Actualité
Faut-il que les gilets jaunes, la
police
ou l’armée tirent sur Luc Ferry ?
Maxime VIVAS

Vendredi 11 janvier 2019
Luc Ferry est
agrégé de philosophie, docteur d’État en
sciences politiques, ancien ministre de
la Jeunesse, de l’Éducation nationale et
de la Recherche. Rien que ça ! Il est
l’auteur de nombreux ouvrages
philosophiques et chroniqueur au Figaro
et à Radio Classique.
Ce n’est donc pas
un sous-développé du bulbe comme Aurore
Bergé, Eric Brunet, ou Pierre Haski
(j’en ai d’autres, mais…).
- Sur
Radio Classique, il a déclaré, le 7
janvier 2019, que les policiers devaient
se servir « de leurs armes, une
bonne fois » contre les
« salopards d’extrême gauche et
d’extrême droite ou des quartiers ».
Et comme il a eu peur que cela ne
suffise pas, il a appuyé : « On a la
quatrième armée du monde, elle est
capable de mettre fin à ces
saloperies. »
Sans même avoir
fait une année de philo et un mois à
Sciences po, chacun comprend qu’il
demande que les policiers, épaulés par
l’armée, tirent sur la foule des gilets
jaunes. Car, il est évidemment
impossible, avant de tirer, de trier
entre les idées des manifestants et leur
lieu de vie. Impossible de distinguer
les gilets jaunes venus pour casser (une
infime minorité) et ceux qui s’enragent
soudain (comme
le boxeur Cristophe Dettinger) au
spectacle d’une violence aveugle,
déclenchée délibérément par les forces
du désordre.
Pour avoir
manifesté les samedis à Toulouse, je
puis témoigner d’une chose nouvelle et
que je ne pouvais imaginer, moi qui
arpente le bitume sous banderoles depuis
si longtemps : il est désormais
impossible d’aller manifester sans être,
à un moment, obligé de courir devant les
keufs et de respirer des gaz
lacrymogènes.
Un excité leur
balance une bouteille de bière ? Ils
canardent en retour la manifestation
d’une pluie de grenades. La riposte est
toujours volontairement
disproportionnée. Ils sont sûrs de
l’impunité. Ils sont couverts et
encouragés.
- « On peut cogner, chef ? ».
- « Mais bien sûr, imbécile, qu’est-ce
que tu attends, un ordre écrit de
Castagnette ? ».
Personne ne leur
balance quoi que ce soit ? Immense
frustration ! L’ordre est alors donné de
scinder le cortège, de le faire
s’égailler dans plusieurs rue et
quartiers pour de meilleurs images de
foules clairsemées. Les grenades
explosent, les vauriens en civil de la
BAC cognent au petit bonheur la chance,
jettent à terre, ligotent dans le dos
avec des Serflex, un genou sur la tête
de la victime. Ils l’embarquent en la
traînant comme un sac de patates,
accélérant le mouvement par des coups de
pieds pour lesquels ils n’auront jamais
des comptes à rendre (croient-ils.
Attendez, mes bonhommes…) et ils
déposent plainte au commissariat pour
outrage parce que l’innocent a répondu
« Ta gueule ! » à « Bougnoul, crouille,
Kirikou, enculé de ta vieille pute de
mère, je me fais sucer par ta salope de
sœur ».

Bref, la manif se
disloque façon puzzle. BFMTV en filme un
morceau. « Le mouvement
s’essouffle », vous le saviez déjà,
ou alors n’êtes pas abonnés au Monde et
à Libé, vous n’avez pas la télé, ni un
autoradio, ni une radio, ou vous fermez
les yeux en passant devant les kiosques
à journaux, ou vous ne fréquentez jamais
une salle d’attente, ou vous ne parlez
jamais avec vos contemporains, ou vous
êtes fâchés avec votre beauf, ou vous
avez enfin pu acheter la lointaine
petite île perdue où la main de l’homme
n’a jamais mis les pieds.
J’ai toujours dans
ma poche ce petit masque blanc que
distribuaient les infirmières
toulousaines dans les cortèges. Et il
m’a souvent servi. Et je ne pars pas en
manif sans lui. C’est nouveau, ça vient
de sortir. C’est une pratique labellisée
« Macron 1er ».
Le président de la
République, son premier ministre, le
ministre de l’Intérieur, le préfet de
police de Paris, la plupart de nos
journaleux, Luc Ferry, haïssent et
conchient le peuple de France et ils
feraient embarquer
Maurice Grimaux, préfet de Police de
Paris en 1968 qui adjurait ses
policiers d’être respectueux des lois de
la République et de ne pas matraquer un
manifestant à terre.
Tous ces lascars
sont aussi insensibles que
Marie-Antoinette, aussi inconscients que
Louis XVI.
Et il y a du
Adolphe Tiers en eux.
Ils ont doté
d’uniformes, d’insignes et d’armes des
crypto-fachos incultes et aveuglés d’une
haine anti-jeunes qui leur masque les
terribles analogies entre le spectacle
de lycéens agenouillés, mains sur la
tête, et la préparation des mises à
morts de Résistants.
D’une main
nonchalante, les petits marquis de la
Macronie piochent, dans le saladier en
cristal, des friandises achetées chez
Fauchon par un domestique, de l’autre
ils fouillent dans l’arsenal des lois
pour trouver celle qui, en
l’interprétant comme il faut,
permettrait d’absoudre leurs nervis
violents, leurs mercenaires assermentés
et sans foi. Ils y puisent la loi qui
justifierait qu’on colle au gnouf
quiconque risque de nous entraîner sur
les chemins où la première dame de F
capricieuse dépensière de France,
Brigitte Macron, casserait ses talons de
10 centimètres : ceux qui conduisent au
rétablissement de l’ISF, au RIC, à
l’augmentation des salaires de misère.
Et la suite.

Ils portent en
eux la mort par crime « légal ».
Balancez toutes les
grenades que vous pouvez, même celles
que les lois internationales interdisent
d’utiliser, mitraillez avec vos flash
balls équipés de viseurs holographiques
qui permettent de ne pas rater l’œil ou
la bouche, acharnez-vous en meute sur le
malheureux (ne pas tenir compte du sexe,
de l’âge ou de la totale innocence) qui
passe à votre portée. « Ah les braves
sicaires ! », s’extasie Castaner en
regrettant de ne pouvoir les décorer
tous de la Légion d’honneur, ce hochet
galvaudé, indistinctement attribué à des
citoyens méritants et à des crapules qui
devraient être en prison (trois bols de
fayots par jour et c’est tout. A la
japonaise !).
14/18. Les
malheureux poilus jaillissaient de la
tranchée et les projectiles de l’ennemi
en hachaient menu une partie. D’autres
perdaient un membre ou un morceau du
visage. Ha ! Ha ! se régalent d’avance
mes détracteurs en notant avec quelle
maladresse je viens de tomber dans une
comparaison scandaleuse. Pourtant, aller
manifester aujourd’hui, c’est risquer
d’y perdre une main, un œil. « Ils
vous feront cracher du sang ! »
avait prédit le leader de la France
Insoumise pendant la campagne des
présidentielles. Qui pouvait deviner que
ça serait si vrai ?
Et, croyez-en Luc
Ferry, c’est loin d’être suffisant. Les
poilus qui sont retournés intacts dans
la tranchée avaient gagné le gros lot à
la loterie de la guerre. Nos braves
gilets jaunes qui ont laissé un œil, une
joue, un bout des lèvres, leurs
gencives, leurs dents, une main, dans
une manif, ont tiré le mauvais numéro et
c’est tout. La faute à « Pas de
chance », ça s’appelle être au
mauvais d’endroit au mauvais moment,
inutile d’aller embêter Macron avec ces
brouilles. Il est élu, légitime. Les
urnes ont parlé (murmuré, en fait). Vous
êtes démocrate, oui ou m… ?
J’ai un jeune fils
qui vit bien mieux qu’un gilet jaune,
mais qui ne rate pas une manif. Il a
l’âge des enthousiasmes boostés à la
testostérone et des indignations non
tempérées. Il s’approche trop des
Robocops. Je tremble pour lui. Je lui
conseille (lâchement ? En toute
logique ?) de laisser jaillir en premier
de la tranchée ceux qui ont élu Macron
et qui viennent dire qu’ils le
regrettent. Tel qui a mis le feu à la
maison par inconscience doit être le
premier à lutter contre l’incendie et à
s’exposer à une chute de brandons
incandescents.
Revenons à Luc
Ferry. Les crapules des journaux qui
font l’opinion (c’est-à-dire les
journaux des milliardaires,
subventionnés et gavés de pub), les
radios et télés des milliardaires
(bénéficiaires du CICE et souvent non
contribuables), font exactement le
contraire de ce qu’ils auraient fait si
Jean-Luc Mélenchon avait dit le centième
du commencement du début d’amorce de ce
que préconise Luc Ferry.
Et d’abord,
pourquoi n’est-il pas en garde à vue,
Ferry ?
Pourquoi cent
policiers n’ont-ils pas perquisitionné à
l’aube dans un des ses domiciles ?
Pourquoi la
« classe » politique droitière (je mets
« classe » entre guillemets à cause du
double sens du mot qui pourrait faire
croire que ces enflures sont
classieuses) ne rappelle-t-elle pas que
la loi républicaine interdit de tirer
sur le peuple désarmé et qu’inciter à le
faire est un délit (ou un crime ?).
Pourquoi n’est-il
pas claironné que la loi n’autorise en
aucun cas des tirs de l’armée et de la
police sur des foules, au prétexte que
la manifestation n’a pas été déclarée à
un Préfet qui hait le peuple et lâche
ses sbires équipés d’armes qui blessent,
estropient et défigurent. Et tuent.
Pourquoi ne
connaît-on même pas le nom du flic qui a
tué, d’un tir bien ajusté, le 1er
décembre 2018, une octogénaire qui
fermait ses volets au 4ème étage
d’un immeuble marseillais ? Il a fallu
moins de 24 heures pour que tout le pays
sache que Cristophe Dettinger est le
boxeur (à mains nus) d’un policier
harnaché et, guère plus de temps pour
qu’il ne soit plus libre.

Journaliste de
BFMTV (reportage imaginaire mais si
ressemblant !) : « Eh bien, je me
trouve au pied de l’immeuble où vivait,
eh bien, Zineb Redouane, une octogénaire
qui a été frappée d’une grenade au
visage alors qu’elle fermait ses volets
au quatrième étage pour, eh bien, se
protéger des gaz lacrymogènes. L’IGPN a
été saisie pour déterminer les causes
de, eh bien, cette bavure. De son côté,
le procureur de la République a déclaré
qu’une enquête, eh bien, était ouverte
et je vous en dirai les résultats dès
qu’ils seront connus, dans, eh bien, 7
ou 8 ans. »
Où est-il le tueur
de la mémé ? Toujours dans les manifs,
toujours armé ? Il perçoit
l’augmentation de salaire offerte par
les chient au froc chient-en-lit du
gouvernement (oui, je m’énerve : moi,
dès qu’on tue des ancêtres, je me
Cristophe-Dettingerise mentalement).
Pourquoi est-il
en liberté Luc Ferry ? Dans tous les
cas, ses propos sont mortifères. Soit
ils seront suivis d’effet et, adieu la
démocratie, bonjour la guerre civile,
soit ils vont faire monter chez les
manifestants des velléités de ne pas se
laisser tirer comme à la fête foraine,
ce qui induira qu’ils s’équipent et
re-bonjour la Commune de Paris
(Lyon-Marseille-Toulouse-Bordeaux, Etc.)
et attention, rev’là monsieur Thiers !
Luc Ferry a lancé
un défi aux Français : « Venez à
poil, petits lapins, nous sortons nos
fusils de chasse et nos fusils de
guerre ».
Macron prononce des
vœux en engueulant et menaçant son
peuple, Edouard Philipe annonce que les
sanctions et la répression seront plus
sévères, les médiacrates s’esbaudissent
et applaudissent comme il convient chez
les larbins, Ferry en appelle à l’armée.
Ces (comment dit-il
l’agrégé, déjà ? Ah oui !) salopards
annoncent des crimes et absolvent
par avance les tueurs. Ils ont fait le
choix de défendre jusqu’au bout leurs
privilèges et les intérêts du CAC 40. A
combien de millions se monte la fortune
de Luc Ferry ? Ira-t-il le dire à un
gilet jaune qui se les gèle sur un
rond-point et qui se les gèlera en
famille en rentrant chez lui ?
Ah ces salopards
( arrêtez de dire que, je suis grossier
quand je parle comme un ministre
sur-diplômé) hurlent à l’unisson quand
un policier a été humilié sur une
passerelle parisienne ou quand il s’est
retourné un ongle en tabassant des
gosses ou des femmes, mais ricanent en
catimini devant les photos et vidéos des
blessures infligées au peuple, à travers
tout le pays, documents dont les médias
ne veulent pas infliger le spectacle à
leur public trop sensible ! Tartuffes !
Dans un article magistral paru dans le
Diplo, Frédéric Lordon souligne que
« ... dans le cercle des médias
installés, pas un n’a encore trouvé la
force d’articuler explicitement cette
vérité de l’époque Macron qu’aller
manifester comporte le risque d’une
blessure de guerre, ou de sanctions
judiciaires ahurissantes. »
« Le Capital a
horreur de l’absence de profit. Quand il
flaire un bénéfice raisonnable, le
Capital devient hardi. A 20%, il devient
enthousiaste. A 50%, il est téméraire ;
à 100%, il foule aux pieds toutes les
lois humaines et à 300%, il ne recule
devant aucun crime » (Karl Marx).
Luc Ferry, comme
toutes ces « belles gens »,
souffre du même complexe de supériorité
que Macron et (au hasard) Gilles Le
Gendre, ancien élève du collège
Sainte-Croix de Neuilly-sur-Seine, chef
d’entreprise, successivement journaliste
dans des journaux dont le titre fait
rêver le poète que je suis : (Challenge,
l’Usine Nouvelle, le Nouvel Economiste,
l’Expansion) et patron des députés
LREM : : « Notre erreur est d’avoir
probablement été trop intelligents, trop
subtils... ».
Cependant,
faut-il que les gilets jaunes, la police
ou l’armée tirent sur Luc Ferry ?
Certes pas.
D’abord, devant le tollé provoqué par
son appel au crime, il a dû se fendre
d’une déclaration d’une hypocrisie et
d’une bêtise telle que j’ai cru à une
analyse de Jean-Michel Aphatie. Lisez
Luc Ferry, agrégé de rétropédalage : «
Je n’ai évidemment jamais appelé à tirer
sur les gilets jaune dont je défends le
mouvement depuis l’origine. Je demande
simplement que les policiers puissent se
servir comme ils le demandent de leurs
armes NON LÉTALES quand CERTAINS
cherchent carrément à les tuer.
Clair ? »
Ce qui est clair
c’est que « l’armée » a soudain
disparu pour faire place à « non
létales » dont l’absence nous avait
contrariés dans sa controversée diatribe
belliciste de bon bourgeois assuré de
n’avoir jamais à appuyer lui-même sur la
détente et à ramasser des morceaux de
cervelle sur le pavé devant sa porte.
Pour finir, jouons
au jeu du « Luc Ferry inversé »,
pour voir si ça passe : « Les gilets
jaunes devraient se servir de pavés et
de cocktails Molotov, une bonne fois,
contre les salopards de keufs fachos
(policiers, gendarmes mobiles, baqueux )
et contre les sièges des merdias. Depuis
1968, on a les meilleurs lanceurs du
monde, ils sont capables de mettre fin à
ces saloperies flicaillères et
journaleuses. »
Bien entendu, je
désapprouve cette conclusion (1) et je
préfère de loin (car je suis prudent et
douillet)
ce qui est dit ici.
Maxime VIVAS
Note (1) Me
croit qui veut.
(Article revu et
abondé le 10/01/2019).
©
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