Reims - Bastia: un poteau agresse
et mutile un supporter
Philippe Alain
Capture
d'écran PalSol
Vendredi 19 février 2016
Si certains doutaient encore de la
dépendance de nos médias en général et
de I-Télé en particulier à l'égard du
pouvoir, le doute n'est plus permis.
Le 17 février, une
"journaliste" sur I-Télé interroge
Gilles Simeoni, Président du Conseil
Exécutif Corse au sujet des incidents
qui ont eu lieu lors du match de foot
Reims - Bastia. (1)
"Est-ce que vous
condamnez ces incidents ?"
commence-t-elle par demander à l'élu,
comme s'il pouvait faire autre chose que
condamner. Visiblement peu satisfaite de
la réponse de Gilles Simeoni qui dénonce
les violences, elle en remet une couche,
mais attention là, elle envoie du lourd:
" Vous avez
pas eu l'impression, ces jours-ci,
d'avoir un peu mis de l'huile sur le feu
en mettant en doute la version
officielle après les incidents samedi à
Reims ?" (2)
Allô ? Non mais
allô. T'es journaliste et tu accuses un
élu d'alimenter des violences simplement
parce qu'il remet en cause la version
officielle ?
Mais toi,
"journaliste" de I-Télé, si au lieu de
t'empresser de lécher les bottes de la
police, du procureur et du pouvoir que
tu sers, tu avais fait ton travail de
journaliste, tu aurais probablement
appris que ce n'est pas Gilles Simeoni
qui remet en cause la théorie
officielle, mais la victime elle-même et
des témoins direct de la scène.
Rappel des faits:
Samedi 13 février,
à la fin du match entre Reims et Bastia,
des heurts opposent une dizaine de
supporters du club corse à des
policiers. 8 personnes sont interpellées
et conduites en garde-à-vue. Un
étudiant, Maxime, est victime d'un tir
de flashball au visage de la part d'un
policier et est emmené aux urgences. On
apprend plus tard par l'intermédiaire du
club de supporter SCB qu'il a perdu
l'usage de son œil.
Immédiatement les réseaux sociaux
relaient l'information et Gilles Simeoni,
Président de l'Exécutif Corse publie un
communiqué de presse dans lequel il
affirme que le supporter a été blessé
par un tir de flashball et il demande
une enquête impartiale. (3)
Le 15 février, le procureur de la
république de Reims, Fabrice Belargent,
relaie la version policière qui, bien
évidemment, exonère totalement les
policiers et prétend que le jeune s'est
blessé tout seul contre un poteau: (4)
" Il y a eu une
course poursuite au terme de laquelle le
policier est parvenu a rattraper
l'individu, heu, l'a fait chuter pour le
neutraliser et selon les déclarations du
policier, c'est à cet instant que
l'individu aurait chuté et serait tombé,
tête la première, sur un des poteaux qui
borde heu, le parcours du tram...
Je vous ai apporté des photos de ces
poteaux (il montre des photos des
poteaux)
Et c'est à cette occasion que l'individu
se serait blessé au visage. Lors de la
course poursuite avec le policier, après
qu'il ait été déséquilibré et qu'il ait
chuté."
Jusque là, tout va
bien pour le policier, le procureur et
surtout notre gentille "journaliste" de
I-Télé.
La seule version officielle est celle du
poteau qui agresse un supporter et le
mutile. Ouf, l'honneur de la police est
sauf. Pas besoin de faire une enquête
comme un journaliste digne de ce nom.
Faut pas déconner, merde, ils ont autre
chose à faire.
Mais patatras,
voilà qu'apparaissent plusieurs
témoignages qui dénoncent exactement le
contraire. Sur France Bleu un témoin
direct de la scène décrit la scène: (5)
"Ce que j'ai
vu, c'est que Maxime était en train de
fuir les policiers qui le poursuivaient
et il s'est fait tirer dessus par un
policier en civil délibérément au
visage...
Maxime était poursuivi par des policiers
en civil. Un avait un flashball en main.
Il lui a visé délibérément à quelques
mètres le visage. Quelques secondes
après il s'est écroulé par terre, il a
été par la suite tabassé, menotté et
emmené au commissariat."
Finalement, le
procureur, acculé par les témoignages et
les contradictions dans la version
policière est contraint d'ouvrir une
information judiciaire pour
"violences volontaires". Brrr. Le
poteau en tremble déjà à l'idée de se
retrouver en garde-à-vue.
L'impunité
systématique des policiers
Et oui, seul le
poteau peut craindre la justice. Le
policier qui a mutilé le supporter, lui,
n'a absolument rien à craindre. C'est un
classique de la justice française.
Depuis des années, les policiers qui
s'amusent à viser le visage avec leur
flashball ne sont pas inquiétés. La
plupart des affaires ne vont même pas
jusqu'à un procès, les procureurs
classant sans suite les plaintes.
C'est ce qui est
arrivé par exemple en avril 2014 pour un
pompier qui a perdu son oeil suite à un
tir de flashball. Le procureur de
Grenoble classe sans suite pour "absence
d'infraction". Si, si. Pour ceux
qui n'auraient pas bien compris, le
procureur ajoute même que la grave
blessure du pompier « ne résulte donc
pas d'une infraction, mais de sa
participation à cette manifestation
violente et l'emploi de la force
légitime proportionnée et nécessaire
pour y faire face »
Circulez, ya rien à voir. Si vous ne
voulez pas perdre un oeil, vous n'avez
qu'à pas manifester.
Avec l'état
d'urgence, les policiers peuvent se
balader, même en dehors de leurs heures
de service avec leur arme. Comme s'il
n'y avait pas assez de bavures comme ça
pendant les heures de service. Et puis,
c'est une nouveauté aussi, les policiers
vont bénéficier de la présomption de
légitime défense et de
l'irresponsabilité pénale. En gros, si
un flic vous tire dessus, c'est
forcément que vous l'avez cherché alors
ne venez pas vous plaindre ensuite. (6)
Alors qu'un
policier qui vient de mutiler un
étudiant rédige un faux procès-verbal
pour se couvrir, on a déjà vu. Qu'un
procureur mente comme un arracheur de
dents pour couvrir la police, on a déjà
vu aussi.
Mais qu'une journaliste d'une chaîne
d'information vienne reprocher à un
homme politique de "mettre de l'huile
sur le feu" simplement parce qu'ils ne
croit pas aux mensonges officiels, ça
c'est nouveau.
I-Télé et sa
journaliste ont, sur cette affaire,
bafoué tous les principes déontologique
des journalistes, à commencer par le
recoupement des sources et le respect du
contradictoire.
Ce matin, en
Egypte, un policier a abattu un
chauffeur de taxi suite à un différend
sur le prix de la course. En Egypte, il
existe une loi qui punit de prison ferme
tous les journalistes qui remettent en
cause les versions officielles du
pouvoir en matière d'attaques
terroristes.
Chez I-Télé, ils se
sont crus en Egypte. Ils ont cru à la
version officielle de l'attaque
terroriste d'un poteau contre un
supporter et ils ont eu peur de la
prison ferme s'ils remettaient en cause
la version de la police. Mais non,
journaliste de I-Télé, tu n'es pas en
Egypte. Enfin pas encore. Tu as le droit
de recouper tes sources, tu as le droit
de donner la parole aux témoins qui
étaient sur place. Tu as le droit
d'enquêter et de faire du vrai travail
de journaliste.
Si vraiment, ça ne te plait pas le
journalisme, tu peux envoyer un CV chez
Ruquier ou chez Hanouna. Peut-être que
ça t'irait mieux de faire officiellement
le clown et d'être payé pour ça, non ?
L'indépendance des
journalistes français, décidément, c'est
pas pour maintenant.
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