Tunisie-Politique
Trois ans après,
la Révolution enfin remise sur ses pieds
Moncef Dhambri
Mardi 14 janvier 2014
Pour
ce bilan du 3e anniversaire de la
Révolution, nous nous autorisons d'être
optimistes, car, en l'espace des 3
dernières semaines, la nouvelle tournure
prise par les évènements dans notre pays
a balayé certaines raisons de notre
défaitisme.
Par
Moncef
Dhambri
Les premières exigences de la
feuille de route du Dialogue national
ont été mises à exécution et,
aujourd'hui, nous sommes en droit de
croire que la révolution du 14 janvier
2011 a repris les choses en mains et
qu'elle ne nous décevra plus.
Toutes nos craintes se dissiperont
peu-à-peu. Nos bonnes volontés se
chargeront de sauver notre mise
révolutionnaire, le génie tunisien
donnera une fois de plus ses preuves et
il nous aidera à remonter la pente.
Les
espoirs se portent sur le nouveau chef
du gouvernement provisoire Mehdi Jomaâ.
Dans un temps court, nous
n'évoquerons plus les goulots
d'étranglement et autres tunnels que
nous avons eu à traverser. Il y aura un
modèle tunisien qui pourra servir de
source d'inspiration. Il y aura une
success story tunisienne. La Révolution
du jasmin réussira là où les autres
soulèvements du Printemps arabe ont
échoué. Nous l'espérons vivement.
Une page est
tournée
Partons du simple constat des faits.
Les Troïka 1 et 2 ont tenu tête, mais
elles sont tombées. Selon toute
vraisemblance, Ennahdha sera hors d'état
de nuire pendant quelques bons mois à
venir. Nous pouvons parier que, pendant
la prochaine année, Mehdi Jomaâ, le
nouveau chef de gouvernement provisoire,
fera mieux que ses prédécesseurs
nahdhaouis, Hamadi Jébali et Ali
Larayedh.
Les constituants se sont ressaisis et
ils ont enfin décidé de mettre les
bouchées doubles. Ils livreront leur
version finale de leur document
constitutionnel dans quelques jours.
Nous lirons la nouvelle Loi fondamentale
de notre pays avec beaucoup d'attention.
Elle sera adoptée par l'Assemblée
nationale constituante (ANC) ou soumise
à une consultation référendaire,
hypothèse que nous aimerions bien
écarter, car elle serait coûteuse pour
le pays de tout point de vue...
Les
dirigeants des LPR, des milices
islamistes violentes,
reçus par Moncef Marzouki au Palais d
Carthage.
Quant au président provisoire de la
République Moncef Marzouki, le
droit-de-l'hommiste auquel l'Histoire a
tourné le dos, nous continuerons de
l'ignorer: sa fonction de locataire du
Palais de Carthage n'a jamais valu
grand-chose et elle continuera d'être
inutile jusqu'à la fin de cette dernière
étape de la transition. En tout cas,
nous avons su composer avec la nature
nuisible de cet homme caractériel qui,
chaque fois qu'il décide de faire partie
du jeu, sème le désordre, fausse les
données et complique la situation.
En trois années, nous avons appris de
nombreuses leçons et acquis de solides
certitudes quant à la force de notre
résistance à la contre-Révolution et
l'efficacité de notre démarche.
Pourtant, nous n'avions pour armes
que nos intimes convictions. Nous
n'avions pour seul choix que
l'obligation de réussite et pour seule
option que celle du modernisme et du
progressisme. Nous n'avions pour recours
que la liberté d'expression de nos
plumes dénonciatrices, les coups de
gueule de nos
«zéro-virgule-quelque-chose» à
l'ANC, notre désobéissance civile et la
colère de nos manifestations de rue.
Pendant trois longues années, notre
vigilance a été mise à rude épreuve.
Chaque jour, il nous a fallu déjouer les
nombreux pièges de ceux qui, par l'«erreur»
du verdict des urnes du 23 octobre 2011,
ont tenté d'imposer à la Tunisie une
voie qu'elle n'a jamais voulu emprunter.
Avec leur fausse «crainte de Dieu»,
leur dérisoire «légitimité
électorale», leurs autres
supercheries et mauvaise foi, ces
comploteurs ont essayé de prendre en
otage notre 14 janvier. A plusieurs
reprises, les resquilleurs islamistes
ont dominé le débat politique et social,
dicté leurs sujets d'intérêt et détourné
notre attention de l'essentiel. Nous
avions peiné à remettre le projet
révolutionnaire sur les rails.
Les
Tunisiens attendent toujours la vérité
sur l'assassinat
de Chokri Belaid et Mohamed Brahmi.
Un
pied-de-nez aux déviations islamistes
Cette entreprise de sauvetage nous a
coûté les prix les plus forts. Nous
avions payé de notre temps précieux et
long, de nos douleurs profondes, voire
de nos vies, des martyrs, pour tenir
tête à ces illuminés qui voulaient nous
imposer leur culture rétrograde, leur
manière de penser et leur mode de vie
venus d'ailleurs.
Aujourd'hui, les ardeurs malsaines d'Ennahdha
et son dessein «islamo-démocrate» ont
été battus en brèche. Les Nahdhaouis ont
donné la preuve de leur immorale avidité
du pouvoir et de leurs incompétences à
gouverner le pays. Défaits par le
mécontentement unanime, ils ont été
contraints à quitter la scène par la
petite porte. Gardons-nous qu'ils ne
reviennent... à l'occasion des
prochaines élections.
Pour ce qui concerne le processus
révolutionnaire, le rêve de notre 14
janvier 2011 est certes usé, mais il est
resté entier.
Retenons l'essentiel de ce qui est
toujours intact. Cet essentiel est écrit
noir sur blanc dans le projet de la
nouvelle constitution, en attendant
qu'il soit gravé dans le marbre sur le
fronton de la Tunisie révolutionnaire.
Nous savons, avec certitude, que la
citoyenne tunisienne sera l'égale du
citoyen tunisien, en droits et en
devoirs. N'est-ce pas là une défaite des
«islamo-démocrates» qui auraient
souhaité glisser insidieusement dans la
nouvelle constitution leur vicieuse
«complémentarité homme-femme»?
N'est-ce pas là, non plus, le meilleur
pied-de-nez à toutes les déviations
islamistes qui ont sérieusement menacé
«la sacralité» de la parité
Tunisienne-Tunisien?
Nous savons, également, que la
Tunisie a définitivement tourné le dos à
la charia. Cette doctrine, si vénérable
soit-elle, ne fera jamais la loi en
Tunisie. Les normes de cette
«volonté de Dieu» ne définiront pas
l'organisation de la société tunisienne,
ne codifieront jamais nos relations
publiques ou privées, ni
n'interviendront dans le fonctionnement
de nos institutions...
Nous savons aussi que nombre de nos
libertés et de nos droits individuels et
collectifs seront garantis dans notre
nouvelle Loi fondamentale et qu'il n'y a
pas de crainte à avoir quant à leur
protection.
En effet, sur le terrain de
l'application de ces droits et libertés,
l'opposition, la société civile, les
experts bienveillants et autres
observateurs bénévoles veilleront au
grain: ils ont déjà soulevé plusieurs
lièvres; ils nous avertiront contre
toutes les couleuvres que les islamistes
pourraient tenter de nous faire avaler.
Nous avons vaincu, mais ne soyons pas
triomphalistes. Nous avons vaincu, mais
ne soyons pas naïfs.
Ennahdha a fait des concessions
majeures et il a accepté de céder le
gouvernement à une équipe de
technocrates indépendants. Ne baissons
pas notre garde. Ceci pourrait être un
simple repli tactique.
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Publié le 15
janvier 2014 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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