Écologie
Climat : l'agenda des mobilisations
avance
plus vite que celui des négociations !
Maxime Combes
Lundi 16 février 2015
Du 8 au 13 février, les représentants
des pays membres de l'ONU étaient à
Genève pour « nettoyer » le texte de
négociation en vue de la conférence de
Paris en décembre 2015. Résultats : le
texte a doublé de volume et aucun point
dur n'est levé. De leur côté, les
mouvements pour la justice climatique
viennent de finaliser un agenda commun
de mobilisations pour l'année 2015.
La session de négociations de Genève
devait permettre aux représentants des
pays membres de l'ONU de « nettoyer »,
et réduire, le texte de 38 pages issu
des négociations de la conférence de
Lima (décembre 2014) (compte-rendu
ici), selon l'objectif
assigné par Laurence Tubiana,
négociatrice en chef du gouvernement
français. « Nous devrions quitter Genève
avec un texte plus clair et plus
simple »
pronostiquait même Thomas
Spencer de l'IDDRI, un organisme très
proche du gouvernement.
D'autres observateurs
souhaitaient que Genève aboutisse sur un
texte « rationnel, concis, gérable et
négociable ».
Ces « spécialistes » des négociations
climat ont manifestement manqué de
clairvoyance. A Genève,
le texte de négociations a
plus que doublé de volume, pour
atteindre plus de 80 pages. Aucun des
nombres points durs qui persistent
depuis de longs mois n'a été levé :
toutes les discussions portant sur la
nature juridique du futur (et éventuel)
accord, sur la forme et le niveau des
contributions nationales, sur les
mécanismes de contrôle et de
vérification de ces contributions, ou
encore sur l'avenir des principes
d'équité et de différenciation des pays
etc. sont tout simplement reportées à la
prochaine session de négociations, qui
se tiendra à Bonn début juin. Soit à
peine six mois – ce qui est très peu
pour solutionner tous ces points de
divergence dans le cadre d'une
négociation multilatérale – avant la
conférence internationale qui se tiendra
à Paris début décembre.
Que s'est-il donc passé à Genève ?
Les deux (nouveaux) facilitateurs des
négociations, l’Algérien Ahmed Djoghlaf
et l’Américain Daniel Reifsnyder,
veillant à n'exclure aucune proposition,
ont invité les représentants des pays à
compléter
le texte issu de Lima de
manière à ce que l'ensemble des
propositions et options soient bien
mentionnées dans le texte. Ainsi
complété, ce texte va être traduit dans
les langues officielles de l'ONU puis il
sera transmis officiellement aux Etats
en tant que texte officiel de
négociation. Les derniers jours de
négociation de Genève ont été consacrés
aux méthodes de travail et prochaines
échéances, sans ne jamais entrer dans
l'examen des points qui font débat.
Salué comme une « étape
clef » sur la route de Paris, ce texte
semble satisfaire tous les pays et
groupes de pays : il est découpé en
plusieurs chapitres (objectifs,
adaptation, financements, etc) qui sont
eux-mêmes dotés de longues listes
d'options constituant les propositions,
souvent contradictoires les unes avec
les autres, des différents Etats. Ainsi,
l'option 1 de l'article 5 prévoit que
chaque pays s'engage à des réductions
d'émissions en fonction « des
circonstances nationales » tandis que
l'option 4 propose de partager entre les
Etats un budget carbone maximal
permettant de ne pas pas dépasser les
1,5 °C de réchauffement climatique
global : deux options diamétralement
opposées portées par des pays aux
intérêts divergents.
Difficile donc de comprendre pourquoi
il faudrait se féliciter de
« l'esprit de Genève » comme
nous invitent à le faire bon nombre de
négociateurs et d'observateurs, alors
que cet d'état d'esprit transcrit
seulement la volonté de ne pas débattre
de ce qui ne fait pas accord ! Un comble
pour des négociations internationales
multinationales ! Comme si un consensus
satisfaisant vis-à-vis de l'urgence
climatique pouvait être obtenu sans
heurts entre des pays aux intérêts
divergents et réticents à agir.
A « l'esprit de Genève », opposons
l'esprit de Créteil !
Dans une ambiance constructive,
chaleureuse et déterminée, plus de 300
militant-e-s et activistes du climat,
venus de toute la France et des pays
voisins, se sont retrouvés à Créteil, en
région parisienne, ces samedi et
dimanche 14 et 15 février. A
l'invitation de la
Coalition Climat 21, qui
regroupe l'ensemble des syndicats, ONG
et mouvements sociaux du pays désireux
de construire un mouvement pérenne pour
la justice climatique, ces deux jours de
réunion visaient à déterminer et
préciser un agenda commun de
mobilisations pour toute l'année 2015 et
au-delà. Objectif atteint puisque toute
une série de dates et de propositions
sont désormais confirmées :
- les 30 et 31 mai, peu
avant la semaine intermédiaire de
négociations de Bonn, mais également
le
G7 qui se réunira en Bavière,
le
sommet UE-Amérique Latine à
Bruxelles, et toute une
série d'autres évènements
internationaux, objectif a été fixé
d'organiser mille initiatives pour
le climat partout en France et dans
le reste du monde !
- les 26 et 27 septembre, à
Paris et dans de nombreuses villes,
il est proposé de multiplier les
initiatives citoyennes mettant en
avant les expériences alternatives
en matière de transition écologique,
sociale et démocratique, comme ce
sera le cas avec le processus
Alternatiba qui fera étape en
Ile-de-France à l'occasion
de l'arrivée du
tour en tandem !
- l'agenda des initiatives avant,
pendant et après la conférence de
l'ONU sur le climat qui se tiendra
sur l'aéroport du Bourget en
décembre prochain est également
précisé et toutes les informations
seront rapidement disponibles sur le
site de la coordination de la
Coalition Climat 21 ;
Toutes et tous mobilisé-e-s pour
la justice climatique !
Il est impossible ici de résumer les
dizaines ou centaines d'initiatives déjà
sur les rails, qu'elles soient menées
par des organisations ou des pools
d'organisations, ou par des collectifs
citoyens sur les territoires. Néanmoins,
un sentiment général se dégage :
beaucoup ont insisté sur la nécessité de
mettre l'accent sur des actions et
initiatives dont la date de péremption
ne coïncidera pas avec la fin de la
conférence de Paris. A l'exemple de
Bizi !, ce groupe citoyen
altermondialiste né à l'occasion de la
mobilisation de Copenhague, il est
proposé que toutes les initiatives à
venir puissent constituer le terreau de
collectifs citoyens qui perdurent et se
renforcent au delà de la conférence
Paris2015.
Les exemples ne manquent pas : se
battre ici pour de nouvelles pistes
cyclables et montrer que les deniers
publics peuvent être utilisés pour des
projets pertinents plutôt que pour
financer des projets inutiles et
climaticides, s'engager dans des
expériences alternatives de logement ou
de production pour relocaliser des
activités et interpeller les pouvoirs
publics sur leur action en la matière,
démultiplier les actions de
sensibilisation contre les pratiques
d'évasion fiscale des banques (voir
cette
action de Bizi!) alors que
des financements sont nécessaires pour
la transition et les services publics.
Ou encore connecter des sujets disjoints
qui ne le sont pas : les grandes
orientations des politiques de
recherche pourraient être plus à
l'écoute des enjeux de transition
écologique et sociale, tout comme il
apparaît
aberrant de négocier le Tafta et le
Ceta quand on prétend à
l'exemplarité en matière de lutte contre
les dérèglements climatiques.
C'est donc avec plein de courage, de
détermination, d'envie de travailler
ensemble et de bonne humeur que les
militant-e-s et actictivistes pour le
climat présent-e-s à Créteil ont mené
leurs discussions tout au long du
week-end. Cet « esprit de Créteil »,
nous semble bien plus porteur d'espoir
et d'initiatives en faveur du climat que
« l'esprit de Genève » issu de
négociations qui n'en finissent plus de
reporter au lendemain toute véritable
lutte déterminée contre les dérèglements
climatiques.
Maxime Combes, membre d'Attac
France et de l'Aitec,
engagé dans le projet
Echo des Alternatives
@MaximCombes sur Twitter
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