Syrie
Syrie : Les manœuvres du Sieur de
Mistura et du Camp des agresseurs avant
la prochaine session des pourparlers de
Genève 3
Amin Hoteit

Mercredi 13 avril 2016
Le camp des agresseurs de la Syrie
ayant pressenti les dangers de son échec
sur le terrain, s’est tourné une fois de
plus vers les manœuvres politiques et
militaires censées limiter ses pertes en
attendant de transformer l’essai. Pour
ceci il a travaillé sur plusieurs
niveaux :
I. La date
retenue pour la future session des
« pourparlers entre Syriens »
L’Émissaire
spécial des Nations Unies, M. Staffan de
Mistura, s’est obstiné à ce que cette
date coïncide avec celle fixée pour les
élections législatives en Syrie le 13
avril 2016, en dépit du fait que la
délégation syrienne l’en avait prévenu
suffisamment à l’avance. Un comportement
cherchant visiblement à pousser la
délégation syrienne à refuser d’y
participer pour ensuite lui reprocher de
retarder ou d’« empêcher les
négociations » [1].
II. Le
document rédigé par De Mistura en
prévision de la future session
La rédaction
de ce document en 12 points, censé
servir de base aux discussions et remis
aux délégations autorisées à participer
aux pourparlers, dissimule à peine la
volonté de contourner la résistance et
les victoires syriennes, ainsi que les
droits des Syriens. Quelques remarques
pour qui voudrait l’examiner de plus
près [2] :
1. Une
Syrie désarmée :
« 1. Par
respect de la souveraineté, de
l’Indépendance, de l’unité et de
l’intégrité territoriale de la Syrie,
aucune partie du territoire national ne
doit être cédée. En tant que partie
intégrante de la nation arabe, la Syrie
est engagée dans un rôle actif et
pacifique au sein de la communauté
internationale. En tant que membre
fondateur de l’ONU, la Syrie est dévouée
à sa charte, à ses buts et principes. Le
peuple syrien demeure engagé à récupérer
les hauteurs du Golan occupé, par des
moyens PACIFIQUES ».
Autrement
dit, une vision de la Syrie future comme
un État démilitarisé qui ne devrait pas
recourir à la force même en cas de
légitime défense, pour récupérer ses
droits face à Israël ayant annexé
illégitimement le Golan et à tous ceux
qui pourraient encore violer son
territoire et menacer son unité.
De Mistura
insiste donc pour que la Syrie s’engage
à adopter un rôle pacifique sans
distinguer les situations, allant
jusqu’à confier la libération du Golan
occupé à « la politique », abstraction
faite du droit des peuples à la
résistance en vertu du droit
international et de la Charte des
Nations Unies. C’est là un premier
service rendu à Israël ; sinon, comment
comprendre pourquoi il a glissé le Golan
dès ce premier point ?
2. Une
Syrie prétendument sectaire
« 4. Il
n'y aura pas de discrimination mais une
pleine protection de toutes les
identités nationales ethniques,
religieuses, linguistiques et
culturelles ».
Autant de
composantes citées dont De Mistura
aurait la bonté de se soucier, comme si
la Syrie était un assemblage temporaire
d’ethnies et de religions, lesquelles
n’auraient pas réussi à fusionner en
seul peuple dans un même État depuis la
nuit des temps ; ce qu’il évite de
rappeler, ouvrant ainsi la porte au
modèle confessionnel libanais ou au
modèle ethnique et confessionnel en
Irak, importé par l’invasion américaine
pour aboutir à sa partition et empêcher
la reconstruction d’un État national
fort de son unité, de son indépendance
et de sa souveraineté. Et c’est le
deuxième service rendu à Israël.
3. Une
Syrie prétendument misogyne
« 5. Les
femmes doivent disposer de l'égalité des
droits et d’une représentation minimale
de 30% dans toutes les institutions et
les structures de prise de décision
pendant et après la transition ».
Un intérêt
opportuniste pour le rôle des femmes
dans la vie politique syrienne, comme si
la Syrie l’ignorait ainsi qu’il en est
en Arabie saoudite, par exemple. Nous y
voyons une manœuvre hypocrite et
malveillante contre le système politique
syrien mis en place depuis 46 ans sur
une base d'égalité entre les femmes et
les hommes dans tous les domaines, les
femmes occupant des postes de
responsabilité en politique [Madame
Najah al-Attar est vice-présidente de la
République arabe syrienne depuis 2006,
NdT], dans l'administration, la Justice
et les Forces armées…
4. Une
Syrie bloquée au stade du Communiqué de
Genève 1
« 6.
Conformément à la résolution 2254/2015
du Conseil de sécurité, la transition
politique en Syrie doit inclure les
mécanismes d’une gouvernance crédible,
inclusive et non-sectaire, un calendrier
et un processus d'élaboration d'une
nouvelle Constitution, des élections
libres et équitables en vertu de la
nouvelle Constitution, sous la
supervision des Nations Unies à la
satisfaction de la gouvernance et
conformément aux normes internationales
les plus élevées en matière de
transparence et de responsabilité, avec
la participation de tous les Syriens
éligibles, y compris les membres de la
diaspora ».
Une
transition politique et un gouvernement
transitoire retenant presque
exclusivement le Communiqué de Genève 1,
comme le dictent les États-Unis et leurs
affidés ; ce qui nous incite à penser
que pour De Mistura le temps s’est
arrêté le 30 juin 2012 et qu’il lui est
impossible d’intégrer les détails de
tous les documents internationaux ayant
suivi et mené aux pourparlers actuels de
Genève 3, notamment les Déclarations de
Vienne 1 du 30 octobre 2015 et de Vienne
2 du14 novembre 2015 [3] et même
de la résolution 2254/2015.
5. Une
Syrie qui abandonnerait la Résistance
« 9. La
Syrie rejette catégoriquement le
terrorisme et s’oppose fermement aux
organisations et individus terroristes
identifiés par le Conseil de sécurité de
l’ONU et s’engage dans un effort
national, en partenariat international,
à vaincre le terrorisme et à en traiter
les causes. Conformément aux résolutions
appropriées de l’ONU, la Syrie appelle
tous les États à empêcher les groupes
terroristes de recevoir armes, argent,
formation, protection, refuges et
renseignements et à ne pas inciter à des
actes terroristes.
10. Les
Syriens sont engagés à la reconstruction
d’une armée nationale forte et unifiée
et, après désarmement, à l’intégration
des membres des groupes armés soutenant
la transition et la nouvelle
Constitution. Cette armée
professionnelle doit protéger les
frontières et la population de l'État
contre les menaces extérieures,
conformément au principe de la primauté
du droit. L'État et ses institutions
réformées exerceront le droit exclusif
du contrôle des armes de guerre. Il n'y
aura pas d'intervention de combattants
étrangers sur le sol syrien ».
Partant de là
et étant donné que les États-Unis ne
respectent pas les critères objectifs de
définition du terrorisme, la résistance
finit par passer pour du terrorisme
tandis que le terrorisme devient une
« opposition armée ».
Par
conséquent, si la Syrie future qu’ils
voudraient façonner à leur guise a
officiellement la charge de combattre le
terrorisme alors que des agents des
États-Unis seront à des postes clés au
sein de leur fameux « gouvernement de
transition », il y aura nécessairement
confrontation entre la Syrie et la
Résistance.
C’est ainsi
que le document de De Mistura aura réglé
le problème du soutien de la Syrie à
tous les mouvements de résistance
officiellement et officieusement,
jusqu’à l’amener dans le camp opposé
pour les combattre. Et c’est encore un
service rendu à Israël.
III. La
primauté accordée aux opposants du
« Groupe de Riyad »
« Ayant à
l’esprit l’objectif consistant à réunir
l’éventail le plus large possible
d’éléments de l’opposition, choisis par
les Syriens, afin qu’ils décident de
ceux qui les représenteront dans les
négociations et définissent leurs
positions de sorte que le processus
politique puisse commencer, prenant note
des réunions qui se sont tenues à Moscou
et au Caire et des autres initiatives
allant dans le même sens, et notant en
particulier l’utilité de la réunion qui
s’est tenue à Riyad du 9 au 11 décembre
2015, dont l’issue a contribué à la
préparation des négociations sur un
règlement politique du conflit devant se
tenir sous les auspices de l’ONU,
conformément au Communiqué de Genève et
aux Déclarations de Vienne, et attendant
avec intérêt que l’Envoyé spécial du
Secrétaire général pour la Syrie mène à
bonne fin les démarches nécessaires à
cette fin… » [4].
Ici, De
Mistura a failli à une bonne partie de
sa mission, reprécisée dans cette
Résolution 2254, laquelle consistait à
réunir l’éventail le plus large possible
d’éléments de l’opposition, choisis par
les Syriens, en ne retenant que la
prétendue représentativité de la
délégation du « Groupe de Riyad »,
choisie par l’Arabie saoudite, laquelle
compte des terroristes notoires dans ses
rangs.
Ce faisant,
il n’a fait que plier devant la volonté
du camp des agresseurs, lesquels n’ont
cessé de souffler aux membres de cette
délégation leurs conditions préalables
aux pourparlers, inacceptables pour les
Syriens, afin de les mettre au pouvoir
en passant outre la Constitution et les
autorités légitimes qui dirigent le pays
et respectent les règles et les
échéances électorales prévues par cette
Constitution.
IV. Les
provocations sur le terrain militaire
À ce niveau,
le camp des agresseurs a joué sa carte
la plus meurtrière et la plus dangereuse
en violant l’accord de « cessation des
hostilités », en faisant usage d’armes
chimiques et en introduisant sur le
terrain de nouvelles armes
qualitatives ; ce qui suggère son
intention délibérée de pousser la Syrie
à la riposte afin d’interrompre le
processus politique et d’échapper à ses
implications tout en lui faisant porter
la responsabilité de l’interruption des
pourparlers.
D’où les
vastes attaques des groupes terroristes
sur plusieurs secteurs tenus par l’armée
arabe syrienne au sud et à l’ouest de la
ville d’Alep avec invasion de la ville
d’Al-Aïs, suivies de l’assaut contre
l’aéroport de Deir ez-Zor [à l’est de la
Syrie et à 286 Kms d’Alep] et de Dumeir
[40 Kms au nord-est de Damas] , avec
utilisation de gaz moutarde et de chlore
et de missiles sol-air ayant abattu un
avion militaire syrien.

Tout cela a
bien eu lieu sans aucune réaction
d’indignation de la part du camp
occidental, ce qui confirme que ces
opérations ne sont pas
circonstancielles, mais entrent dans le
cadre d’un plan visant à mettre la Syrie
face à deux choix :
-
soit elle accepte
le fait accompli et admet sa faiblesse,
laquelle pourra être exploitée à
l’avantage des agresseurs sur la table
des négociations;
-
soit elle riposte
et devra assumer la responsabilité de la
reprise des hostilités et du blocage des
pourparlers de Genève 3.
VI. Le
choix de la Syrie et de ses alliés
La Syrie et
ses alliés ont adopté une position
médiane consistant à riposter fermement
sur le terrain militaire, souplement sur
le terrain politique, en ne cédant ni
sur les résolutions adoptées ni sur le
respect de la Constitution syrienne :
-
Maintien
des élections législatives à la date
prévue avant de rejoindre les
pourparlers de Genève le
surlendemain.
-
Absence de tout
commentaire en réponse aux provocations
politiques. Durant ces pourparlers, il
sera toujours temps de répondre au
document de De Mistura en lui rappelant
que la Syrie qui s’est battue cinq
longues années pour défendre son unité,
l’unité de son peuple, son indépendance
et ses droits d’État souverain, ne
cédera pas sur le terrain politique ce
que le camp des agresseurs n’a pas
réussi à obtenir sur le terrain
militaire, comme elle ne cédera pas sur
les sujets nationaux essentiels qu’elle
considère non négociables depuis 2003.
-
Réponse adaptée
aux provocations militaires des
agresseurs via les terroristes comme
dans la région d’Alep [5] : riposte
ferme et préparation à la bataille
contre les terroristes reconnus comme
tels et tous les autres groupes armés
qui ont profité de l’accord de cessation
des hostilités pour commettre des crimes
de guerre.
Amin Hoteit
11/04/2016
Source :
Al-Thawra [Syrie]
http://www.thawraonline.sy/index.php/name-from-news-2/98091-2016-04-11-06-29-40
Article
traduit par Mouna Alno-Nakhal
Notes :
[1] Lors de
sa rencontre avec de Mistura, Mouallem
réaffirme l’engagement au dialogue
inter-syrien sous une direction syrienne
et sans conditions préalables
Extrait :
« Pour sa part, Mouallem a réitéré la
position de la Syrie envers le règlement
politique de la crise et l’engagement de
la Syrie au dialogue inter-syrien sous
une direction syrienne et sans
conditions préalables et la
disponibilité de la délégation de la
République Arabe Syrienne à participer
aux pourparlers à partir du 15 avril en
cours… En ce qui concerne la
participation des Kurdes aux pourparlers
de Genève, de Mistura a indiqué que les
kurdes existent dans nombre de
délégations ».
http://sana.sy/fr/?p=58583
[2] UN
Special Envoy’s Paper on points of
Commonalities
http://www.unog.ch/unog/website/news_media.nsf/%28httpNewsByYear_en%
29/8e6fdf778a229d66c1257f800066b7ee?OpenDocument#_Section1
[3] Syrie : de Vienne 1 à
Vienne 2, un champ de mines ?
http://www.palestine-solidarite.org/analyses.mouna_alno-nakhal.201115.htm
[4] La résolution
2254/2015
http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/2254%282015%29
[5] L’armée régulière syrienne
sécurise al-Aïs
http://presstv.ir/DetailFr/2016/04/12/460379/Syrie--la-cit-dalAs-libre/
Le Docteur Amin
Hoteit est
libanais, analyste politique, expert en
stratégie militaire, et Général de
brigade à la retraite.
***
Le
dossier Syrie
Le sommaire de Mouna Alno-Nakhal
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