Actualité
L’appel d’une syrienne au monde :
« soyez humains, levez les sanctions » !
Michel Raimbaud
La Syrie, après
avoir résisté face au fléau terroriste,
saura venir à bout de la pandémie
Covid-19
Samedi 4 avril 2020
Mme
Noomah Ali, journaliste à la télévision
syrienne, vient d’écrire, « de la part
de tous les Syriens », une lettre dans
laquelle elle interpelle « le Monde »…
Vous en trouverez ci-après le texte dans
une traduction libre, mais qui se veut
fidèle.
Citation :
En tant que
Syriens, avec vous nous faisons face au
coronavirus….Mais, savez-vous que depuis
2011 nous affrontons seuls tous ces pays
puissants qui marchent aux côtés de
l’Amérique…Il faut ajouter, et c’est une
grosse affaire, qu’un petit virus
invisible à l’oeil nu nous oblige à
rester confiné à la maison, nous
interdit de sortir, de travailler, nous
obligeant à mettre en veilleuse notre
volonté de vivre. Et cela alors qu’il y
a toutes ces attaques terroristes, ces
organisations takfiristes, de Da’esh à «
Al Nosra » et « Ahrar Al Sham », de
Machin et Truc &Cie et tout le bataclan,
avec tout le sinistre bilan de leur
terrorisme, de leur traîtrise : ils ont
massacré, coupé les têtes, dévoré les
coeurs des soldats de l’armée syrienne,
fait rôtir les têtes, écorché vif…. Ils
ont organisé le commerce d’organes, pris
les femmes en captivité, vendu des êtres
humains sur les marchés aux esclaves,
pratiqué le nettoyage confessionnel,
cultivé le mensonge, l’hypocrisie,
réduisant à presque rien les
fondamentaux à respecter : des coupures
d’électricité aux pénuries de carburant,
jusqu’à l’incendie des récoltes de blé
et l’abattage des oliviers. Mais l’Etat
syrien n’a pas décrété de couvre-feu,
n’a pas décidé de fermer les marchés,
n’a pas cherché à instiller la crainte
dans les esprits par précaution ou pour
mettre en garde. Peuple pacifique, nous
n’avons pas eu peur et notre
détermination n’a pas faibli….Bien au
contraire nous avons fait face, dans la
solitude, en silence et avec fierté ;
chez nous, les martyrs en cohortes sont
plus nombreux que les victimes du
coronavirus. Malgré tout cela, ô toi, ce
Monde que j’interpelle, tes paupières
n’ont pas cillé…
J’ai de la
compassion pour l’Italie, j’ai de la
compassion pour l’Espagne, mais est-ce
que les peuples de ces pays ont eu de la
compassion pour la peur qui est mienne,
le froid dont je souffre, la maladie qui
me frappe, moi Syrien, citoyen d’un pays
qui est encore en guerre…J’ai de la
compassion pour les Américains, mais
est-ce que les Américains ont la moindre
compassion pour moi, citoyen syrien
assiégé économiquement et réduit à la
pauvreté que l’on sait, tandis que
l’Amérique tire bénéfice des sanctions
économiques sans cesse alourdies qui
nous sont imposées à nous les Syriens,
alors que lever ces sanctions nous
permettrait au moins de résorber les
pénuries dans le secteur sanitaire.
Peut-être pourrions-nous vaincre ce
virus américain ???
Je compatis avec
tout être humain, pour la simple raison
que je suis syrien. Pour moi, le message
délivré il y a des millénaires par Baal
le dieu syrien, loin d’être superficiel,
était destiné à rester pour l’éternité («
Brise ton sabre, prends ta pioche et
suis-moi afin que nous semions l’amour
et la paix au centre de la terre. Tu es
syrien et la Syrie est le centre de la
terre »). Et nous à l’heure qu’il
est, dans cette confrontation mondiale,
nous souhaitons la paix au monde entier.
Nous affrontons ce virus avec courage,
le même courage qui nous a permis
d’affronter celui qui est accusé de
l’avoir créé (l’Amérique). Et j’aimerais
ajouter ceci : au moment où les
Européens, les Américains et les Arabes
du Golfe se retrouvent en confinement
forcé, ils doivent remarquer que
l’électricité ne leur est pas coupée,
qu’ils ont du pain et qu’ils disposent
de tous les aliments essentiels au
renforcement de leur appareil
immunitaire. Ils ne manqueront pas de
noter également que moi-même, en tant
que citoyen syrien, je ne dispose pas de
toutes ces choses simples dont ils
bénéficient dans leur lieu d’isolement
sanitaire. Et ce n’est pas tout, car
j’ai aussi un frère, ou un père ou un
mari « au front », combattant les
groupes terroristes que les pays
précités
soutiennent. Et en raison du
confinement, du couvre-feu et des
mesures de précaution, ce combattant si
cher à notre coeur ne peut plus, même
lors de ses « permissions », retrouver
les siens, sa mère ou son fils…
Mon mot de la
fin, soyez humains, levez les sanctions
pour tous les pays et mettez fin à
toutes vos guerres contre tous les pays.
Cessez de fabriquer des armes et
tournez-vous vers l’humanité, car la
condition humaine est la plus belle et
la plus pure des conditions que l’on
puisse trouver sur terre. Assez de sang
versé !!
Fin de
citation
Noomah Ali,
journaliste syrienne
Je ne connais pas
Noomah Ali, mais son texte m’a
profondément touché. Car ce n’est pas
seulement un cri du coeur, c’est
également un rappel à la vérité, toute
la vérité, rien que la vérité, sans fard
et sans exagération, loin des prudences
diplomatiques, des mensonges
médiatiques, des artifices politiques et
des pirouettes intellectuelles.
On ne saurait
reprocher à une journaliste syrienne
travaillant à Damas de rappeler que son
pays fait face depuis 2011 à une guerre
sauvage organisée par l’Amérique et ses
alliés, dénoncés sans ambages. Si elle
n’en rappelle pas le bilan effrayant --
pas moins de 400°000 morts, environ deux
millions de blessés, estropiés et
handicapés, et une bonne douzaine de
millions de réfugiés ou déplacés – son
énumération des crimes commis est
impressionnante et édifiante. Elle ne
fait pourtant que rappeler la stricte
vérité, si bien occultée par les
hypocrites, et sa dénonciation des
criminels devrait rafraîchir les
mémoires qui flanchent.
Oui, le coronavirus
est un fléau inquiétant qui fait déjà
bien des dégâts, et n’a pas fini d’en
faire. Mais, quel que soit son impact en
Syrie, où il a fait son apparition, il
n’effacera pas les immenses malheurs
d’une guerre entrée
dans sa dixième
année, même s’il tend à les occulter,
comme c’est déjà le cas - et plus que
jamais par ces temps coronariens - dans
le paysage médiatique de nos rivages,
amnésique après avoir été envahi si
longtemps par le mensonge et le déni de
justice.
Qui donnerait tort
à Madame Noomah de mettre en lumière le
deux poids deux mesures systématique
qu’affectionnent les professionnels de
la compassion, une compassion à sens
unique puisque les malheurs de
l’Occident sont les seuls à être
universels. Son appel vibrant à
l’Amérique et à ses alliés pour que
soient levées « les sanctions contre
tous les pays » et qu’il soit mis un
terme à toutes les guerres, devrait
trouver un écho chez les hommes et
femmes de bonne volonté, pour qui le
virus de la guerre est au moins aussi
dévastateur que celui des pandémies.
Oubliée du côté de
chez nous, la guerre des sanctions menée
contre la Syrie (ou d’autres pays) par
l’Amérique et ses laquais est une guerre
invisible, excellent prétexte pour n’en
pas voir le bout. Elle n’est pas moins
impitoyable que l’affrontement militaire
qui, selon toute vraisemblance, tire à
sa fin. Elle est illégale, infâme,
criminelle. C’est une insulte à
l’humanité du monde. Elle doit cesser
immédiatement et sans délai et sans
conditions. Il restera encore aux
agresseurs à s’occuper de leurs
affaires, ne serait-ce que de cette
pandémie mystérieuse qui sème le chaos
au sein du désordre et le trouble dans
toutes les certitudes.
Michel
Raimbaud, le 3 avril 2020
Publié également sur
Afrique-Asie
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