Palestine
Proche-Orient. Comment les États-Unis
veulent en finir avec le peuple
palestinien
Pierre Barbancey
Jeudi 9 mai 2019
L'heure de vérité approche et Washington
abat ses premières cartes sur le plan de
paix israélo-palestinien de Donald
Trump: son conseiller (et gendre) Jared
Kushner a confirmé jeudi qu'il ne
devrait pas faire référence aux « deux
États » pourtant au cœur de la
diplomatie mondiale depuis des années.
Analyse.
L'administration
américaine a promis de dévoiler son plan
de paix pour le Proche-Orient après le
ramadan, soit début juin. Mais, par
petites couches, Jared Kushner, gendre
de Trump en charge du dossier, commence
à en révéler les grandes lignes, comme
il l’a fait le 2 mai lors d'une
conférence organisée par le cercle de
réflexion Washington Institute for Near
East Policy (WINEP). Rien d’étonnant à
cela. Le WINEP a été créé par des
proches de l'AIPAC, l'un des plus
puissants organes de lobby pro-israélien
aux États-Unis et dont les thèses sont
proches de l’extrême-droite israélienne.
Le fait même que Kushner choisisse une
telle enceinte pour s’exprimer donne
déjà son parti pris et celui de son
équipe, composée il est vrai de deux
soutiens inébranlables de Tel Aviv et de
la colonisation: Jason Greenblatt,
envoyé spécial de Donald Trump pour le
Moyen-Orient et David Friedman, actuel
ambassadeur en Israël. Trois hommes pour
un dossier qu’ils traitent de façon
déséquilibrée dès le départ comme en
témoignent les propos de Kushner devant
le WINEP. Ce qui est intéressant n’est
pas tant ce qu’il révèle, car sa
philosophie est bien connue, mais la
manière dont il procède pour aborder le
problème. Il se borne ainsi à constater
que tout ce qui a été entrepris jusqu’à
maintenant n’a pas permis de trouver une
solution à ce qu’on appelle le « conflit
israélo-palestinien », sans réellement
dire pourquoi. En réalité, il utilise
les échecs successifs pour se
débarrasser de tout ce qui faisait
jusqu’à maintenant la base de toute
discussion: la solution à deux États.
Une idée déjà ostensiblement délaissée
dans les discours officiels de
l'administration Trump en rupture avec
le passé et avec le consensus
international. Kushner a confirmé
qu'elle ne ferait pas partie, telle
quelle, de ses idées. « Je réalise que
ça signifie des choses différentes selon
les gens. Si vous dites « deux États »,
ça veut dire une chose pour les
Israéliens, ça veut dire une autre chose
pour les Palestiniens », a-t-il
expliqué. « Alors on a dit, vous savez,
on a qu'à ne pas le dire. Disons juste
qu'on va travailler sur les détails de
ce que cela signifie », a-t-il ajouté.
On touche là au coeur de ce que veulent
imposer les États-Unis. En substance:
arrêtons de parler d’un État palestinien
- celui d’Israël existant déjà - et
déclinons ce que cela pourrait signifier
en terme de vie quotidienne pour les
Palestiniens. Tout en assurant que la
reconnaissance de Jérusalem comme
capitale d'Israël, actée de manière
aussi unilatérale que controversée par
Donald Trump fin 2017, « ferait partie
de tout accord final ». De même, il
réitère l’engagement états-unien à
l’annexion par Israël de la partie
occupée depuis 1967 du plateau du Golan
syrien. Il affirme ainsi que son plan,
concocté dans le plus grand secret «
s'attaque à beaucoup de sujets », «
probablement d'une manière plus
détaillée que jamais auparavant ». Et
d’asséner: « J’espère que cela montrera
aux gens que c'est possible, et s'il y a
des désaccords, j'espère qu'ils
porteront sur le contenu détaillé plutôt
que sur les concepts généraux »,
estimant que ces seuls concepts, connus
depuis des années, n'avaient pas permis
de résoudre ce conflit. Ce n’est pas
nouveau à proprement parlé. Ce qui l’est
réside dans l’abandon pure et simple de
la création d’un État palestinien. Après
la mort de Yasser Arafat, en novembre
2004, l’administration américaine de
l’époque, avait tenté de financer des
infrastructures politiques et
économiques palestiniennes tentant de
faire, in fine, de Ramallah la capitale
d’un État virtuel qui ne verrait pas le
jour. Hier comme aujourd’hui, il s’agit
pour Washington d’annihiler toute
revendication.
Pierre Barbancey
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