La chronique du
Tocard
Ma rencontre avec l'Imam de Drancy
(Part-One)
Nadir Dendoune
« Le
téléphone a vibré mais pas à comme son
habitude. Un bruit bizarre....
Un son, à la Chalghoumi. Son SMS disait
: « Bonjour, c’est l’imam Chalghoumi ».
Y avait pas de fautes d’orthographe
alors j’ai pensé à une blague de mes
amis. » ND.
Mardi 25 février 2014
Il y a quelques temps de ça,
quand je n’étais pas encore grillé comme
un Dieudognoule, une consœur d’une
grande chaîne de télé nationale,
gentille, bon, un peu paternaliste, mais
faut pas lui en vouloir hein !, les
Gnoules de banlieue, elle les a toujours
fantasmé, elle les voyait qu’à la télé,
ou dans les journaux, m’avait demandé si
j’avais le numéro de téléphone de l’imam
de Drancy.
Elle
se disait Entre Gnoules, ils se
connaissent tous : Farid, c’est
l’ami de Mouloud, qui est le pote de
Mokrane, qui a des liens d’amitié
avec Habib et qui connaît forcément
Hassan Chalghoumi. Elle le trouvait
tellement courageux son imam
cathodique. Tellement juste dans ses
propos. Un type pertinent dans ses
analyses.
Bon,
ok, elle captait pas tout ce qu’il
disait, elle avait pas le décodeur
en sa possession. Et en fait, c’est
normal, l’imam préféré des médias
était né en Tunisie en 1972 et
n’était en France que depuis 1996,
même si en règle générale, la
plupart des Tunisiens que je connais
parle parfaitement le français, lui,
il a pas voulu s’intégrer, son côté
rebelle, sans doute….
Je
précise ça pour toutes celles et
tous ceux qui l’attaquent sur la
syntaxe, ou sur le fait qu’il
s’endort jamais à côté d’un
Bescherelle. Je trouve qu’il vaut
mieux le cogner sur le fond que sur
la forme sinon on s’en sort plus et
on passe l’année à corriger les
fautes d'orthographe de
l'énergumène.
Quoi
qu’il en soit, la collègue était
persuadée que je partageais les
mêmes points de vue que lui. Que
tous les « muslims modérés », comme
elle disait si bien, le trouvaient
génial. Elle parlait de Chalghoumi
comme d’un héros : Super Imam ! Le
pire, c’était qu’elle était sincère.
Vraiment. Et elle n’était pas la
seule.
Tandis que mes confrères vénéraient
l’imam de Drancy, la très grande
majorité de mes amis, pour ne pas
dire tous, ne pouvaient pas le
saquer et trouvaient en lui toute la
médiocrité qu’on peut trouver chez
un homme. Tout cet amour que
portaient mes collègues pour ce
porte-parole improvisé, encensé par
les médias, donc, pas du tout
dangereux pour le « système », très
docile, une serpillère quoi, ne
m’inquiétait pas au début.
Je
me disais, vu le niveau intellectuel
de la bête, il tiendra pas 5 rounds.
Je me disais, pour bien le
connaître, que le système médiatique
avait besoin de « bons clients », de
mecs qui savent faire des phrases
cohérentes, surtout à la télé, où
même aguerri, c’était pas évident de
répondre en 2 minutes aux questions
des journalistes.
Et
je m’étais trompé : malgré les
raccourcis, les clichés qu’il
véhiculait, Hassan Chalghoumi allait
devenir l’une des voix les plus
importantes de l’islam en France.
Incroyable ! C’était comme si un âne
gagnait haut la main le Prix de
l’Arc de Triomphe. Alors, j’ai
cherché à le rencontrer.
C’était devenu limite obsessionnel.
Je parlais de lui, matin, midi,
soir, et même pendant le sommeil, il
était avec moi. Je vivais avec
Chalghoumi. Je voulais le voir. Pour
comprendre. Comme il changeait de
numéro tous les vendredis, à cause
des menaces qu’il subissait,
j’ai eu du mal à lui mettre le
grappin dessus.
A un
moment, j’ai même lâché l’affaire.
Et il y a un mois, j’ai relancé.
J’ai attendu qu’il rentre d’un
voyage en Israël, zarma il a dit
qu’il avait fait un crochet à
Ramallah pour faire genre qu’il
était allé des deux côtés du Mur,
pour relancer la demande
d’interview.
Et
un matin, alors que j’avais fini par
abdiquer, il était 10h31, il m’a
répondu. Le téléphone a vibré mais
pas comme à son habitude. Un bruit
bizarre... Un son, à la Chalghoumi.
Son SMS disait : « Bonjour, c’est
l’imam Chalghoumi ». Y avait pas de
fautes d’orthographe alors j’ai
pensé à une blague de mes amis.
J’ai
répondu, au cas où c'était vraiment
lui : « Bonjour, à quel moment,
puis-je vous joindre ? J'aimerais
réaliser une interview ». Avant
d’envoyer le SMS, je me suis demandé
s’il fallait être poli. C’était
difficile : les idées de ce mec
représentaient tout ce que je
détestais chez un homme. Je me suis
fait violence et j’ai ajouté « Merci
».
Je
me suis souvenu que j’étais
journaliste et que comme à mon
habitude, je ferai mon boulot avec
la plus grande honnêteté possible.
Ne jamais trahir les propos d'un
interviewé : c'était la base de
notre métier. J’étais pas sûr s’il
fallait vraiment lui donner la
parole.
J’entendais certains, dire qu’il ne
représentait personne, qu'il y avait
d'autres sujets plus intéressants
que cet imam de pacotille et qu’il
fallait le laisser croupir dans son
coin : il finirait par s'éteindre
tout seul. Mais, je voyais parfois
sur les réseaux sociaux certains
prendre sa défense. Il n'était pas
si esseulé que ça, et même certains,
au sein de la communauté musulmane,
le soutenaient.
Et
puis, je voulais me retrouver face à
lui, pas comme du voyeurisme, ou en
mode inquisiteur, mais juste pour
lui poser de vraies questions. Pas
comme celles que mes confrères
avaient l’habitude de lui poser. Pas
en mode suceur...
J’ai
rigolé tout seul en pensant au
moment où je me retrouverai seul
avec lui. Qu’est-ce qu’on s’est
foutu de sa tronche à l’imam de
Drancy ! Je suis primaire parfois,
je l’avoue. Et je suis parti le voir
le lendemain.
C’était un vendredi : il faisait
beau. Et j’étais excité comme on
l’est quand on a attendu si
longtemps avant de rencontrer
quelqu’un, comme la réalisation d’un
fantasme ! Ca voulait pas dire que
j’avais de l’admiration pour lui.
J’en faisais pas une affaire
personnelle : j’éprouvais juste du
dégoût pour ses idées politiques. Je
me disais juste qu’il était temps de
le voir en direct. Pour juger sur
place. Mon Dieu, j’allais pas être
déçu…. To Be Contignoule…
Nadir Dendoune
Publié le 1er mars 2014
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