France
Jean-Marc Ayrault… le Colin Powell
français ?
Roula Zein
Lundi 24 avril 2017
Le ministre français des Affaires
étrangères ou le Colin Powell local,
comme je le nommerai, a soutenu que son
pays possédait des éléments tangibles
prouvant que le « régime syrien avait
sciemment utilisé l’arme chimique »
lors du massacre de Khan Cheikhoun,
preuves qu’il pourra nous apporter dans
quelques jours [1][2].
Tel est le dernier scoop de la
politique colonialiste d’un gouvernement
qui se sera escrimé, jusqu’à son dernier
souffle, à renverser le gouvernement
syrien et à disloquer la Syrie.
Et c’est sans
vergogne, sans jamais se remettre en
question, que Jean-Marc Ayrault loue
l’action globale et la politique
étrangère catastrophique suivie par
François Hollande tout au long de son
quinquennat, affirmant que « l’Histoire
réparera la forme d’injustice » qui
le frappe, avouant avec une amertume
manifeste : « Ah ! Mon pire souvenir…
c’est quand la France n’a pas pu
intervenir pour frapper les bases
militaires de Bachar al-Assad… lorsqu’au
dernier moment, le président américain a
renoncé après que les Britanniques aient
renoncé… parce que je pense que le cours
des choses aurait pu être différent ».
Autrement dit, parce que frapper la
Syrie aurait changé le cours de
l’Histoire !?
Et
évidemment, les journalistes de La
Chaîne Parlementaire [LCP] ne se sont
pas risqués à lui demander vers quoi la
France dirigerait le cours de l’Histoire
en détruisant les infrastructures de
l’État syrien, ses voies de
communication, ses ponts et ses
aéroports… Ils ne lui ont pas demandé,
non plus, dans quel sens la France avait
dirigé le cours de l’Histoire pour les
Libyens et si, vraiment, elle y avait
exporté les principes de la Révolution
française et des Droits de l’homme, afin
qu’ils puissent jouir de la paix de
l’esprit, de la sécurité et de la
stabilité, comme les habitants de Paris,
Marseille ou Nantes, sa ville natale.
Par cette
dernière déclaration à quelques jours de
la fin de son mandat et de sa vie
politique, Jean-Marc Ayrault insulte non
seulement l’intelligence des Français,
mais insulte aussi la France en
confirmant publiquement la subordination
de Paris aux États-Unis d’Amérique et
aux politiques du Pentagone, après avoir
déclaré le 31 mars dernier que la
question du départ de Bachar al-Assad « n’était
pas primordiale », juste parce que
telle était la position du moment de la
Maison Blanche ; ce qui avait poussé
l’ex-ambassadeur de France, Michel
Raimbaud, à en conclure : « Quand
Washington parle clairement, les
Européens n’ont plus d’autre choix que
de s’aligner ! » [3].
L’Histoire
retiendra de cette période que la France
a coopéré avec les terroristes en Syrie
pour tuer et déraciner les Syriens,
qu’elle a été le fer de lance de
l’effusion du sang d’un peuple désarmé
qui ne l’a jamais menacée ou attaquée ;
qu’elle a cherché à lui arracher Alep
afin de la donner en offrande à l’ami
Erdogan, tant qu’il n’avait pas encore
révélé sa vraie nature de « frérot
ottoman » ; qu’elle a profité de chaque
attaque chimique « fabriquée » dans le
but d’accuser le gouvernement syrien de
s’en prendre à des enfants innocents,
pour courir proposer au Conseil de
sécurité ses projets de résolution
viciés dans l’espoir de bloquer les
avancées de l’Armée syrienne usant de
son droit de reconquérir ses territoires
à Bab Amr, à Homs, à Alep, etc ; qu’elle
n’a cessé de réclamer de prétendues
« zones de sécurité » après avoir échoué
à concrétiser la partition de la Syrie,
sous prétexte de défendre les Syriens ;
qu’elle a fait passer ses journaleux
pour des experts avançant des preuves
irréfutables quant à l’usage d’armes
chimiques par le « régime » syrien
contre son peuple dans la Ghouta en août
2013 [4], alors que nombre de
rapports occidentaux les ont réfutées,
dont l’étude publiée par un neurologue
américain sous le titre « Murder in the
SunMorgue » [5] et le rapport du
Massachusetts Institute of
Technology [6].
Et enfin,
l’Histoire retiendra l’argument haineux
et répétitif du délégué de la France
auprès des Nations Unies, notamment
suite au huitième veto russe contre un
projet de résolution français remettant
en question la légitimité du
gouvernement de Damas: «…Tant que ce
régime se maintiendra au pouvoir par la
terreur et la destruction, avec la
complicité de ceux qui le soutiennent,
il n’y aura jamais de paix et de
reconstruction de la Syrie » [7].
Il n’empêche
que Paris n’a jamais prononcé la moindre
déclaration condamnant les souffrances
et les destructions d’une guerre
notoirement financée par l’Arabie
saoudite et le Qatar. Paris ne s’est
intéressé à Alep et aux gens d’Alep qu’à
partir du moment où le drapeau syrien
s’est redressé sur leur Citadelle. Ce
n’est qu’alors que sa Tour Eiffel s’est
éteinte de tristesse, parce que les
terroristes sévissant à l’est de la
ville avaient été vaincus et avaient
donc perdu Alep ! Ces mêmes terroristes
contre lesquels la France a déclaré une
guerre sans merci sur l’ensemble de son
territoire, alors qu’elle les qualifie
de révolutionnaires en Syrie.
Et lorsque le
« le terrorisme modéré » a décidé de se
venger de la « chute » d’Alep en privant
les Damascènes d’eau potable pendant
quarante jours, Paris ne s’est pas plus
émue de leur sort, ni n’a condamné ce
qu’il est convenu de qualifier de
« crime de guerre contre des civils » ;
ceci, sans parler des innombrables
roquettes et missiles lancés sur les
écoles, les universités, les marchés,
les sites historiques, les lieux de
culte… Rien à dire, pas une seule photo,
pas un seul reportage !
Mais
Jean-Marc Ayrault a sa propre vision de
la solution en Syrie : « clouer au
sol les avions syriens… pour qu’on
reprenne la voie de la transition
politique… ». Quant à son
successeur, il espère qu’il continuera
la politique étrangère menée par
François Hollande. Imaginez la
continuation d’une politique
initialement tracée par son
prédécesseur, Laurent Fabius, sous le
slogan : « Al-Nosra fait du bon
boulot » !
Un slogan qui
figurera dans les manuels scolaires
syriens en parfaite continuité avec la
phrase inscrite dans nos mémoires, celle
du général Gouraud, prononcée en 1919
lors de son entrée à Damas à la tête du
corps expéditionnaire français venu
assurer le mandat confié à la France par
la SDN. Essuyant la semelle de ses
bottes sur la tombe de Saladin, il dit :
« Saladin ! Réveille-toi ! Nous
sommes revenus ! ». Revenus, depuis
nos Croisades…
Depuis
Gouraud [surnommé le « Saigneur de la
Syrie »; NdT], la France a déchiré la
carte syrienne par trois fois. Et dès
qu’elle a vu l’opportunité de continuer
à morceler ce qui restait de la Syrie
historique, elle s’est précipitée pour
tenter de réaliser un vieux rêve qu’elle
n’avait pu concrétiser : celui de la
diviser en mini États confessionnels qui
se battraient éternellement.
Il n’est donc
pas étonnant d’entendre François
Hollande réclamer à Donald Trump encore
plus de frappes sur la Syrie, ni que son
Premier Ministre, Bernard Cazeneuve
applaudisse l’« héroïsme américain » qui
aurait fait défaut à Barack Obama, et
déclare : « Nous constatons
aujourd’hui que notre ligne était la
bonne et que l’on se réveille. Tant
mieux ! » [8].
Une énième
bouffonnerie à ajouter au dossier des
déclarations hystériques françaises
concernant la Syrie, François Hollande
ayant probablement ressenti une immense
déception en apprenant que les avions
militaires syriens de la base aérienne
d’Al-Chaayrate repartaient, dès le
lendemain des frappes héroïques
américaines, à l’attaque des terroristes
autour de Palmyre.
Car la France
n’a pas combattu les terroristes
sévissant en Syrie. Bien au contraire,
elle les a soutenus en armes et en
équipements. En territoire syrien, sa
première frappe contre ledit État
islamique a ciblé la malheureuse école
des « lionceaux du Califat », tuant des
enfants et des adolescents emmenés de
force de leurs foyers dans la campagne
de Deir ez-Zor et devant leurs parents
impuissants, pour être entraînés à tuer
et à occire. Interrogé sur les objectifs
de cette première frappe, le ministre
français de la Défense, Jean-Yves Le
Drian, s’est contenté de répondre : « Nous
avons frappé militairement un site
extrêmement sensible pour Daech »
[9].
Cette
politique colonialiste contre le peuple
syrien ne s’est pas limitée à la gauche
française. Elle a été initiée sous la
présidence de Nicolas Sarkozy par son
ministre des Affaires étrangères Alain
Juppé, les deux perdants des primaires
de la droite française face à François
Fillon.
À l’époque,
Paris a opté précipitamment pour la
fermeture de l’ambassade française à
Damas, une initiative sans précédent
même au plus fort des mésententes issues
de la guerre civile libanaise. Puis les
paquets de sanctions économiques
décrétées par l’Union européenne se sont
vite abattus, les uns après les autres,
sur le peuple syrien dans le seul but de
le mettre à genoux en asphyxiant le
pays.
Des sanctions
qui ont paralysé l’économie et
particulièrement ciblé les équipements
médicaux et les matières premières
pharmaceutiques, les matières premières
alimentaires, les carburants... Autant
de privations qui ont largement
contribué à la politique impérialiste
criminelle poussant un peuple à quitter
son pays à la recherche du minimum
vital, alors qu’il n’a jamais nui à la
France, ni n’a particulièrement rêvé d’y
émigrer.
Puis, Paris a
lancé sa conférence des prétendus « Amis
de la Syrie » pour ameuter d’autres
États et mobiliser le monde au sein
d’une coalition militaire dans le but de
démanteler le pays, détruire son modèle
unique de coexistence, et renverser son
Président par la force des coalisés.
Mais tout au
long de ces années, Paris n'a pas versé
une seule larme sur les enfants de Syrie
mourant de faim du fait de ces sanctions
et des pénuries qu’elles ont engendrées.
En revanche, elle a soutenu les
politiques de courte vue et d’alignement
aveugle derrière les faucons atlantistes
en accordant tous les crédits à des
opposants « syriens » sélectionnés pour
être des agents de l’ennemi, certains ne
connaissant la Syrie que par ses cartes
routières, d’autres toujours animés par
leur haine depuis l’avènement du parti
Baas et de ses politiques de
nationalisation. Elle s’est acharnée à
écarter de la presse dominante tous les
Syriens, même ceux se réclamant de
l’opposition patriote, pour la bonne
raison qu’ils se sont toujours opposés à
toute intervention étrangère et n’ont
cessé de mettre en garde contre la
militarisation du conflit.
Paris ne
s’est pas contentée de museler les
Syriens, mais a déversé son ironie
médiatique sur les députés de la Nation
française rendus à Damas afin de saisir
la vérité sur le terrain. Sous prétexte
de maintenir la paix et la sécurité
intérieure, Paris a méthodiquement et
systématiquement jeté le voile sur les
opinions contraires émanant de
journalistes, de chercheurs et d’experts
français. Certains auraient même été
menacés de perdre leur poste, d’autres
auraient quitté pour continuer à
travailler selon leurs convictions,
tandis que les experts et les
consultants retenus par Paris n’ont
saisi aucune occasion pour redresser la
trajectoire, ne serait-ce que par
réalisme politique. Au contraire, ils
sont allés jusqu’à tenter d’attaquer en
justice une chaîne de télévision
officielle ayant osé sortir des clous,
se sont évertués à annuler tout colloque
qui pourrait faire entendre une autre
vérité sur ce qui se passe réellement en
Syrie [10][11], et ont
tout fait pour ne laisser entendre que
les voix de leurs associés, prétendument
Syriens, hurlant d’allégresse suite aux
frappes de Trump sur Al-Chaayrate en
réclamant d’autres frappes encore, pour
mieux détruire la Syrie et tuer ses
enfants. Mais sont-ils vraiment
Syriens ?
Quoi qu’il en
soit, « bâillonner » semble être devenu
le maître mot de Paris en ce qui
concerne la Syrie. Ainsi, pour pouvoir
parler en toute liberté du drame syrien,
trois députés français ont été obligés
de changer le lieu du colloque qu’ils
avaient organisé, après s’être rendus en
Syrie pour examiner la réalité au plus
près.du terrain [12]. Prévu dans
une salle de l’Assemblée nationale, le
colloque s’est finalement tenu au Centre
culturel russe qui a récemment ouvert
ses portes dans Paris. Coïncidant avec
le tollé consécutif au massacre de Khan
Cheikhoun, imputé une fois de plus sans
preuve au « régime » syrien, le député
Thierry Mariani a déclaré : « Le
colloque était prévu depuis deux mois
dans une salle de l’Assemblée. Mais
après l’annulation la semaine dernière
d’une réunion à Bruxelles avec le
vice-ministre [syrien], j’ai senti qu’il
y avait un risque d’annulation du
colloque à l’Assemblée. C’est pourquoi
il s’est tenu au centre culturel russe
de Paris ».
Pour finir, citons cette réflexion de
M. Alain Chouet : « Est-ce
que quelqu'un au monde accorde encore
une quelconque importance aux
déclarations fracassantes d'un Ministre
français des affaires étrangères ?
L'arrogance, la suffisance,
l'ignorance et le déni sont devenus les
quatre axes de réflexion d'un Quai
d'Orsay emportant dans son délire un
Ministre nantais dont le naufrage est
agendé ».
Quant à nous, il ne
nous reste plus qu’à attendre les
résultats des élections présidentielles
où trois candidats principaux appellent
à l’indépendance de la France et au
changement de sa politique étrangère à
l’égard de la Syrie…
Par Roula
Zein
Écrivaine syrienne
résidant en France
21/04/2017
Traduit de
l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Source :
وزير خارجية فرنسا: كولن باول الفرنسي..
هل يريد تدمير سورية ايضا؟
http://www.raialyoum.com/?p=660634
Notes :
[1] Vidéo
intégrale LCP - Questions d'info du
19/04/2017
http://www.lcp.fr/emissions/questions-dinfo/279548-questions-dinfo
[2] Vidéo
extrait concernant la Syrie - Questions
d'info du
19/04/2017
http://www.lcp.fr/la-politique-en-video/attaque-larme-chimique-le-renseignement-francais-va-apporter-les-preuves-de
[3]
« Quand Washington
parle clairement, les Européens n’ont
plus d’autre choix que de s’aligner » ;
par Michel Raimbaud
http://www.comite-valmy.org/spip.php?article8428/
[4]
Crise syrienne :la note falsifiée
du gouvernement français
par Frédéric Saillot
http://www.comite-valmy.org/spip.php?article4021
[5] Murder In
The SunMorgue
A Critique of
the Sarin Myth and aCyber-Investigation
of the Ghouta Massacre / Denis R.
O’Brien, PhD
http://www.globalresearch.ca/analysis-of-evidence-contradicts-allegations-on-syrian-gas-attacks/5584570
[6] Possible
Implications of Faulty US Technical
Intelligence in the Damascus Nerve Agent
Attack of August 21, 2013
https://s3.amazonaws.com/s3.documentcloud.org/documents/1006045/possible-implications-of-bad-intelligence.pdf
[7] Conseil
de sécurité: l’Envoyé spécial pour la
Syrie appelle à faire de la « crise »
née de l’attaque chimique l’occasion de
faire avancer le processus politique
https://www.un.org/press/fr/2017/cs12790.doc.htm
[8] Les
frappes américaines en Syrie s’invitent
dans la campagne présidentielle
http://www.liberation.fr/france/2017/04/07/les-frappes-americaines-en-syrie-s-invitent-dans-la-campagne-presidentielle_1561172
[9] Syrie :
le premier raid français a tué 30
djihadistes
http://www.francetvinfo.fr/monde/syrie-le-premier-raid-francais-a-tue-30-djihadistes_1710617.html
[10] Grave
menace pour la liberté d’expression en
France : Annulation d’un colloque sur la
Syrie ; par Alain Chouet
http://www.comite-valmy.org/spip.php?article7876
[11] CENSURE
FRANCAISE, « JE SUIS MEMORIAL DE
CAEN ! » ; par Richard Labévière
http://www.comite-valmy.org/spip.php?article7886
[12]
Jean-Marc Ayrault «indigné» par la
présence d'un vice-ministre syrien à un
colloque à Paris
https://francais.rt.com/france/36753-jean-marc-ayrault-indigne-par-vice-ministre-syrie-colloque-paris
Le sommaire de Mouna Alno-Nakhal
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dossier Syrie
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