MADANIYA
Europe/Islam/Djihad : Pour une
poignée
de pétrodollars, l’Europe a vendu son
âme 1/2
René Naba
Vendredi 2 février 2018
Note de la rédaction
www.madaniya.info
Sauf contretemps, la France prévoit
d’organiser au printemps 2018 un
colloque sur le financement du
terrorisme en Europe avec la
participation des intervenants habituels
à ce genre de débats. Pointant du doigt
les bailleurs de fond du terrorisme
islamique, le président Emmanuel Macron
a indiqué avoir communiqué à l’Arabie
saoudite la liste de ces groupements en
demandant au Royaume de cesser de
financer leurs activités.
En prévision de ce
colloque de l’entre soi,
madaniya.info soumet à l’attention
de ses lecteurs une lecture en
contrechamps de la forme la plus
pernicieuse de l’instrumentalisation de
l’Islam au service des visées de l’Otan,
dans une stratégie à double détente :
-
Contre l’athéisme de l’Union
Soviétique au plus fort de la guerre
froide soviéto américaine
(1945-1990), d’une part ;
-
En tant que frein à l’engagement
dans les luttes revendicatives de la
population immigrée de confession
musulmane d’Europe occidentale,
d’autre part.
Une instrumentalisation opérée sous
l’effet corrupteur des pétrodollars,
si désastreuse tant pour le Monde
arabe que le Monde musulman que pour
le Monde occidental que pour l’Islam
lui-même. Fin de la note
I – La
communauté arabo musulmane d’Europe: Le
28 ème État de l’Union Européenne.
A – Le premier
groupement ethnico identitaire
d’importance sédimenté hors de la sphère
européo centriste et judéo chrétienne.
Cinq siècles de
colonisation intensive à travers le
monde n’ont pas encore banalisé la
présence des «basanés» sur le sol
européen, de même que treize siècles de
présence continue matérialisée par cinq
vagues d’émigration n’ont conféré à
l’Islam le statut de religion autochtone
en Europe, où le débat, depuis un
demi-siècle, porte sur la compatibilité
de l’Islam et de la République, comme
pour conjurer l’idée d’une agrégation
inéluctable aux peuples d’Europe de ce
groupement ethnico-identitaire, le
premier d’une telle importance sédimenté
hors de la sphère européo centriste et
judéo-chrétienne.
Les interrogations
sont réelles et fondées, mais par leur
déclinaison répétitive (problème de la
compatibilité de l’Islam et de la
Modernité, compatibilité de l’Islam et
de la Laïcité), les variations sur ce
thème paraissent surtout renvoyer au
vieux débat colonial sur l’assimilation
des indigènes, comme pour démontrer le
caractère inassimilable de l’Islam dans
l’imaginaire européen, comme pour
masquer les antiques phobies chauvines,
malgré les copulations ancillaires de
l’outre-mer colonial, malgré le brassage
survenu en Afrique du Nord et sur le
continent noir, malgré le mixage
démographique survenu notamment au sein
des anciennes puissances coloniales
(Royaume-Uni, France, Espagne, Portugal
et Pays Bas) du fait des vagues
successives des réfugiés du XX me siècle
d’Afrique, d’Asie, d’Indochine, du
Moyen-Orient et d’ailleurs.
Au-delà de la
polémique sur la question de savoir si «
l’Islam est soluble dans la République
ou à l’inverse si la République est
soluble dans l’Islam », la réalité s’est
elle-même chargée de répondre au
principal défi interculturel de la
société européenne au XXI me siècle
Soluble ou pas, hors de toute
supputation, l’Islam est désormais bien
présent en Europe d’une manière durable
et substantielle, de même que sa
démographie relève d’une composition
interraciale, européenne certes, mais
aussi dans une moindre proportion,
arabo-berbère, négro-africaine, et
turco-indo-pakistanaise.
II- La France
1er pays européen par l’importance de sa
communauté musulmane
Premier pays
européen par l’importance de sa
communauté musulmane, la France est
aussi, proportionnellement à sa
superficie et à sa population, le plus
important foyer musulman du monde
occidental. Avec près de sept millions
de musulmans, dont 2,5 millions de
nationalité française, elle compte
davantage de musulmans que pas moins de
huit pays membres de la Ligue arabe
(Liban, Koweït, Qatar, Bahreïn, Émirats
Arabes Unis, Palestine, Îles Comores et
Djibouti). Elle pourrait, à ce titre,
justifier d’une adhésion à
l’Organisation de la Conférence
Islamique (OCI), le forum politique
panislamique regroupant cinquante-trois
États de divers continents ou à tout le
moins disposer d’un siège d’observateur.
En comparaison, pour une superficie de
9,3 millions de km2 et une population de
280 millions d’habitants, Les États-Unis
comptent près de 12 millions de
musulmans.
Socle principal de
la population immigrée malgré son
hétérogénéité linguistique et ethnique,
avec 25 millions de personnes, la
communauté arabo-musulmane d’Europe
occidentale apparaît en raison de son
bouillonnement -boutade qui masque
néanmoins une réalité- comme le 28 me
État de l’Union européenne. Soit autant
que le Benelux.
Sa décomposition
s’établit comme suit : 5 millions
environ dans les trois pays de l’ancien
bloc communiste (Albanie, Bosnie –
Herzégovine et Bulgarie) et le reste
dans les pays fondateurs de l’Union
Européenne (Allemagne, Benelux, France,
Italie). A ce chiffre, s’ajoute, le
nouveau flux migratoire généré par les
guerres de prédation économique du Monde
arabe par l’Otan (Syriens, Libyens,
Irakiens, Somaliens, etc..). Le Royaume
Uni, qui compte une importante
communauté asiatique d’origine indo
pakistanaise ne figure pas dans ce
décompte en raison du BREXIT.
Selon Pew Research
Center, institut américain indépendant
spécialisé dans l’étude de la
démographie religieuse, les musulmans
pourraient représenter entre 7,4% et 14%
de la population européenne à l’horizon
2050, contre 4,9% en 2016. Pew estime à
53% le taux de musulmans parmi les
migrants arrivés en Europe entre 2010 et
2016, sur un périmètre comprenant les 28
pays membres de l’Union européenne
(Royaume-Uni compris), la Norvège et la
Suisse incluses.
In Limine Limitis,
Levons donc l’ambiguïté : L’Islam n’a
pas conquis l’Europe, a fortiori la
France. C est l’Europe qui s’est lancée
à la conquête des pays arabes et
africains majoritairement musulmans. Il
en a été de la France pour le Maghreb et
l’Afrique Noire, comme des Pays Bas avec
l’Indonésie, le Royaume Uni avec
l’empire indien (Inde, Pakistan
Bangladesh), et l’Afrique orientale.
L’Islam n’est donc
pas un produit du terroir français, à
l‘instar du christianisme, mais la
conséquence résiduelle du reflux
d’empire. Le produit dérivé de la
turgescence coloniale française et de
son excroissance ultra marine.
Sans colonisation,
point de « burnous à faire suer », ni de
« bougnoule », ni « y a bon banania »,
ni de « chairs à canon ». Pas de « bicot
», ni de « ratonnades», ni de « délits
de faciès », pas de « Code de
l’indigénat » ni de « Code noir », pas
plus que de « Venus callipyge », ni «
Sétif », ni « Thiaroye », ni « Sanaga »,
encore moins de « territoires perdus de
la République ». Et point d’Islam, à
tout le moins dans cette densité.
« Le beurre l’argent du beurre en plus
du sourire de la crémière », cela relève
de la fable. Ou d’un merveilleux conte
de fée. De même que le « fardeau de
l’homme banc et sa charge d’aînesse »,
un alibi destiné à masquer la
mégalomanie prédatrice.
La loi du 9
Décembre 1905 sur la séparation des
Eglises et de l’Etat.
Soutenir que
l’Islam n’existait pas en France au
moment de l’adoption de la Loi sur la
séparation de l’Eglise et de l’Etat,
instituant la laïcité, relève du
mensonge éhonté. Sauf à considérer des
«sous hommes» les populations musulmanes
d’Afrique occidentale (Sénégal, Mali,
Mauritanie, Guinée, Tchad etc) et
d’Afrique du Nord (Algérie, Tunisie,
Maroc), l’Islam si présent en France au
point que la patrie de lalaïcité se
proposait de se proclamer «Calife de
l’Occident» par opposition au califat de
l’Empire ottoman et le Maréchal Hubert
Lyautey, Maréchal de l’Islam.
3- L’Europe un
lieu de passage ou un lieu
d’enracinement des Musulmans ?
Issam Al Attar
versus Saïd Ramadan : La controverse à
propos de la tentative d’aggiornamento
de l’Islam politique.
La querelle est
ancienne et opposait dans la décennie
1970 deux dirigeants de la confrérie des
Frères Musulmans, le syrien Issam Al
Attar, en exil à Aix la Chapelle
(Allemagne) et l’égyptien Saïd Ramadan,
basé à Munich où il participait alors au
programme de sédition des contingents
musulmans de l’armée soviétique, via les
radios américaines d’Europe centrale.
Issam Al Attar,
frère de Najah Al Attar, actuelle
Vice-présidente de la République Arabe
Syrienne, estimait que l’Europe est une
destination d’émigration temporaire, un
lieu de passage transitoire, et qu’il
importait aux musulmans d’Europe de se
conformer aux lois de l’hospitalité des
pays d’accueil ; de tirer le meilleur
profit des expériences européennes dans
les divers domaines de l’activité
intellectuelle, économique, scientifique
et d’en faire bénéficier en retour leur
pays d’origine.
Saïd Ramadan,
estimait, lui, au contraire, que
l’Europe est un lieu d’ancrage durable
de la population immigrée de confession
musulmane et qu’il convenait de modifier
en conséquence leur environnement
socio-culturel de manière à l’adapter à
une présence durable des travailleurs
immigrés musulmans sur le territoire de
leur ancien colonisateur.
Agitateur
professionnel pour le compte de ses
mécènes, Saïd Ramadan a triomphé de
cette querelle non pas tant par la
pertinence de ses arguties, mais par la
puissance financière et le soutien
occulte des services occidentaux qui le
propulsaient à la direction de l’Islam
européen, afin de faire barrage à
l’insertion des travailleurs immigrés
musulmans aux luttes revendicatives
sociales dans le cadre des syndicats ou
des partis perçus par les stratèges
atlantistes comme «compagnons de route»
de l’Union soviétique.
La thèse de Saïd Ramadan a triomphé car
elle répondait aux objectifs
stratégiques de l’OTAN et non parce
qu’elle était conforme aux intérêts à
long terme du Monde arabe, de son
redressement et de la promotion de
l’Islam.
4- L ‘Europe,
base arrière aux « combattants de la
liberté » de l’époque afghane.
Sous l’aile
protectrice américaine, l’Arabie
saoudite a déployé la plus grande ONG
caritative du monde à des fins
prosélytes, à la conquête de nouvelles
terres de mission, dans la décennie
1970-1980, particulièrement l’Europe, à
la faveur du boom pétrolier et de la
guerre d’Afghanistan.
Ce déploiement
arachnéen s’est développé par un usage
intensif de la politique du chéquier.
L’Arabie saoudite a ainsi mis au point
une diplomatie d’influence fondée sur
l’instrumentalisation de la religion
musulmane à des fins politiques ainsi
que sur la corruption en vue de soudoyer
les décideurs de la planète, faire taire
les critiques à son égard et aseptiser
les ondes de toute critique à l’égard de
la dynastie wahhabite par le biais d’un
empire médiatique hors norme.
Pour une poignée de
dollars, l’Europe en perdra son âme.
Dame de grande moralité mais de petites
vertus, elle succombera aux charmes
discrets des pétrodollars pour devenir
la principale plate-forme de l’Empire
médiatique saoudien, le principal refuge
des dirigeants islamistes désignés
depuis à la vindicte publique,
réussissant même le tour de force
d’abriter davantage de dirigeants
islamistes que l’ensemble des pays
arabes réunis.
5- L’Europe,
refuge d’Ayman Al Zawahiri, l’actuel
numéro 1 d’Al Qaida.
Soixante dirigeants
islamistes résidaient en Europe
occidentale depuis la guerre anti
soviétique d’Afghanistan, dans la
décennie 1980, où les djihadistes
étaient gratifiés du titre de «
combattants de la liberté » par le
fourbe du Panshir, Bernard Henry Lévy,
l’interlocuteur virtuel du Lion du
Panshir, le commandant Massoud Shah.
Quinze d’entre eux
disposaient du statut de « réfugié
politique », dans la plupart des pays
européens, Royaume Uni, Allemagne,
Suisse, Norvège, Danemark.
A- Londres,
capitale mondiale de l’Islam
contestataire et plate-forme du
déploiement médiatique international
saoudien (1), comptait parmi ses hôtes
les principaux opposants islamistes tels
que :
-
Rached Ghannouchi (Tunisie-An Nahda),
-
Kamar Eddine Katbane
(Algérie-vice-président du comité du
FIS algérien (Front Islamique du
Salut),
-
Moubarak Fadel Al-Mahdi (Soudan),
-
Attaf Hussein (Pakistan-chef du
parti d’opposition Muhajir Qawmi
Movement (MQM)
-
Adel Abdel Majid (Égypte),
-
Ibrahim Mansour (Égypte), adjoint au
guide suprême des Frères Musulmans
-
Ali Sadreddine Bayanouni (Syrie),
contrôleur général des Frères
musulmans de Syrie
-
Azzam At Tamimi (Palestine), membre
du commandement de l’ombre du Hamas,
la branche palestinienne de la
confrérie.
-
Abou Moussa’b As Soury (Syrie),
alias Moustapha Abdel Kader Sitt
Mariam), théoricien des « loups
solitaires ».
-
Abou Hamza Al Masri (Moustapha Kamal
Moustapha)
-
Abou Qtada Al Falastini (Omar
Mohamad Osmane)
-
Abou Farès, nom de guerre de
l’algérien Farouk Daniche
-
Ainsi que brièvement le plus
illustre d’entre eux Oussama Ben
Laden, le fondateur d’Al Qaida
Londres abritait en
outre la rédaction de la revue « Al
Ansar », périodique djihadiste salafiste,
édité dans la capitale britannique avec
une domiciliation en Suède chez Abdel
Karim Daniche, bénéficiant du titre de
réfugié politique. La capitale
britannique fera preuve de moins de
laxisme à leur égard à la suite de
l’attentat du 7 juillet 2005. Survenu le
jour de la tenue du Sommet du G8 sur son
territoire au lendemain de la décision
du Comité Olympique Internationale de
lui attribuer l’organisation des Jeux
Olympiques de 2012, cet attentat avait
fait 50 morts.
Londres était en
outre la plate-forme stratégique du
déploiement médiatique international du
Royaume Wahhabite qui y avait entreposé
l’essentiel de sa force de frappe : Une
chaîne transfrontalière MBC (Middle East
Broadcasting Center), deux radios à
diffusion transcontinentale MBC FM et la
radio communautaire britannique
SPECTRUM, ainsi que cinq publications
dont deux fleurons de la presse
transarabe « Al Hayat » et « Al Charq Al
Awsat ».
B -La
ventilation des autres réfugiés
politiques célèbres (2)
L’Allemagne a
figuré en deuxième position, avec deux
exilés de marque : Issam Al Attar, chef
des Frères Musulmans de Syrie, et Saïd
Ramadan (Égypte), gendre d’Hassan Al
Banna, le fondateur de la confrérie.
Exilé à Aix la
Chapelle, Isssam Al Attar exerçait son
magistère européen depuis la « Maison de
l’Islam » de Francfort, en liaison avec
le Centre Islamique de Genève. Comme un
pied de nez à l’Occident et aux Frères
Musulmans, le président syrien Bachar al
Assad a désigné la propre sœur d’Issam
Al Attar, Najah al Attar, ministre de la
culture pendant 32 ans, puis
vice-présidente de la République
syrienne lors de la dernière élection
présidentielle de juin 2014. En guise de
caution sunnite féminine au pouvoir
baasiste.
Quant à Saïd
Ramadan, en précurseur, il avait fondé,
en 1961, avec le soutien du futur Roi
Faysal d’Arabie, le « Centre Islamique
de Genève » et pris la tête d’un
organisme islamique de Munich : Le «
Islmische Gemeinschaft in Deutchland »
chargé de recycler les transfuges
musulmans de l’Armée rouge.
Sous sa férule, ses
partisans ont joué un rôle important
dans la fondation en 1962 de la Ligue
Islamique Mondiale, la structure
parallèle à fondement religieux mise sur
pied par l’Arabie saoudite pour
contrecarrer l’influence de la
diplomatie nassérienne et de
l’Université d’Al Azhar, la plus
prestigieuse université religieuse du
Monde musulman.
Le coup de pouce
politico financier des Saoudiens et des
Américains a donné à l’organisation les
moyens d’établir une structure islamiste
juste à temps pour accueillir la vague
d’immigration musulmane en Europe dans
la décennie 1970, dans la foulée du boom
pétrolier.
Une note
confidentielle des services secrets
suisses datant du 17 août 1966 évoque la
« sympathie » de la BUPO, la police
fédérale sur la protection de l’État,
pour Saïd Ramadan. Elle ajoute : « Il
est très certainement en excellents
termes avec les Anglais et les
Américains ». Un autre document, daté du
5 juillet 1967, se montre encore plus
précis. Saïd Ramadan est présenté comme
un « agent d’information des Anglais et
des Américains. De plus, je crois savoir
qu’il a rendu des services -sur le plan
d’informations- à la BUPO. » Toujours
est-il qu’une réunion, présidée par le
chef du service du Ministère public
fédéral, du 3 juillet 1967, décide
d’accorder un permis de séjour à Saïd
Ramadan, alors que ce dernier aurait dû
être expulsé le 31 janvier 1967.
Les raisons de
cette tolérance ? La possibilité « que
les amis de Saïd Ramadan prennent le
pouvoir dans les mois à venir dans l’un
ou l’autre État aujourd’hui qualifié de
progressiste ou socialiste ». Fantasme
tenace chez les Occidentaux qui leur
vaudra leur déconvenue collective du «
printemps arabe ».
A lire la liste des
hôtes de marque de l’Europe, la « guerre
contre le terrorisme » paraît risible.
Indice de la duplicité de la diplomatie
occidentale tant vis-à-vis de l’opinion
occidentale que vis à-vis du Monde
arabe.
C – Parmi les
célèbres réfugiés politiques figuraient
:
Aymane Al-Zawahiri,
le successeur d’Oussama Ben Laden à la
tête d’Al Qaida. A l’époque où il
exerçait les fonctions de « Commandeur
des groupements islamistes en Europe ».
Il résidait en Suisse. Mis en cause dans
des activités subversives du groupe
islamiste « Al-Awdah » (Le Retour), il
ne faisait l’objet d’aucune
condamnation. Adhérant dans les années
1980 à la formation « Al-Jihad », il
avait été condamné à 3 ans de prison
dans l’affaire de l’assaut de la tribune
présidentielle lors de l’assassinat du
président égyptien Anouar Al-Sadate, en
octobre 1981. A sa sortie de prison, il
a séjourné en Afghanistan avant de se
rendre en Europe.
Talaat Fouad
Kassem, porte-parole de mouvements
islamistes en Europe, bénéficiaire de
l’asile politique au Danemark. Condamné
à 7 ans de prison au moment de
l’assassinat de Sadate, il a été le
premier à rejoindre les rangs des
combattants islamistes afghans où il
s’est distingué au sein des escadrons de
la mort dans des opérations de guérilla
antisoviétique. Avant le Danemark, il
était responsable des groupements
islamistes à Peshawar (Pakistan), point
de transit des Moudjahidines vers
l’Afghanistan. En charge de la
coordination des activités des divers
responsables et de la transmission des
consignes, des instructions et des
subventions entre l’Europe et les
militants de base en Égypte, il a dû
mettre en veilleuse ses activités à la
suite de la 20 me tentative d’assassinat
du président Hosni Moubarak, en juin
1995.
Mohamad Chawki
Al-Islambouli, frère du meurtrier d’Anoir
Sadate, Khaled Al-Islambouli. Innocenté
lors du procès de l’assassinat de
l’ancien chef de l’État égyptien, il a
rallié les rangs des combattants
anti-israéliens au sud-Liban avant de se
rendre à Peshawar. Résidant à Kaboul,
Chawkat Al-Islambouli a été condamné par
contumace dans le procès des «
égypto-afghans ».
Enfin, Hani
Al-Sibaï (Égypte) bénéficiait, lui,
de l’asile politique de la Norvège.
6- Un empire
médiatique pour aseptiser l’espace
hertzien (3)
Se posant en chef
de file du Monde islamique, l’Arabie
saoudite s’est dotée en l’espace d’une
décennie d’un holding multimédia se
hissant au rang d’un géant de la
communication, à l’égal des conglomérats
occidentaux, dans une stratégie
offensive dans le but non avoué était
d’aseptiser les ondes de toute pollution
anti saoudienne en vue de « prêcher la
bonne parole » et de faire pièce à la
contamination révolutionnaire dans la
sphère musulmane, préjudiciable à son
leadership.
Exerçant un
monopole de fait tant dans l’espace
euro-méditerranéen qu’au sein du monde
anglosaxon, le dispositif saoudien
comprenait deux complexes multimédias
avec leur cortège de chaînes de
télévision transfrontalières, d’une
dizaine de canaux thématiques, de
stations de radio transcontinentales,
d’une agence de presse internationale
(United Press International) et de cinq
publications pan arabes. Sans surprise,
ces vecteurs étaient tous la propriété
de la famille royale saoudienne, au
point de justifier la boutade selon
laquelle la dynastie wahhabite est «
l’unique entreprise familiale au Monde à
siéger aux Nations-Unies ».
Un double impératif
a guidé les dirigeants saoudiens dans
leur aventure médiatique : la nécessaire
neutralisation des succès de la
révolution iranienne auprès de l’opinion
musulmane et la non moins impérieuse
nécessité de justifier, lors de la 1re
guerre du Golfe (1990-1991), la présence
de près de 500.000 soldats occidentaux
sur le sol saoudien, à proximité des
Lieux Saints de l’Islam.
Fait sans précédent
dans l’Histoire, une telle présence
massive de non-musulmans, -dont 60.000
soldats américains de religion juive- a
été perçue comme une profanation d’un
sanctuaire dont la dynastie wahhabite en
a, en principe, le devoir de garde et de
protection.
Ressentie comme la
marque de la collusion du « Gardien des
Lieux Saints » avec les oppresseurs des
musulmans, elle a servi de justificatif
à la rupture de bon nombre de formations
islamistes avec le royaume saoudien,
leur bailleur de fonds, notamment le
chef d’Al Qaida, Oussama Ben Laden, et
le FIS Algérien.
Le dispositif
saoudien était prolongé sur le
territoire national par deux vecteurs
qui faisaient office de fer de lance du
prosélytisme religieux et du djihadisme
asiatique : « The Holy Quran Program »
et « La Voix de l’Islam ». Des ONG de
prédication et d’imprécation, dont les
métastases jihadistes évolueront vers
des proto-états avec comme marque de
fabrique la stigmatisation et la
décapitation.
Le Holy Quran
Program.
Lancé en 1972, un
an avant la guerre d’octobre 1973 au
cours duquel le royaume va faire usage
de l’arme du pétrole et se positionner
comme nouveau chef de file du Monde
musulman, Holy Qoran émettait depuis
Ryad 18 heures de programme en arabe en
direction du Monde arabe, de l’Asie du
sud à l’intention des grands pays
musulmans (Afghanistan, Pakistan, Bangla
Desh, Malaisie, Indonésie et Inde). Holy
Quran était complété depuis La Mecque
par des émissions diffusées par la «
Voix de l’Islam», le tout sous la
protection des Awacs américains, ces
fameux avions radars qui sillonnaient le
ciel saoudien pour parer à toute
agression contre la dynastie wahhabite.
7- Un
déploiement arachnéen.
Le prosélytisme sur
place était complété sur le plan
international par une structure discrète
mais efficace : La Ligue Islamique
Mondiale, l’instrument d’encadrement par
excellence des communautés musulmanes de
la diaspora. Fondée en 1962 à La Mecque,
la Ligue Islamique mondiale avait la
haute main sur la formation des Imams et
des prédicateurs, la gestion des bourses
d’études, le développement des
instruments de communication à vocation
pédagogique (diffusion du coran et des
documents audiovisuels, cassettes,
films).
Ainsi durant la
décennie 1980 au plus fort de la guerre
d’Afghanistan, le royaume saoudien a
édité 53 millions d’exemplaires du
Coran, offrant gracieusement 36 millions
d’exemplaires aux fidèles de 78 pays à
l’occasion du Ramadan, selon les
indications fournies à la presse à
l’époque par Mohamad Ben Abdel Rahman
Ben Salamah, vice-ministre saoudien des
biens religieux au moment de la 1 ère
guerre du Golfe (1990-1991).
Vingt-six millions
ont été offerts aux fidèles d’Asie, cinq
millions pour l »Afrique, un million
pour l’Europe et quatre millions à
l’Amérique latine. Parallèlement, les
deux grandes universités islamiques du
Royaume ont formé 39.000 prédicateurs de
47 nationalités durant cette même
période :
L’Université
Mohamad Ben Saoud (Ryad), 23.000
étudiants d’une quarantaine nationalité,
et l’Université Oum al Qorah (La Mecque)
16.000 étudiants de 47 nationalités, se
muant ainsi en autant de zélés
propagateurs de la conception ultra
rigoriste de l’islam saoudien au sein de
la communauté des pays musulmans.
Le Conseil
Supérieur des Mosquées, dont la tâche
exclusive est la promotion des lieux de
culte à travers le Monde, lui est
affilié.
Le Roi Salmane, le
protégé du président xénophobe et
populiste américain Donald Trump, aura
été, à à l’époque Gouverneur de Riyad,
paradoxalement, le plus grand collecteur
de fonds du djihad afghan, via son
journal « Al Charq Al Awsat ».
En Europe, la Ligue
a disposé de représentations dans la
plupart des métropoles : Londres,
Bruxelles, Rome, Genève, Copenhague,
Lisbonne et Madrid. La pénétration des
populations musulmanes s’est faite de
manière oblique par la multiplication
des centres culturels et religieux et
d’institutions spécialisées.
L’Arabie saoudite a
réparti les principales institutions
entre les grandes capitales européennes
dans le souci d’impliquer le plus grand
nombre des pays de l’Union Européenne
dans sa politique de sensibilisation
islamique, dans sa version wahhabite, et
de prévenir ainsi toute vacuité
institutionnelle et idéologique qui
profiterait à ses rivaux.
-Le Conseil
Continental des Mosquées d’Europe a pour
siège Bruxelles.
La Grande Mosquée de Bruxelles est
également le siège du Centre Islamique
et culturel de Belgique. Le bâtiment
siège du pavillon oriental de
l’Exposition nationale de Bruxelles de
1880, abritait alors une fresque
monumentale, le Panorama du Caire
d’Émile Wauters, qui remporta un
important succès. En 1967, le roi
Baudouin fait don de l’édifice au roi
Fayçal Ben Abdelaziz Al Saoud d’Arabie
saoudite, en visite officielle en
Belgique.
-L’Académie
Européenne de Jurisprudence Islamique
est basé à Londres.
– Word Assembly of
Muslim Youth, structure transnationale,
avait vocation à faire contrepoint à
l’organisation correspondante des Frères
Musulmans, « The International Islamic
Federation of Students Organization » en
ce que la confrérie, longtemps dans le
giron des Saoudiens, se prépositionnait
en rival sur le théâtre européen avec
l’afflux massif des travailleurs
immigrés du Maghreb, d’Afrique noire, de
Turquie (Allemagne) et des Pakistanais
(Royaume Uni).
Sous la férule
saoudienne, les Frères Musulmans ont en
effet joué un rôle majeur dans la
création de structures pan islamiques :
-La Ligue Islamique
Mondiale (1962), la structure parallèle
à fondement religieux mise sur pied par
l’Arabie saoudite pour contrecarrer
l’influence de la diplomatie nassérienne
et le prestige de l’Université d’Al
Azhar, une des principales sources de
jurisprudence islamique
-Le Conseil
islamique d’Europe, dix ans plus tard,
en 1973, l’année du premier choc
pétrolier et du basculement du centre de
gravité du Monde arabe de la zone
populeuse et frondeuse de la
Méditerranée vers la zone d’abondance
apathique du Golfe. Le Conseil islamique
d’Europe âsse pour être le parrain
spirituel de l’Union des organisations
islamiques en Europe (UOIE) et de
l’Union des organisations islamiques de
France, en 1983, en pleine phase de
montée en puissance de la troisième
génération issue de l’immigration arabo
musulmane.
Paris, elle, a
aménagé une place de choix au
déploiement médiatique saoudien en
concédant licence, dans toute
l’acception du terme, à Radio Orient, la
dotant d’une position exorbitante en ce
qu’elle est l’unique radio au monde,
propriété d’un chef de gouvernement
étranger ou alternativement d’un chef de
l’opposition d’un pays ami de la France.
Réputée pour sa
perméabilité saoudienne, Radio Orient
diffusait tous les vendredi les sermons
du prédicateur de La Mecque, faisant
office de relais aux prédications du
conservatisme wahhabite en direction
d’une population arabo-musulmane en
butte à l’intégrisme islamique. Comme ce
fut le cas lors de la décennie noire en
Algérie (1990-2000) ou lors de la Guerre
de Syrie (2011-2015), où la France, la
Patrie des Droits de l’Homme, s’est
rangée du côté des djihadistes
takfiristes, dont elle en paiera le prix
en terme de retombées terroristes, des
tueries de Mohamad Merah à
Toulouse-Montauban (2012), à Mehdi
Nemmouche, le geôlier de quatre
journalistes français otages du Jabhat
An Nosra, au carnage de Charlie Hebdo
(Janvier 2015) à la décapitation de
l’Isère (juillet 2015), à la boucherie
du Paris-Bataclan (13 Novembre 2015), à
la tuerie de Nice juillet 2016.
Références
1- A propos de
l’Europe « base arrière des dirigeants
islamistes de l’époque afghane »
2- Arabie saoudite
: « Unique entreprise familiale au Monde
à siéger à l’ONU, voir Chapitre V «
Guerre des Ondes, guerre des religions,
la bataille hertzienne dans le ciel
espace méditerranéen ». René Naba –
Harmattan 1998.
3 – les Frères
Musulmans, un vestige de la guerre
froide.
Qatar-Arabie
saoudite
Reçu de René Naba pour publication
Le sommaire de René Naba
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