Ecologie
Hollande pollue la COP21 et le climat
des négociations
Maxime Combes
Photo:
D.R.
Jeudi 28 mai 2015
En confiant une partie du financement
de la conférence de l'ONU sur le
changement climatique à des champions de
la pollution, François Hollande et
Laurent Fabius polluent les préparatifs
de la COP21 et sabotent sa crédibilité.
Une décision absurde pour qui annonce
vouloir une conférence « historique » !
Tapis rouge pour les
champions de la pollution
Au lendemain du festival de Cannes,
François Hollande et le gouvernement ont
déroulé un tapis rouge pour les
champions de la pollution que sont les
énergéticiens Engie (ex- GDF Suez) et
EDF, le constructeur automobile
Renault-Nissan et l'avionneur Air
France, ou encore pour la banque d'un
monde qui pollue davantage BNP-Paribas,
le faux-nez du lobby français favorable
aux gaz des schiste Suez Environnement,
le fabriquant de pneus Michelin, la
filiale de Veolia qu'est le Syndicat des
eaux d'Ile-de-France, etc. Une décision
vivement contestée par Attac France, les
Amis de la Terre, Corporate Europe
Observatory, 350.org, le WECF dans ce
communiqué.
En proposant à des champions de la
pollution de financer la conférence de
l'ONU sur le changement climatique, le
gouvernement offre sur un plateau, et à
très bon prix, la possibilité à ces
multinationales climaticides d'opérer de
véritables opérations de greenwashing :
aucune entreprise ne débloque des
financements sans obtenir un retour sur
investissement, notamment en termes
d'image. Contre quelques euros, et avec
l'onction de François Hollande et du
gouvernement, voilà quelques champions
de la pollution en mesure de faire
croire qu'ils agissent pour le climat
alors que tout montre le contraire.
Pourtant, cela ne viendrait à l'idée de
personne de sensé de faire financer une
conférence internationale sur le
tabagisme à des cigarettiers, pas plus
que de confier le respect du code de la
route à des chauffard.
Pas besoin de fonds
privés !
Le gouvernement justifie ce choix en
affirmant qu'il fallait « réduire le
plus possible l’addition pour le
contribuable ». Les données montrent le
contraire : l'organisation de la COP21
doit coûter 170 millions d'euros. Le
gouvernement veut que 20 % de ce budget,
soit 34 millions d'euros proviennent
d'entreprises privées. A titre de
comparaison, le budget du prochain
Euro2016 de football en France est de
1,7 milliard d'euros, dont environ 700
millions d'euros – 40 % du budget –
proviennent de fonds publics. Pour
l'Euro2016, le contribuable paiera donc
4 fois le budget de la COP21, et près de
20 fois le montant que le gouvernement
voudrait récupérer pour la COP21 via les
champions de la pollution.
Avoir décidé de confier 20% du
financement de la COP21 à des
multinationales privées est donc un
choix politique, fondamentalement
idéologique, qui ne répond aucunement au
besoin de réduire les dépenses
publiques. Si François Hollande et le
gouvernement français voulaient
réellement organiser une COP21
« historique » à Paris, ils auraient pu
aisément trouver les 34 millions d'euros
manquant dans le budget public dédié à
l'Euro2016 ou, mieux encore, en luttant
efficacement contre l'évasion fiscale
mise en œuvre par les grands groupes
désormais sponsors de la COP21 (IKEA,
LVMH,
BNP Paribas notamment).
Un gouvernement
inconséquent pour des décisions absurdes
Autre argument avancé par le
gouvernement : ces financements privés
permettent d'impliquer des
multinationales dans la préparation de
la COP21 et de les conduire à modifier
leurs systèmes de production de façon à
ce qu'ils émettent moins de gaz à effet
de serre. Ainsi, pour le secrétaire
général de la COP21, Pierre-Henri
Guignard, la question n'est pas de
savoir combien d'entreprises polluantes
financent la COP21, mais combien d'entre
elles auront réduit leurs émissions
après la COP21 (cité par France Info –
Mercredi 27 mai - 15h15).
Autrement dit, le gouvernement offre
une campagne de greenwashing aux
champions de la pollution et espère que
ces derniers réduiront d'eux-mêmes leurs
propres émissions. Sans exiger aucun
engagement ferme de leur part. L'Etat,
pourtant actionnaire majoritaire d'EDF
et très significatif d'Engie, aurait pu
exiger de ces entreprises qu'elles
s'engagent, a minima, et avant de
financer la COP21, à se retirer de tous
les projets de centrales à charbon dans
lesquelles elles sont impliqués aux
quatre coins de la planète. Il n'en est
rien : le gouvernement fait donc
sponsoriser la COP21 par des entreprises
dont il cautionne la construction de
centrales à charbon, les plus polluantes
de la planète. C'est absurde et
révélateur des inepties inconséquentes
du gouvernement en matière de climat.
Un gouvernement qui
ne tient pas ses propres engagements
Dès mars 2014, le RAC, le CRID et
Attac France envoyaient une lettre
ouverte au gouvernement l'invitant à
tirer les leçons des conférences passées
– notamment celle de Varsovie en 2013 où
le
sponsoring des entreprises privées
avaient pollué la COP19 – et à
« dépolluer les négociations
climatiques ». Alertes
inlassablement répétées à chacune des
rencontres entre le gouvernement et les
ONG. En réponse, le gouvernement et le
secrétaire général de la COP21 avaient
promis qu'ils se limiteraient à des
entreprises « climato-compatibles »
(voir
ici).
Manifestement, nous n'avons pas la
même définition de ce qui est compatible
avec le climat. Outre les charbonniers
Engie et EDF, le gouvernement a
sollicité le sponsoring de Suez
Environnement qui milite activement
(tout comme Engie) pour l'exploitation
des hydrocarbures de schiste en France
via le
Centre pour les hydrocarbures
conventionnels créé il y a peu :
si le gouvernement était intègre, tant
en matière de comptabilité climatique
que d'hydrocarbures de schiste, pourquoi
n'a-t-il pas a minima exigé que Suez
environnement quitte ce lobby pro-gaz de
schiste qui promeut une énergie
climaticide ?
Un gouvernement qui
pollue les négociations sur le climat
Plus grave que le greenwashing des
multinationales ou l'incohérence du
gouvernement en matière de climat : par
ses choix de sponsoring, François
Hollande et Laurent Fabius viennent de
prendre la décision de polluer les six
mois de préparation qu'il reste avant la
COP21. Et ce au détriment de la qualité
et de la sérénité des débats et des
négociations. Ennuyeux alors qu'ils
annoncent partout qu'ils veulent faire
de la COP21 une « conférence
historique ».
Laurent Fabius, qui va présider la
COP21, et François Hollande qui se
présente comme le meilleur ambassadeur
du climat (voir
ici), vont porter ces
décisions comme un boulet d'ici à la
COP21. Plus un seul article, plus un
seul commentaire ou analyse des
négociations ne pourra omettre que la
COP21 est financée par des entreprises
qui ne sont pas nettes sur le plan du
climat. Pour quelques millions d'euros,
François Hollande et Laurent Fabius
viennent donc de polluer l'intérêt
général de la lutte contre les
dérèglements climatiques par les
intérêts privés et le greenwashing de
quelques entreprises problématiques.
Des décisions qui
sabotent la crédibilité de la COP21
C'est extrêmement grave. Au moment où
les voix sont nombreuses à appeler à une
mobilisation générale des forces
citoyennes, sociales, économiques et
politiques pour lutter efficacement
contre le dérèglement climatique, les
choix de sponsoring du gouvernement
sabotent la crédibilité de la COP21 et
l'adhésion du plus grand nombre : si des
entreprises qui sont des pollueurs
notoires peuvent se payer des opérations
de greenwashing sur le dos de la COP21,
quel message délivre le gouvernement
envers des citoyens préoccupés par le
chômage, la précarité et leur avenir ?
Que cette conférence est une nouvelle
mascarade dont il faut se
désintéresser ? C'est le risque majeur
que viennent de prendre François
Hollande et Laurent Fabius. Ce n'est en
tout cas pas ainsi qu'ils vont susciter
l'adhésion du plus grand nombre.
Qu'aurait fait un gouvernement
réticent à s'engager dans la lutte
contre les dérèglements climatiques si
ce n'est décrédibiliser la COP21 en la
faisant financer par des entreprises
dont les business plan les rendent
incompatibles avce le climat ? Le
gouvernement français vient de s'engoufrer
dans la même voie que celle prise par le
gouvernement polonais lors de la COP19,
en 2013, de très sinistre mémoire. Une
conférence qui avait vu les ONG,
associations, mouvements sociaux et
syndicats quitter les négociations avec
fracas (voir
ce texte) pour dénoncer la mainmise
des intérêts privés et des lobbies sur
la conférence. Bis repetita à Paris ?
Il est grand temps
de dépolluer le climat ! Commençons ces
30 et 31 mai !
Face à l'inconsistance de François
Hollande et du gouvernement, il n'y a
pas beaucoup d'autres choix que
d'opposer la détermination des
mobilisations citoyennes. A l'appel de
la
Coalition climat 21, qui
regroupe l'ensemble des ONG,
associations, mouvements sociaux et
écologistes, syndicats engagés dans la
lutte contre les dérèglements
climatiques, 1000 initiatives pour le
climat vont être organisées
le week-end des 30 et 31 mai.
Occasion de dire avec fermeté qu'il est
grand temps de dépolluer le climat et la
lutte contre les dérèglements
climatiques : bloquons les entreprises
climaticides et les gouvernements qui
leur offre des opérations de
greenwashing à bon prix !
Maxime Combes, Economiste, membre d'Attac
France et de l'Aitec,
@MaximCombes sur Twitter
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