MADANIYA
Saad Hariri, un homme aux ordres
René Naba
Dimanche 5 novembre 2017
Saad Hariri n’est pas un homme d’ordre,
mais un homme aux ordres et son
comportement imprévisible fait désordre.
Sa
démission samedi 4 Novembre 2017 de son
poste de premier ministre, inopinément,
sur claquement des doigts des Saoudiens,
accrédite l’image d’un fantoche, d’un
homme de paille de la dynastie
wahhabite, à l’origine de sa fortune et
de promotion politique.
Signe de
sa dépendance extrême à l’égard de ses
parrains, c’est depuis l’Arabie saoudite
et non depuis Beyrouth, la capitale d’un
pays dont il est le chef du
gouvernement, qu’il a annoncé sa
démission, camouflant son abandon de
poste par une violente diatribe contre
l’Iran et le Hezbollah, son rival
politique victorieux de toutes ses
confrontations face au chef du clan
saoudo américain au Liban.
Depuis
l’Arabie saoudite, qui lui a infligé
camouflet sur camouflet lors de sa
faillite, sans la moindre aide, sans la
moindre attention au sort des centaines
d’employés que l’héritier failli a été
contraint de licencier et de réduire au
chômage sans la moindre indemnité, dans
la pure tradition du capitalisme sauvage
pétro monarchique.
Précédée
par la convocation à Ryad de tous les
hommes liges libanais du bailleur de
fonds saoudien, -Samir Geagea, Samy
Gemayel, les chefs des anciennes milices
chrétiennes pro israéliennes, le
Patriarche maronite Béchara Rahi- tous
munis d’un ordre de mission d’un
ministricule saoudien, Tamer Al Sabhane,
ordonnant «l’expulsion du Hezbollah du
gouvernement libanais», cette démission
paraît devoir traduire la volonté du
Royaume d’engager l’épreuve de force
contre l’Iran et son allié chiite
libanais, alors que l’Arabie Saoudite et
son protecteur américain enregistrent
revers sur revers tant en Syrie, qu’en
Irak et que la coalition pétro
monarchique est enlisée dans une guerre
sans fin au Yémen.
«De
soustraire le Liban du champ de bataille
afin de le contraindre à une
normalisation avec Israël dans la foulée
de la diplomatie saoudienne, dénoncera
Sayyed Hassan Nasrallah, le chef du
Hezbollah Libanais, à l’annonce de cette
démission.
La
démission forcée du dirigeant sunnite
libanais s’est accompagnée d’une purge
sans précédent au pouvoir dans le
royaume saoudien portant sur 4
ministres, onze princes, le commandement
de la garde nationale, le fief ultra
conservateur de la dynastie wahhabite,
afin de brider toute contestation du
pouvoir du jeune prince héritier Mohamad
Ben Salmane (MBS) et aspirant impétueux
à la succession de son père.
Elle
pourrait entraîner le Liban dans une
spirale infernale, dans le droit fil de
la politique israélo-américaine visant à
la neutralisation du Hezbollah et
déboucher à terme sur une nouvelle
épreuve de force avec Israël.
Depuis
l’an 2000, Israël n’a jamais remporté un
succès décisif face au Hezbollah, un des
décideurs majeurs sur le plan régional
et un des grands vainqueurs de la guerre
de Syrie. La dernière confrontation
Israël-Hezbollah en 2006, s’est soldée
par une humiliante retraite israélienne
du sud Liban et la double démission du
premier ministre Ehud Olmert et du chef
de l’aviation Dan Haloutz.
L’abdication de Hariri Jr devant l’oukaze
saoudien est intervenue moins d’un an
après sa nomination à la tête du
gouvernement, après une éclipse de cinq
ans marquée par la déconfiture
retentissante de son empire.
En guise
de justificatif à sa démission, le
milliardaire failli a dénoncé le rôle
néfaste de l’Iran et du Hezbollah.
L’Iran, et non l’Arabie, incubateur du
terrorisme islamique. Le Hezbollah, le
sentinelle de l’Indépendance libanaise,
celui là -même qui a fermé l’œil sur ses
jongleries financières avec la banque
centrale libanaise pour le renflouer. Le
Hezbollah qui a cautionné son retour au
pouvoir par une entente avec le
président Michel Aoun.
Onze
mois de gouvernance exactement; un délai
court mais suffisant pour lui permettre
de se reconstituer, avec la
bienveillance du Président libanais
Michel Aoun et du Hezbollah, une santé
financière notamment grâce au
reprofilage arbitraire de sa dette par
la Banque Centrale du Liban,
l’acquisition injustifiée des terres du
domaine publique maritime libanais, et
la réaffectation des chômeurs de ses
entreprises dans des services publics
libanais.
Pour
justifier sa fuite, le fugitif permanent
de la vie politique libanaise a assuré
qu’il avait fait l’objet d’une tentative
d’attentat, un argument similaire que le
quotidien français Libération s’était
dévoué à avancer en 2011 pour expliquer
sa déportation vers l’Arabie saoudite.
Héritier problématique et parfait
exemple d’un dirigeant off shore
Signe de
son attachement au Liban, ce flying
Dutchman de l’époque contemporaine, en
errance perpétuelle, n’a jamai , bien
jamais, fait séjourner sa famille -son
épouse d’origine syrienne et ses deux
enfants-au Liban, vivant leur scolarité
et leurs vacances entre l’Arabie
saoudite, Paris et le sud de la France.
Héritier
problématique, Saad Hariri constitue un
parfait exemple d’un dirigeant off
shore. A l’Image de l’opposition
syrienne off shore pétro monarchique,
dont il fut un ferme soutien.
L’histoire des relations internationales
abonde en effet d’exemples de
gouvernement en exil, de gouvernement
provisoire ou de gouvernement
transitoire, mais nulle part ailleurs
qu’au Liban ne s’est pratiqué l’exercice
au quotidien d’un gouvernement off
shore. Un chef de gouvernement dûment
investi mais quasiment absent du siège
de son pouvoir, n’y faisant escale
qu’entre deux voyages, gérant à distance
un pays pourtant considéré comme
l’épicentre d’une zone névralgique.
Le
mérite en revient à Saad Hariri,
l’héritier problématique de son père
assassiné, Rafic Hariri, le milliardaire
libano saoudien, dont la mandature
gouvernementale constituera, c’est là
son unique titre de gloire, une rare
contribution à la science politique
contemporaine. Le premier cas dans
l’histoire d’un gouvernement par
télécommande (remote control), dans la
double acception du terme, un
gouvernement téléguidé par ses
commanditaires saoudiens, dont il
répercute les consignes par
télécommande, depuis son lieu d’exil, à
ses collaborateurs délocalisés au Liban.
En
pleine offensive israélienne contre le
Liban, en juillet 2016, il désertera la
champ de bataille, Beyrouth, une
capitale dont il est député et chef de
son bloc parlementaire majoritaire, pour
se mettre au frais dans les palaces
climatisés d’Arabie saoudite, glanant au
passage le titre de «planqué de
Beyrouth».
Il récidivera six ans plus tard. En
pleine tourmente de la révolte arabe du
printemps 2011, l’homme insensible aux
bouleversements de sa zone, demeurera
cinq ans hors du Liban en quête d’un
mirobolant contrat, à l’effet de le
renflouer et de payer ses créanciers ses
propres frères et sœurs, ayant opté pour
la séparation des biens, face à un être
aussi aléatoire.
Le cheval de Troie de la France dans
les projets de reconstruction de la
Syrie.
Ultime
point d’ancrage de la France au Liban,
Jupiter de France a volé à son secours
au lendemain de la magistrale victoire
du Hezbollah libanais, l’été 2017, sur
les groupements terroristes Daech et
Jabhat An Nosra, qu’il a éradiqués de la
zone frontalière syro libanaise.
Sa
visite à Paris au lendemain de la
reddition de Daech, de surcroît le jour
de la fête religieuse d’Al Adha, était
destinée à détourner l’attention de
l’opinion française sur l’exploit
militaire réalisé par son rival chiite.
En
voulant donner de la visibilité au
premier ministre libanais en faillite
politique et financière, la France a
voulu renflouer un de ses rares
partenaires au Liban. Tout d’abord
politiquement, par son accueil par le
président Emmanuel Macron, accréditant
ainsi l’image d’un interlocuteur des
dirigeants occidentaux, puis
économiquement en acceptant de servir de
paravent aux entreprises françaises,
sous couvert de sociétés mixtes
franco-libanaises dans le plan de
reconstruction de la Syrie, dont la
France est exclue.
Incorrigible, sa nouvelle défection du
champ de bataille alors que les menaces
israéliennes se font de plus en précises
contre le Liban va définitivement ancrer
l’image d’un pantin désarticulé au gré
des aléas de la stratégie erratique
saoudienne. Un être sans consistance, ni
substance.
«Les
marins de toutes les nations croient à
l’existence d’un bâtiment hollandais
dont l’équipage est condamné par la
justice divine, pour crime de pirateries
et de cruautés abominables, à errer sur
les mers jusqu’à la fin des siècles. On
considère sa rencontre comme un funeste
présage».
Que les oracles préservent le Liban de
ce Flying Dutchman de l’époque
contemporaine.
Pour aller plus loin
Saad Hariri, un dirigeant off shore
Reçu de René Naba pour publication
Le sommaire de René Naba
Le dossier
Liban
Les dernières mises à jour
|