Opinion
Nouvel échec des négociations
israélo-palestiniennes :
la faute à qui ?
Pascal Boniface

© Pascal
Boniface
Mardi 8 avril 2014
Relancées il y a près de dix
mois, les négociations entre Israéliens
et Palestiniens ont connu un nouvel
échec. Nombreux sont les analystes à
rejeter la faute sur le secrétaire
d’Etat américain, John Kerry, qui,
notamment, n’est pas parvenu à geler la
colonisation de la Cisjordanie. Qu’en
pensez-vous ? N’est-ce pas une manière
de dédouaner les deux parties concernées
par ces négociations ?
S’il y a eu échec des négociations, ce
n’est certainement pas la faute de John
Kerry qui a essayé, avec beaucoup
d’énergie, de trouver une position
commune aux deux protagonistes. On peut
dire que l’optimisme sur sa mission
était faible et que s’il a fait preuve
de bonne volonté et de courage, peu de
gens pariaient sur une issue favorable
au terme du délai qu’il avait lui-même
fixé. En quelques sortes, vu le rapport
de force, non seulement entre Israéliens
et Palestiniens mais surtout entre
Israéliens et Américains, c’était
quasiment mission impossible.
D’ailleurs, si la mission était
possible, elle aurait été récupérée par
Barack Obama. Le fait que le président
américain l’ait accordée à son
secrétaire d’Etat montrait qu’il n’avait
pas vraiment envie de s’en occuper
directement et qu’il n’y croyait pas
beaucoup. L’échec des négociations était
prévisible mais en faire porter la
responsabilité à John Kerry serait
certainement injuste car finalement,
c’est le résultat que tout le monde
attendait au début de sa mission.
Suite à la décision des
Israéliens d’annuler la libération d’un
quatrième groupe de prisonniers
palestiniens, Mahmoud Abbas a annoncé
son intention de signer quinze
conventions internationales afin
d’asseoir un peu plus la légitimité d’un
futur Etat palestinien. Est-ce la bonne
solution ? Quels sont les risques d’une
telle tactique ?
On tourne en rond depuis tellement
longtemps que s’il y existait une bonne
solution réalisable, on le saurait. Il
existe une solution idéale, c’est le
partage de Jérusalem comme capitale des
deux Etats ; la reconnaissance d’Israël
par les pays arabes, dans des frontières
sures et reconnues ; la reconnaissance
d’un Etat palestinien qui couvrirait la
Cisjordanie, la bande de Gaza et
Jérusalem-Est, avec d’éventuelles
rectifications frontalières mais qui
soient mutuellement agréées et
compensées territorialement. C’est la
bonne solution. Seulement, faute
d’accord, elle n’est pas réalisable.
Du fait de l’échec des négociations
bilatérales, quelles sont les options
qui s’ouvrent aux Palestiniens ?
Attendre que les choses s’améliorent
d’elles-mêmes et là, il y a quand même
peu de chance que cela se réalise. Ce
qu’il faut éviter, c’est de reprendre la
voie de la lutte armée qui ne ferait
qu’aggraver les problèmes. A partir de
là, il y a deux voies à prendre : celle
de la diplomatie et celle de l’opinion
publique. L’une peut s’appuyer sur
l’autre. Par exemple, si l’Autorité
palestinienne (AP) adhérait à
l’Organisation mondiale de la santé, il
serait très difficile pour les
Etats-Unis de ne plus y participer du
fait de sa législation. On voit
l’intérêt pour les Palestiniens d’une
telle action, en termes de
reconnaissance internationale et de mise
en difficulté des Etats-Unis. Bien sûr,
le prix à payer serait une dégradation
des relations entre l’AP et les
Etats-Unis mais aussi entre Israël et
l’AP car, très certainement, Tel Aviv
annoncerait de nouveaux programmes de
colonisation et ne libérerait pas
d’autres prisonniers. Ceci étant, une
fois encore, il n’y a pas de bonne
solution réalisable et comme les autres
voies ont échoué, celle-ci paraît la
moins mauvaise possible.
Après ce nouvel échec, on a
l’impression que les Israéliens et les
Palestiniens ne parviendront jamais à
s’entendre sur le règlement d’une
situation qui dure depuis plus de 60
ans. Quel avenir prédisez-vous pour les
négociations israélo-palestiniennes ?
Le mot « jamais » n’existe pas en
relations internationales. Cependant, on
peut dire que depuis la signature des
accords d’Oslo, auxquels j’ai cru
initialement et dont je pensais qu’ils
ouvriraient la voie vers une paix
irréversible – lourde et grave était mon
erreur –, ce processus n’a pas porté ses
fruits. On voit bien que le rapport de
force est tel que la composition du
gouvernement israélien et la division
des Palestiniens rendent difficile la
possibilité d’un accord dans les
prochains temps mais cela ne veut pas
dire qu’il ne puisse pas exister dans
l’avenir. Néanmoins, pour l’instant, la
responsabilité – non pas unique mais
principale – pèse sur les Israéliens car
il incombe tout de même à l’occupant de
libérer les territoires occupés. Le
gouvernement israélien actuel estime que
le temps joue pour lui et qu’il peut
gagner en prolongeant un peu les
négociations et l’occupation. Au final,
il bénéficiera, s’il est contraint à un
accord, du plus favorable pour lui.
Certains Israéliens, très minoritaires,
pensent que c’est une stratégie
dangereuse à long terme mais c’est celle
qui est choisie pour le moment.
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Publié le 8 avril 2014 avec
l'aimable autorisation de l'IRIS.
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