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Perspectives
russo-africaines dans
un monde multipolaire
Mikhail Gamandiy-Egorov
© Sputnik.
Grigorij Sysoev
Mercredi 4 mai 2016
Source:
Sputnik
Les élites
occidentales ont beau à tenter encore de
jouer au « club des élus », la réalité
multipolaire les force à accepter au fur
et à mesure la nouvelle donne.
En parlant des
perspectives russo-africaines, qui
intéressent beaucoup de mes amis
africains, on est effectivement en train
de passer à une phase fortement
importante. Certains ne l'ont peut-être
pas remarqué, mais les dossiers
africains étaient à la une de la
diplomatie et de la politique russe
depuis l'année dernière et notamment les
derniers mois.
Mai 2015, la
Fédération de Russie et la République
populaire de Chine bloquent la
proposition de résolution française sur
le
Burundi. Une proposition soutenue
par le bloc occidental, USA en tête,
afin d'interférer, comme ce fut déjà
tellement de fois le cas, dans les
affaires intérieures de ce pays
d'Afrique de l'est, à la veille des
élections présidentielles. Ce fut en
effet un grand coup de la Russie dans la
protection de la souveraineté africaine,
surtout depuis les critiques émises sur
le manque d'action russo-chinoise lors
des crises en
Côte d'Ivoire et en
Libye.
Toujours sur ce
dossier, cela a en effet également
montré une fois de plus la similitude
d'approche de la Chine et de la Russie
dans la politique mondiale. Last but not
least, cela avait également clairement
montré que les élites politiques russes
et chinoises ne se font plus d'illusion
sur les élites occidentales, et
notamment les prétendues « interventions
humanitaires »: lorsque pour des
intérêts purement néocoloniaux, l'aspect
« humanitaire » est monté de toute
pièce.
Beaucoup de
citoyens burundais ne manqueront
d'ailleurs pas à ce jour de remercier la
Russie et la Chine pour leur rôle
responsable au sein du Conseil de
sécurité de l'ONU dans la défense de la
souveraineté de leur pays. Après le
Burundi, il y a eu également la visite
du ministre russe des Affaires
étrangères Sergueï Lavrov en Algérie en
mars de cette année, lors de laquelle il
a rencontré le président algérien
Abdelaziz Bouteflika. Les deux pays ont
réitéré leur approche commune concernant
la résolution de la crise en Syrie et
ont également abordé la situation
catastrophique en Libye, pays voisin de
l'Algérie. La coopération
économico-commerciale et
technico-militaire était elle aussi à
l'ordre du jour. Pour rappel, la
République algérienne est dans le TOP 10
des principaux partenaires-clients de la
Russie en matière d'armement, au niveau
mondial.
En mars également a
eu lieu la visite du roi du Maroc
Mohamed VI en Russie. Une visite que
beaucoup ont qualifié d'historique car
en effet elle symbolisait une nouvelle
grande étape dans les relations
bilatérales et le partenariat
stratégique engagé entre les deux pays.
Bien sûr, les perspectives d'affaires
étaient à l'ordre du jour: le Maroc
étant le deuxième partenaire économique
et commercial de la Russie en Afrique et
dans le monde arabe. Mais la volonté
commune d'étendre le partenariat dans le
domaine politique était elle aussi bien
visible. Le Maroc ayant salué le rôle
positif de la Russie au Proche-Orient et
sa grande contribution dans la lutte
antiterroriste. Une nouvelle page s'est
donc ouverte dans les relations entre
les deux nations. Des relations qui ont
toujours été positives mais qui
deviennent désormais excellentes, selon
les dires même du président russe
Vladimir Poutine et communiqués par
l'ambassadeur de Russie en poste à
Rabat, M. Valeri Vorobiev.
Et puis tout
dernièrement, ce fut au tour du Zimbabwe
d'accueillir une importante délégation
russe avec à la tête Denis Manturov,
ministre de l'Industrie et du Commerce.
M. Manturov a eu des entretiens avec le
chef d'Etat zimbabwéen Robert Mugabe.
Plusieurs projets conjoints
d'investissement au Zimbabwe ont été
discutés, notamment ceux visant à créer
de nouveaux emplois dans le pays. La
Russie et le Zimbabwe s'apprêtent en
outre à entamer la construction d'un
complexe d'extraction de platine au
second semestre de 2016. Le Zimbabwe
étant le troisième pays au niveau
mondial avec les plus grandes réserves
de platine, juste derrière l'Afrique du
Sud et la Russie. Les autorités du pays
envisagent également d'autoriser la
co-entreprise russo-zimbabwéenne
DTZ-OZGEO à exploiter un important
gisement aurifère.
Mais ce n'est pas
tout. Les deux pays ont également
annoncé qu'ils s'attaqueront ensemble
aux sanctions occidentales. Pour rappel,
le Zimbabwe étant depuis plusieurs
années sous grande pression occidentale,
en premier lieu des USA et de
l'ex-métropole coloniale la
Grande-Bretagne, surtout depuis la
politique engagée par M. Mugabe afin de
reprendre les meilleures terres
agricoles des mains de la minorité
blanche pour les redonner en
exploitation aux représentants de la
majorité noire. En effet et pendant
longtemps, les meilleures terres
destinées à l'agriculture étaient aux
mains des représentants d'origine
britannique: héritage du colonialisme et
de la politique de discrimination
raciale, semblable à celle qu'avait
connue l'Afrique du Sud voisine sous
l'apartheid.
Depuis donc
l'énorme pression occidentale sur ce
pays, les autorités ont misé sur la
Chine, incomparablement plus
respectueuse de la souveraineté de ses
partenaires. Et désormais aussi sur la
Russie. Le ministre des Affaires
étrangères du Zimbabwe, Simbarashe
Mumbengegwi, n'a d'ailleurs pas manqué
de remercier la Russie pour « son
soutien et sa solidarité manifestés en
2008 lorsque le véto russe au Conseil de
sécurité a sauvé le pays des sanctions
internationales »…
Donc lorsqu'on nous pose la
question de savoir c'est quoi un monde
multipolaire, eh bien le monde
multipolaire c'est aussi cela: la
renaissance des relations
russo-africaines fait partie intégrante
de ce processus. Pourtant on n'est qu'au
début et beaucoup de choses nous
attendent encore. Quant à ceux qui se
croyaient (ou se croient encore) «
exceptionnels », à vos cahiers
rapidement. Vos sanctions vous frappent
vous-mêmes. La Russie, elle, a
rapidement et fort heureusement
diversifié ses alliances et partenariats
extérieures. Et lorsqu'on voit qu'un
pays comme le Zimbabwe, ayant énormément
moins de ressources politiques et
militaires que la Russie, et qui a
malgré tout tenu efficacement aux
sanctions occidentales à son encontre,
vous imaginez bien maintenant ce qu'il
sera de la Russie. Elle ne sortira que
renforcée et avec elle un nouveau monde.
Et les pays ayant choisi de privilégier
leur partenariat avec le nôtre seront
sur la liste prioritaire: de ceux qui
ont le plus contribué à l'avènement de
notre ère nouvelle. On ne compte
évidemment pas se considérer à notre
tour « exceptionnels » mais il faut bien
récompenser ceux qui ont pris leur
responsabilité au stade initial.
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Tous droits réservés.
Publié le 5 mai 2016 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
Le sommaire de Mikhaïl Gamandiy-Egorov
Le
dossier Afrique noire
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