête de la Palestine,
comme des divergences inter arabes. La
décision marocaine aura constitué «Le
plus grand trésor stratégique d’Israël».
Le journaliste israélien a estimé que
cette information était «la raison
principale qui a poussé Israël à prendre
la décision de faire la guerre aux États
arabes en Juin 1967», deux ans après le
sommet de Casablanca, et qui a infligé
une terrible défaite à l’Égypte, à la
Syrie et à la Jordanie.
L’incendie de la
Mosquée Al Aqsa par un illuminé
israélien, en 1969, donne l’occasion au
souverain chérifien de se refaire une
virginité politique à l’occasion du
sommet Islamique de Rabat, en 1969. Deux
ans après la défaite de juin 1967, dont
il en a été indirectement responsable,
le «Commandeur des Croyants» va cumuler
cette fonction spirituelle avec celle
plus politique de président du «Comité
Al Qods».
Le sommet islamique
de Rabat a marqué, sur le plan
idéologique, le début de
l’instrumentalisation de l’Islam comme
arme politique contre l’athéisme
soviétique et le nationalisme arabe, et,
sur le plan stratégique, le détournement
du combat pour la libération de la
Palestine, vers des contrées
périphériques, à des milliers de km du
champ de bataille de la Palestine, avec
Al Qaida en Afghanistan et les
djihadistes arabo afghans au Caucase et
en Bosnie au Kosovo, avant d’être dirigé
contre les pays arabes à structure
républicaine (Libye, Syrie) à l’occasion
du déclenchement de la séquence dite du
«printemps arabe» et le surgissement de
groupements terroristes islamistes
Daech, Jabat An Nosra, Jaych al Islam,
opérant, dans le sud de la Syrie, en
coopération avec Israël.
Le Maroc figurera
lors de cette séquence comme l’un des
plus gros exportateurs du terrorisme
islamique vers l’Europe occidentale
(Attentat de Madrid 2004 qui a fait 200
morts, l’assassinat de Théo Van Gogh,
les attentats de Bruxelles en 2015 et
les attentats de Barcelone en 2017).
Pour aller plus
loin sur ce thème
http://www.renenaba.com/de-l-instrumentalisation-de-l-islam-comme-arme-de-combat-politique/
Nonobstant la
coopération sécuritaire entre le Maroc
et Israël, Hassan II, fait rarissime
dans les annales, devra faire face à
deux séditions militaires, à son palais
de Skhirat, le 10 juillet 1971, jour de
son anniversaire, puis l’année suivante
contre son propre Boeing par un groupe
d’aviateurs ; indice d’un fort
ressentiment à son égard, deux ans après
son sacre de Rabat.
Au delà du rôle du
Mossad dans l’enlèvement de Mehdi Ben
Barka, la vassalité du trône alaouite à
l’égard de l’État Hébreu s’est
concrétisée sous le règne de son
successeur Mohammad VI avec le scandale
du «Collier de la Reine» dans sa version
tropicale ; un scandale qui titre son
nom du bijou offert par l’épouse du Roi
à Tzipi Livni, ancien ministre israélien
des Affaires étrangères, dans la foulée
de la destruction de la bande de Gaza
(2007-2008), dont l’ancienne agent du
Mossad en Europe en a été la
coordonnatrice.
Pour aller plus
loin sur l’affaire du collier de la
reine
http://www.renenaba.com/le-collier-de-la-reine/
Le Maroc, pivot
central du dispositif occidental en
Afrique via le Safari Club
Pivot central du
dispositif occidental en Afrique, le
Royaume fondera, en 1976, avec la
France, l’Egypte, l’Iran et l’Arabie
saoudite, le «Safari Club», se donnant
ainsi l’illusion de «jouer dans la cour
des grands». En pleine négociation de
paix égypto-israélienne, il assumera le
rôle de gendarme, non sur le champ de la
confrontation israélo-arabe, mais à des
milliers de kilomètres de là, non pour
la récupération des Lieux Saints de
l’Islam, mais pour le maintien au
pouvoir d’un des dictateurs les plus
corrompus de la planète le Zaïrois
Mobutu, agent attitré des Américains
dans la zone centrale de l’Afrique,
l’assassin de Patrice Lumumba, le chef
charismatique de l’Indépendance du Congo
ex belge.
En soutien à Jonas
Savimbi, l’agent de la CIA en Angola ;
ou encore l’ivoirien Félix Houphouet
Boigny, le principal pourvoyeur des
djembés et des mallettes à une caste
politico médiatique française vénale.
Le Maroc était
représenté au sein de cette structure
par le général Ahmad Dlimi, un des
artisans de la liquidation de Mehdi Ben
Barka, l’ancien lieutenant du général
Mohamad Oufkir, l’homme des basses
oeuvres de la dynastie alaouite, tous
les deux liquidés sans autre forme de
procès sur ordre du Palais royal.
À propos du
safari Club
https://fr.wikipedia.org/wiki/Safari_Club
La dynastie
chérifienne a constamment justifié sa
relation privilégiée avec Israël par la
spécificité du judaïsme marocain.
Cf sur ce point,
l’analyse d’Abraham Sarfati, l’un des
plus célèbres opposants marocain à
Hassan II.
http://www.renenaba.com/jordanie-et-maroc-additif/
Il n’en demeure pas
moins que le règne d’Hassan II, malgré
les prosternations d’une presse
française vénale, sera néanmoins
qualifié de «Règne du Bagne et de la
Terreur», dont le cas le plus illustre
aura été le bagne de Tazmamart et
l’arbitraire qui frappa notamment les
Frères Bourequat.
Pour aller plus
loin sur cette affaire, cf le lien
suivant
http://www.renenaba.com/maroc-les-trois-freres-bourequat-40-ans-apres-le-retour-des-fantomes-vivants/
Le Maroc,
pourvoyeur de prostituées pour les
pétromonarchies et refuge de la mafia
israélienne
Un des principaux
pourvoyeurs de la prostitution à
destination du Golfe pétro monarchique,
où près de vingt mille marocaines y font
l’objet d’exploitations sexuelles, le
Maroc passe de surcroît pour être un
refuge pour la mafia israélienne. Le
royaume aurait accueilli plusieurs
anciens membres de la mafia israélienne,
selon le quotidien israélien Haaretz, en
date du vendredi 14 septembre 2012.
Gabriel Ben-Harush
et Shalom Domrani, deux figures
puissantes de la mafia israélienne,
recherchées depuis des années par
l’Interpol, figuraient parmi les noms
cités par le journal. Cf à ce propos :
http://www.yabiladi.com/articles/details/12903/maroc-refuge-pour-mafia-israelienne.html
Pour aller plus
loin sur ce sujet cf:
http://www.renenaba.com/yves-mamou-et-le-phenomene-de-serendipite/
Ronen Bergman
mentionne 2700 assassinats ciblés
orchestrés par Israël ; soit en moyenne
40 opérations par an. Les Israéliens
n’auront fait que reprendre les méthodes
en vigueur en Palestine par les
britanniques, notamment le général Orde
Wingate, qui avait créé dans la décennie
1930 les «Special Night Squads», les
«Escadrons Nocturnes Spéciaux» composés
de combattants juifs chargés des raids
contre les villages arabes en procédant
à l’élimination des meneurs.
La France en a fait
usage pendant la guerre d’Algérie et
François Hollande a même admis que Paris
y avait eu recours dans le cadre de la
lutte contre le terrorisme. Les deux
derniers présidents américains ont eu
également recours aux «assassinats
extrajudiciaires», George W. Bush jr,
après les attentats terroristes du 11
Septembre 2001, et Barack Obama a
ordonné plusieurs centaines d’exécutions
ciblées par drones.
Yasser Arafat,
Cheikh Ahmad Yassine, Abdel Aziz
Rantissi
La connivence
israélo-marocaine s’est poursuivie en
dépit de la décapitation du leadership
palestinien, par les Israéliens, et le
recours aux assassinats «extra
judiciaires» des deux principaux
dirigeants du Hamas, Cheikh Ahmad
Yassine et son successeur Abdel Aziz
Rantissi. Une collision qui acte une
forme de forfaiture de la part du
pouvoir chérifien.
Le livre suggère
aussi clairement qu’Israël a utilisé un
poison radioactif pour tuer Yasser
Arafat, le chef historique palestinien,
ce que les dirigeants israéliens ont
toujours nié. Bergman écrit que la mort
d’Arafat en 2004 correspondait à un
modèle et avait des partisans. Mais il
évite d’affirmer clairement ce qui s’est
passé, expliquant que la censure
militaire israélienne l’empêche de
révéler ce qu’il pourrait savoir.
Deux monuments ont
été édifiés au Maroc pour immortaliser
l’oeuvre d’Hassan II : son mausolée à
Rabat et la Mosquée de Casablanca, l’une
des plus grandes du monde, qui porte son
nom. Mais celui que la presse
occidentale, particulièrement la presse
française engourdie par la diplomatie de
la Mamouniya, encensait comme un
«Machiavel arabe doté de la baraka», se
révélera être, à la lecture des
révélations du livre de Ronen Bergman,
un mauvais génie, une imposture.
Et les deux
monuments édifiés à la gloire posthume
du Commandeur des Croyants et Président
du comité Al Qods, -mais néanmoins un
des principaux artisans du bradage de la
Palestine, au même titre que l’Arabie
saoudite-, se perçoivent,
rétrospectivement, comme les stigmates
du règne hideux d’un parfait sous
traitant de l’impérium
israélo-occidental. D’un être maléfique.
D’un souverain vil et servile.
Pour aller plus
loin
1 – La dynastie
wahhabite et le bradage de la Palestine
https://www.madaniya.info/2017/12/06/la-dynastie-wahhabite-et-le-bradage-de-la-palestine-1-2/
2- La soumission du
Maroc à l’imperium israélo-américain
http://www.renenaba.com/la-jordanie-et-le-maroc-deux-voltigeurs-de-pointe-de-la-diplomatie-occidentale/
Reçu de René Naba pour publication
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