Irak
Près de 500 000
morts en Irak entre 2003 et 2011
(nouvelle estimation)
Patrick Cockburn
Dimanche 3 novembre 2013
Près de 500 000 personnes sont
mortes en Irak à cause de la guerre et
de l’occupation entre 2003 et 2011,
selon une étude des plus sérieuses
effectuée par une équipe de chercheurs
américains, canadiens et
irakiens, publiée dans le
PLOS Medicine sous le titre « Mortalité
en Irak associée à la guerre 2003-2011
et à l’occupation »
(1): 60% furent tués, les
autres 40% sont le résultat de causes
indirectes liées à l’effondrement des
infrastructures.
Le nombre de civils morts a fait l’objet
d’âpres débats au début de l’occupation
américaine ; l’armée US avait tout
d’abord refusé de tenir un décompte des
morts irakiens, ne voulant pas
renouveler la même controverse que celle
qui avait surgi au Vietnam en la
matière.
Les partisans de l’invasion US
considèrent qu’un chiffre inférieur,
même de l’ordre de 100.000 victimes, et
plus, justifie la guerre tandis que ceux
qui y étaient opposés pensent qu’un
chiffre supérieur témoigne des
souffrances excessives endurées par le
peuple irakien.
L’étude conduite en 2011, basée sur un
échantillon de 2000 foyers choisis au
hasard, posait deux questions, sur les
décès et naissances dans la famille
depuis 2001et notamment la mort
d’enfants. Le but était de comparer le
taux de décès après 2003 avec celui
courant sur 26 mois avant l’invasion et
par là d’évaluer l’excédent de décès
après la guerre.
Une telle étude n’est cependant pas
évidente dans un pays comme l’Irak où
les institutions gouvernementales ont
été tellement mises à mal que les
chiffres prêtent à doute : évaluer le
nombre de morts exige de connaître le
chiffre exact de la population
irakienne, estimée à 33 millions.
L’étude assume que les chercheurs ont
« dû s’en tenir au vieux recensement en
Irak datant de 1887 (2)… les chercheurs
sont à 95% sûrs que le vrai nombre de
l’excédent de morts s’élève entre
48 0000 et 751. 000. »
L’émigration en masse des Irakiens a
connu un pic dans les années 2006
à 2008 quand ils ont fui leur pays -
environ un million - vers la Syrie,
la Jordanie et l’Egypte. L’étude
considère qu’il faut ajouter quelque 56
000 morts en plus en raison de cette
migration.
Au cours des treize années qu’ont duré
les sanctions avant la guerre, les
services de santé publics avaient
périclité en raison de la baisse du
niveau de vie et de la pénurie de
moyens médicaux. Après 2003, de nombreux
médecins, cibles d’enlèvement, ont
quitté le pays et de nombreux Irakiens
se sont rendus en Syrie et Jordanie pour
des soins médicaux.
De grandes différences se sont
manifestées en matière de sécurité dans
le pays au cours des dix années qu’a
duré l’occupation US, jusqu’en
2011. La Région autonome du Kurdistan
est demeurée stable et sûre et la
violence y a été moindre que dans le sud
chiite.
La violence confessionnelle entre
sunnites et chiites a été à son maximum
dans la région de Bagdad, autour de la
capitale et dans le gouvernorat de
Diyala. Elle a aussi été très intense
entre les forces US et les insurgés dans
ces régions, mais aussi à Anbar, la
grande province sunnite à l’ouest de
l’Irak. A la bataille de Fallujah, en
novembre 2004, quelque 2000 insurgés et
civils ont été tués par les
Marines US.
Les statistiques les plus crédibles
proviennent d’une organisation,
Iraq Body Count
(IBC) qui évalue les morts en
fonction des événements parfaitement
vérifiables. Sur 31 500 incidents au
cours des dix années jusqu’en 2013, le
IBC indique qu’entre 114 973 et
126 121 civils sont morts s’ajoutant aux
39 000 combattants et aux 11 500 civils
tués révélés par
WikiLeaks. On arrive donc à un total
de 174 000 victimes depuis 2003.
Les massacres ont atteint un pic au
cours de la guerre confessionnelle de
mars 2006 à mars ou 2008 où 52 000
personnes tuées.
Depuis, le nombre des morts augmente
sans cesse : 5000 morts l’an dernier et
258 rien que ce mois-ci.
Traduction et synthèse : Xavière Jardez
(1) L’étude de
Plos Medicine :
http://www.plosmedicine.org/article/info%3Adoi/10.1371/journal.pmed.1001533
(2) AFI : un recensement a également
eu lieu en 1979.
*http://www.independent.co.uk/news/world/middle-east/counting-the-cost-of-war-nearly-500000-iraqis-have-been-killed-according-to-new-survey-8883439.html
Autres estimations
(AFI-Flash n°141) :
En 2006,
The Lancet, autre revue scientifique
britannique, avait chiffré le nombre
depuis l’invasion du pays à 655 000
morts, soit 500 morts par jour.
http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2006/10/10/AR2006101001442.html
En janvier 2008, l’institut britannique
de sondage
Opinion Research Business (ORB)
estimait le nombre de civils irakiens
tués à 1 million.
http://www.globalresearch.ca/u-s-perpetuates-mass-killings-in-iraq
Pour le site
JustForeignPolicy.org, 1 455 590
civils irakiens ont été tués depuis
2003.
http://www.justforeignpolicy.org/iraq
© G. Munier/X.
Jardez
Publié le 4 novembre 2013 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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