Tunisie-Politique
Le gouvernement Jomaâ
dans la ligne de mire d'Ennahdha
Moncef Dhambri
Lundi 3 mars 2014
Les
islamistes ne cachent plus leur
agacement face à la détermination du
nouveau chef du gouvernement à respecter
les exigences de la feuille de route. Et
ils le font savoir. Mehdi Jomaâ est
désormais dans leur collimateur...
Par
Moncef
Dhambri
Tout se passe, dans notre pays, selon
un plan déstabilisateur bien étudié qui,
un mois tout juste depuis la prise de
fonction de Mehdi Jomaâ, indique chaque
jour encore plus clairement qu'Ennahdha
et ses alliés n'ont nullement
l'intention d'accorder le moindre répit
au gouvernement indépendant qui a
succédé à la Troïka 2 d'Ali Larayedh.
Les comploteurs islamistes et leurs
acolytes semblent dire qu'ils ne
permettront jamais à l'équipe de
technocrates qui est aujourd'hui aux
commandes de réussir là où les deux
gouvernements dirigés par les islamistes
ont le plus honteusement échoué.
L'étau se
resserre sur Ennahdha
La Tunisie peut courir à sa ruine.
Cela importe peu aux disciples du
machiavélique Rached Ghannouchi. Nos
trésoreries ne sont plus très loin de la
panne sèche totale. Les Nahdhaouis, qui
ont mené les affaires du pays pendant
plus de deux ans, ne feront jamais
l'aveu de leur incompétence, leur
ignorance et leur malhonnêteté. La
feuille de route du Dialogue national a
fixé des étapes et une ligne de conduite
bien nettes et contraignantes. Ennahdha,
qui a apposé sa signature à ce document,
«découvre» à présent que cet
agenda consensuel comporte, outre cette
formalité du départ du gouvernement,
d'autres obligations qui conditionnent
la tenue d'élections démocratiques,
libres et justes, avant la fin de cette
année.
Cette «prise de conscience»
nahdhaouie a eu l'effet d'un étau qui se
resserre sur les dirigeants de
Montplaisir. La certitude que, dans les
jours à venir, Ennahdha perdra d'autres
manches dans la partie politique qui se
joue en Tunisie depuis l'assassinat de
Mohamed Brahmi, le 25 juillet dernier,
se confirme chaque jour encore plus.
En effet, la feuille de route du
Dialogue national dicte la révision des
nominations partisanes et la dissolution
des Ligues pour la protection de la
Révolution (LPR). Certes, cette
opération de nettoyage de
l'administration et des rouages du pays
que Mehdi Jomaâ s'est engagé à mener ne
sera peut-être jamais d'une netteté
complète, mais elle fera certainement
perdre aux islamistes des centaines de
positions d'influence importantes,
enterrera officiellement leurs milices
violentes, les fameuses LPR, et jettera
en prison leurs dirigeants anarcho-islamistes,
les Imed Dghij et consorts.
Ennahdha réalise donc que, malgré son
organisation et sa discipline
staliniennes, malgré les efforts qu'il a
entrepris pour tout cadenasser avant son
départ de la Kasbah, les choses lui
échappent et lui échapperont encore
plus. Il devient de plus en plus évident
que M. Jomaâ, par conviction ou cédant à
la pression du Quartet, de l'opposition
et de la société civile, donnera la
preuve qu'il compte bien appliquer
l'esprit et la lettre de la feuille de
route.
En
recevant, mercredi, les membres du
Quartet du Dialogue national,
Mehdi Jomaâ a réitéré sa détermination à
mettre en oeuvre les exigences de la
feuille de route.
Le succès de
l'offensive anti-terroriste
Sur le terrain sécuritaire, les
résultats concrets ne trompent pas. En
un temps record, des têtes terroristes
(présumées ou pas, peu importe!) sont
tombées. Les opérations du ministère de
l'Intérieur peuvent ne pas convaincre
totalement, mais des ennemis publics de
premier ordre ont trouvé la mort, comme
Kamel Gadhgadhi, et d'autres ont été mis
sous les verrous et attendent d'être
jugés, comme Ahmed Melki, alias Le
Somalien.
Cette offensive anti-terroriste,
parce qu'elle est nettement plus
efficace que ce qu'elle n'a été
jusqu'ici et qu'elle donne à croire
qu'elle enregistrera d'autres succès aux
dépens du djihadisme, semble
sérieusement inquiéter les Nahdhaouis.
La nouvelle détermination qui anime
le ministre de l'Intérieur, Lotfi Ben
Jeddou, à répondre aux «enfants de
Ghannouchi» par la force des armes
et les arrestations fait redouter à
Ennahdha que toute la vérité sera
bientôt faite sur ses lisaisons
douteuses avec les terroristes et sa
complicité avec les Ansar Charia et leur
chef Abou Iyadh. Si la justice suit son
cours normal, l'implication de certains
hauts responsables d'Ennahdha dans cette
affaire du terrorisme
post-révolutionnaire risque aussi d'être
prouvée. Ce jour-là, c'en sera fini de
la crédibilité des «islamo-démocrates»:
le monde connaîtra leur duplicité et une
certaine crédulité électorale, qui leur
a accordé plus de 40% des sièges de
l'Assemblée nationale constituante (ANC)
le 23 octobre 2011, découvrira enfin
leur trahison du 14 janvier.
La panique
des dirigeants nahdhaouis
Affolés par cette pression qui monte
et sentant que le jour de leur «nudité»
se rapproche, les Nahdhaouis commettent
des erreurs les unes après les autres.
Hier, par exemple, la réaction des
dirigeants d'Ennahdha à l'arrestation de
Imed Dghij, chef de la section du Kram
des LPR, ne laissait plus aucun doute
sur cette panique des islamistes. Un
communiqué officiel du mouvement, signé
par le membre du bureau politique Ameur
Larayedh, a appellé à l'ouverture d'une
enquête sur les circonstances de cette
arrestation de M. Dghij et souligné que
la dignité des citoyens doit être
préservée dans tous les contextes et
dans le respect de la nouvelle
constitution. Et si les forces de
l'ordre n'ont pas «décodé»
comme il se doit ce message nahdhaoui,
jeudi, 25 constituants (d'Ennahdha, du
CpR et du parti Wafa), menés par la
vice-présidente nahdhaouie de l'ANC
Maherzia Laâbidi, se sont déplacés au
ministère de l'Intérieur pour
s'entretenir avec M. Ben Jeddou sur
l'arrestation d'un homme qui doit
répondre dans au moins quatre affaires
judiciaires.
Pareils gestes, et autres manœuvres
indiscrètes ou lobbying maladroit,
servent, en définitive, de mises en
garde dont le destinataire principal est
M. Jomaâ. Le mouvement islamiste semble
clairement rappeler cette règle du jeu,
ainsi qu'elle a été définie par le
Gourou de Montplaisir lui-même, selon
laquelle «Ennahdha quitte le
gouvernement et non pas le pouvoir».
Le successeur d'Ali Laarayedh est
donc sommé de servir, lui et son équipe
de brillants technocrates, de
«bouche trou», de gérer les
quelques affaires courantes qu'il pourra
et, préférablement, de limiter sa tâche
à la préparation des prochaines
élections présidentielle et
législatives.
L'opposition d'Ennahdha à la réussite
du gouvernement de Mehdi Jomaâ et son
refus de respecter les termes de la
feuille de route du Dialogue national se
préciseront encore plus dans les jours
et les semaines à venir. Ils deviendront
frontaux car, de toute évidence,
l'ancien ministre de l'Industrie a
l'intention de voler de ses propres
ailes et de remplir pleinement son
contrat de sauvetage du pays.
Même si, en un court mois, il reste
difficile de dresser un bilan de
l'action du gouvernement de M. Jomaâ,
l'homme et son équipe ont amplement
rassuré l'opinion publique nationale et
redonné confiance à nos partenaires en
nos chances de réussite.
Mehdi Jomaâ a déjà rencontré nos
frères proches algérien et marocain, a
reçu M. François Hollande et pris un
rendez-vous officiel avec l'ami lointain
des Etats-Unis, Barack Obama...
Les démocrates, les modernistes, les
progressistes et autres opposants au
projet d'islamisation de la Tunisie,
devront très vite choisir leur camp:
soutenir Mehdi Jomaâ, et donc déjouer
les desseins nahdhaouis, ou chercher à
faire valoir leurs petits programmes
partisans, et donc laisser passer une
chance sérieuse de faire table rase de
ce que Ennahdha et ses associés de la
Troïka ont tenté d'établir dans le pays,
pendant les deux ou trois dernières
années.
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Publié le 3 mars
2014 avec l'aimable autorisation de
Kapitalis
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