Ecologie
Lettre ouverte aux
militant(e)s écologistes.
Et aux autres
Maxime Combes
© Maxime
Combes
Jeudi 18 février 2016
Devant le spectacle
accablant d'une gauche socialiste et
écologiste aux abois, j'ai hésité à
m'exprimer. Il est plus commode de
poursuivre son chemin et continuer à
(essayer de) semer les graines du
renouveau et de la transition en
feignant de les ignorer. Déçu-e-s ou
sans illusion, nous n'avons pourtant pas
le droit de nous résigner : notre
pouvoir d’agir est plus important qu’ils
ne le croient.
Triste et atterré.
Triste et atterré de voir Emmanuelle
Cosse rejoindre un gouvernement que
Christiane Taubira avait fini par
quitter et que Nicolas Hulot avait
snobé.
Triste et atterré de voir que la
lutte pour les places peut conduire la
dirigeante d'un parti à se soustraire
aux décisions collectives : quand
devenir ministre devient une ligne
politique, c'est la démocratie qu'on
esquinte.
Triste et atterré de voir ainsi
cautionnée l'orientation productiviste,
liberticide et climaticide d'un pouvoir
soumis aux milieux financiers. Un
pouvoir dont l'impuissance et
l'épuisement virent à la caricature.
Ces proclamés leaders politiques ne
nous représentent plus.
Pas plus Emmanuelle Cosse que
Jean-Luc Mélenchon d'ailleurs, dont la
candidature solitaire devient dérisoire
quand on la confronte à la gravité de la
situation.
Nous valons mieux que ce qu'ils
représentent.
Nous valons mieux que ce qu'ils
incarnent.
Nous valons mieux que ce qu'ils font.
Ils ne nous représentent pas.
« La gauche est en miettes. Elle n’a
pris la mesure ni des défis posés par la
mondialisation financière et la crise
écologique ni par le discrédit du régime
représentatif »,
écrivions-nous,
début janvier, avec d'autres,
pour conclure qu'il nous fallait
« réinventer et refonder la politique,
pas simplement dénicher un "sauveur" ».
Nous sommes au pied du mur.
Nous pouvons nous laisser gagner par
la sidération et l'impuissance. Une
solution de facilité, qui a pour elle la
force de l'évidence et la joie des
petits bonheurs de l'existence, si
précieux.
Ou nous pouvons essayer de dépasser
notre stupéfaction.
La tâche est titanesque, à n'en pas
douter. Nous sommes condamné-e-s à faire
du neuf.
Condamné-e-s à faire un pas de côté
pour nous abstraire de la
personnalisation des débats, de la
dictature des sondages, des ego et
manœuvres d’appareils.
Condamné-e-s à apprendre à conjuguer
démocratie, égalité, écologie et justice
d'un même mouvement.
Oui, d'un même mouvement !
D'un mouvement qui combine la
diversité de nos combats à la richesse
de nos alternatives.
D'un mouvement qui soit au service de
son ambition et non pas au service de
l'ambition de celles et ceux qui le
conduisent.
D'un mouvement qui prenne au sérieux
ses engagements et s'engage à prendre au
sérieux la transition qu'il faut
enclencher.
Enclencher la transition, voilà qui
devrait nous réunir, nous, militant-e-s
écologistes épris de justice sociale et
de démocratie. Nous qui sommes
aujourd'hui membres de partis à
l'abandon, d'associations et collectifs
citoyens courageux, de syndicats
tenaces, ou pas. Nous qui sommes
salarié-e-s, ouvrier-e-s (trop peu),
paysan-ne-s, retraité-e-s, chômeurs-ses
ou sans emploi, persuadé-e-s qu'un monde
se meurt et qu'il nous faut enclencher
la transition vers le monde qui vient.
Une transition écologique, sociale,
démocratique, citoyenne et politique.
Une transition difficile : la France
emprunte 180 milliards d’euros sur les
marchés financiers pour assurer le
service de sa dette publique. Vouloir
mener une politique alternative, même
modeste, sera coûteux. Coûteux en
énergie et en détermination. Mais
indispensable.
Celles et ceux qui sont prêt-e-s à
s’affronter aux puissances financières,
aux multinationales et aux institutions
européennes ont donc une responsabilité
majeure ! Celles et ceux qui désirent
amplifier les milliers d’initiatives
citoyennes déjà engagées dans la
transition écologique et sociale, qui
sont convaincus que Notre-Dame des
Landes et son monde doivent être
stoppés, qu'il est urgent de sortir de
l'âge des fossiles, doivent se
retrouver, se rejoindre, faire preuve
d'inventivité, imposer un renouveau et
une déprofessionnalisation de la
représentation politique.
Il est temps de former une alliance
populaire et écologiste sans précédent.
Avant, pendant et après la
présidentielle. A côté de la
présidentielle aussi. Surtout à côté,
peut-être.
Nos paroles, nos convictions, nos
engagements, libres et insolents,
vivants et dissidents, n'ont pas besoin
d'eux pour être représentés.
C'est à nous de les représenter. De
les incarner.
C'est à nous d'opérer un renouveau
radical des formes de la politique et de
l'engagement citoyen.
C'est à nous d'inventer de nouvelles
façons d'exercer le pouvoir du peuple.
Personne n'a de solution clef en
main. Surtout pas moi. Mais ensemble,
nous pouvons en trouver. Nous pouvons
avancer.
Pour démocratiser la démocratie. Pour
définanciariser l'économie. Pour
déverrouiller la transition.
Ici et maintenant.
Notre pouvoir d’agir est plus
important qu’on ne l’imagine.
« Si nous ne faisons pas
l'impossible, nous devrons faire face à
l'impensable », écrivait Murray Bookchin.
C'était en 1982.
Nous sommes en 2016. C'est à nous de
jouer.
Maxime Combes, économiste et membre
d'Attac France.
Auteur de Sortons de
l'âge des fossiles ! Manifeste pour la
transition, Seuil, coll.
Anthropocène.
@MaximCombes sur twitter
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