I am Spartucus
Fake news et complotisme :
comment l'état nous manipule
Philippe Alain

Mercredi 10 janvier 2018
Lors de ses voeux à la presse, le 3
janvier 2018, Emmanuel Macron s'est
fendu d'une nouvelle promesse: afin de
protéger la démocratie, il va légiférer
sur la liberté de la presse et faire
voter une loi contre les "fake news". Comment ? Vous
n'étiez pas au courant ? Et oui, on
vient de l'apprendre, la France est
menacée par un nouveau fléau
dévastateur: une épidémie de fake news.
Comme ces nouvelles épidémies qui nous
valent maintenant d'injecter 11 vaccins
à nos nourrissons pour le plus
grand profit des laboratoires
pharmaceutiques, pardon pour leur sauver
la vie, une loi sera donc votée pour
nous protéger de ceux qui remettent un
peu trop en question les thèses
officielles véhiculées par les médias
aux mains de quelques milliardaires amis
du pouvoir.
Cette annonce a
néanmoins déclenché un tollé chez tous
les journalistes qui se respectent car
ils y voient clairement une volonté du
pouvoir de mieux contrôler
l'information. Tout le monde l'a bien
compris, sous prétexte d'empêcher des
médias étrangers d'influencer l'opinion
publique française, Macron veut en
réalité mettre au pas l'ensemble de la
profession et contrôler la diffusion des
informations qui pourraient mettre en
difficulté le pouvoir.
Face à la levée de
boucliers unanime, Macron a donc envoyé
ses petites mains assurer le service
après-vente. Parmi eux, on retrouve
Benjamin Griveaux, porte-parole du
gouvernement qui enchaîne les plateaux
télés et radios. Le 6 janvier, sur ONPC
de France 2, il évoque le sujet en
affirmant: "les informations les plus
partagées sont souvent des informations
totalement fausses". Il appuie son
argumentation en évoquant ... les
groupes terroristes. Bouh, vous avez
compris ? Vous avez peur maintenant, non
?
"Si demain un
milliardaire étranger ou un groupe
terroriste avec des fonds importants
décidaient de sponsoriser des contenus
diffamant tel ou tel candidat, ils
peuvent librement le faire sur les
plates-formes alors qu'un candidat,
aujourd'hui, vous ne pouvez pas, vous,
sponsoriser vos propres contenus sur le
web..." (sic) (1)
Ah oui, c'est
nouveau, ça vient de sortir, pour 2018,
les groupes terroristes arrêtent les
attentats. Ils se consacreront désormais
aux fake news, d'où l'importance d'une
loi.
Comment ? Vous
pensez que les hommes politiques se
foutent de notre gueule ? Vous avez bien
raison.
Benjamin Griveaux
est un ancien socialiste qui a participé
activement à la campagne de Dominique
Strauss-Kahn en 2006. En 2012, il a même
fait partie du cabinet de Marisol
Touraine, ministre socialiste de la
santé du gouvernement Valls. Cet
illustre ex-socialiste a publié un livre
intitulé: "salauds de pauvre". Si vous
observez attentivement la couverture,
vous découvrirez le nom de l'éditeur:
Fayard et juste au dessus un logo avec
une mention: "Fondation Jean Jaurès".
Attention, la
manipulation ne fait que commencer.
Que se passe-t-il
le 7 janvier ? 4 jours après l'annonce
de Macron, le lendemain de l'argument
massue du porte-fake news ? La Fondation
Jean Jaurès, tiens, tiens, la même qui a
sponsorisé le livre de Benjamin Griveaux,
sort une "étude" intitulée: "le
conspirationnisme dans l'opinion
publique française" dont la principale
conclusion, reprise en boucle par
l'ensembles des médias mainstream est la
suivante: "8 français sur 10 croient à
au moins une théorie du complot". Quelle
coïncidence, non ? Pour être
parfaitement rigoureux, cette étude a
été commanditée par la Fondation Jean
Jaurès mais également par un site aux
faux airs anglo-saxons: "Conspiracy
Watch", site internet fondé en 2007 par
Rudy Reichstadt,... membre de... non ?
et si.. membre de la Fondation Jean
Jaurès...
Intéressons-nous
donc à la Fondation Jean Jaurès.
Officiellement,
la Fondation Jean-Jaurès se décrit à
la fois comme "un think tank, un acteur
de terrain et un centre d’histoire au
service de tous ceux qui défendent le
progrès et la démocratie dans le monde."
En réalité, la Fondation Jean Jaurès est
un think tank fondé sous l'impulsion de
Pierre Mauroy, ancien premier ministre
de François Mitterand. On trouve dans
son conseil d'administration bon nombre
de socialistes comme Jean-Marc Ayrault,
Vincent Peillon ou Bruno Le Roux, mais
plus surprenant, devinez qui occupe
jusqu'en mai 2017 le poste de secrétaire
général ? Gérard Collomb... Aujourd'hui
ministre de l'intérieur de Macron. Pour
la petite histoire, avec Gérard Collomb
qui est toujours membre du Conseil
d'Administration, on trouve également au
poste d'administrateur, monsieur
Christophe Carol, qui aussi est chef du
bureau des associations et fondations au
ministère de l'intérieur. Bonjour le
conflit d'intérêts. (2)
Côté financement,
ça vaut aussi son pesant de cacahuètes.
La Fondation Jean Jaurès se vante d'être
indépendante. Ah bon ? Le budget voté le
21 décembre 2016 est de 2 730 000 €. 1
000 000 d'euros de recettes proviennent
des services généraux du premier
ministre" et 878 000 € proviennent de
subventions publiques. Autrement dit,
l'Etat finance la Fondation Jean Jaurès
à hauteur de 70% de son budget. Les
ressources propres: publications,
dons... ne représentent que 6% des
recettes.
Bref, la Fondation
Jean Jaurès est une véritable "organe
d'influence", une officine de propagande
d'Etat qui n'ose pas dire son nom.
Ca y est ? Vous
comprenez mieux la manipulation ?
Bien évidemment,
tous les médias vont reprendre en boucle
les informations de la fameuse étude
censée démontrer que les Français sont
des adeptes inconditionnels des fake
news et du conspirationnisme.
Libération, qui appartient, comme
L'Express, l'Expansion, BFM et RMC à
Patrick Drahi, le milliardaire
Franco-Israélien, fait la une sur le
sujet en titrant son édition du 9
janvier: "Complotisme: le côté obscur de
la France". Le soir même, Europe
1, propriété du milliardaire Arnaud
Lagardère consacre un débat au fake
news. Bref, tout le monde s'y met et ne
parle que de ça ou presque pendant
plusieurs jours.
Voilà, la boucle
est bouclée. Aucun journaliste n'aura
remarqué la supercherie, ou du moins,
aucun ne s'est intéressé au véritable
commanditaire de l'étude.
Sur le fond du
sujet, précisons simplement deux ou
trois choses.
Aux Etats-Unis,
Hillary Clinton a dépensé pour sa
campagne 1,2 milliards de dollars, la
plus grosse somme jamais dépensée dans
l'histoire des Etats-Unis lors d'une
campagne électorale pour finalement se
faire battre. Alors il va falloir qu'on
nous explique comment un Etat étranger
peut dépenser quelques milliers de
dollars en contenus sponsorisés sur
Facebook et Twitter et faire basculer le
résultat de l'élection américaine.
Enfin, c'est surtout à Hillary qu'il
faudra l'expliquer car apparemment, elle
n'est pas au courant et elle aurait bien
aimé connaître la recette pour se
l'appliquer à elle-même.
En Angleterre, une
commission parlementaire a décidé de
demander des comptes à Facebook et
Twitter concernant une possible
ingérence russe dans le Brexit. Dans un
courrier adressé à la commission fin
décembre, Facebook révèle, après
vérifications, que le principal compte
russe supposé avoir payé des publicités
afin d'influencer le vote lors du brexit
n'a dépensé que... 1 dollar... A peine
mieux du côté de Twitter qui ne relève
que 6 tweets sponsorisés par Russia
Today pour une valeur d'environ 1 00
dollars. (3)
Enfin, pour tous
ceux qui l'auraient oublié, la plus
grande, la plus énorme, la plus
gigantesque des fake news jamais
inventée n'est pas l'oeuvre d'un
journal, d'une télévision ou d'une
radio, c'est l'oeuvre d'un Etat. En
l'occurrence, l'Etat américain, sous
l'administration Bush. Rappelez-vous,
c'était le 5 février 2003 devant les
Nations-Unies à New-York. Pendant 80
minutes, Colin Powell se livre à un
véritable réquisitoire contre l'Irak, il
montre des photos satellite, il brandit
un flacon d'anthrax et explique que
Sadam Hussein est en train de fabriquer
une bombe nucléaire. (4)
On connaît la
suite, le 20 mars 2003, les forces
armées américaines envahissent l'Irak
qu'elles occuperont pendant 8 ans avant
de se retirer le 18 décembre 2011, pour
un coût estimé à 3 000 milliards de
dollars. 10 ans après, à l'occasion de
la publication d'un livre, Colin Powel
avoue à propos des armes de destruction
massive que "Saddam Hussein ... n'en
possédait pas un gramme". Et oui, tout
cela n'était qu'un énorme mensonge
destiné à justifier l'invasion
américaine et le pillage du pétrole
irakien. Juste une fake news en fin de
compte.
Et si vous pensez
que seuls les américains sont capables
de manipuler ainsi les peuples,
rappelez-vous de l'affaire du sang
contaminé ou du nuage radio-actif de
Tchernobyl qui avait touché toute
l'Europe mais s'était miraculeusement
arrêté aux frontières de la France.
En résumé: le 4
janvier, Macron annonce une nouvelle
forme de censure contre les médias; les
jours suivants, le porte-parole va
expliquer sur les plateaux que c'est
indispensable pour se protéger, par
exemple des groupes terroristes et le 7
janvier, une officine de propagande
financée par l'Etat nous pond une étude
qui démontre que nous sommes tous
atteints de complotisme aigu et que, par
conséquent, une cure de désintoxication
s'impose. Diffusée en boucle par tous
les médias, cette "étude" vient clore le
débat et faire taire tous ceux qui
s'étaient pourtant offusqués quelques
jours plus tôt de l'annonce d'une
nouvelle mesure liberticide.
Voilà un parfait
exemple de manipulation de l'opinion
publique par l'Etat lui-même.
Jamais personne
n'aura autant de moyens médiatiques,
humains, financiers et politiques
permettant de réussir de telles
manipulations. Tous les producteurs de "fake
news" devraient s'en inspirer et tous
les journalistes devraient s'en
rappeler.
Chapeau bas,
monsieur Macron. Opération parfaitement
réussie. Personne ne vous arrivera
jamais à la cheville en matière de
manipulation, sauf bien évidemment
monsieur Bush.
(1)
https://www.youtube.com/watch?v=ci0Wi3qVYug
(à 3'50)
(2)
https://jean-jaures.org/la-fondation
(3)
https://www.buzzfeed.com/markdistefano/facebook-and-twitter-say-there-was-practically-zero-russian?utm_term=.apwr55l2KW
- .oe8XkkqoW0
(4)
http://www.ina.fr/video/2205136001007
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