Ecologie
Et si la France
renonçait à accueillir
la conférence
climat 2015 au profit des Philippines ?
Maxime Combes
Jeudi 14 novembre 2013
Incapable de mettre
en œuvre une véritable transition
écologique, le gouvernement français
devrait retirer sa candidature pour
organiser la COP21 en 2015 au profit des
Philippines dont le négociateur en chef
vient de se mettre en grève de la faim à
Varsovie, exigeant des avancées
significatives.
Le délégué des Philippines, en pleurs
Plus de retards,
plus d'excuses » ! Ainsi s'était exprimé
Yeb Saño, négociateur en chef philippin
en décembre 2012 lors de la COP18 à Doha
(Qatar) alors que le super typhon
Bopha avait frappé les Philippines sur
l'île de Mindanao. Plusieurs
centaines de morts et de sans-abris.
Déjà.
Les pleurs de ce diplomate de haut
rang n'avaient alors suscité
guère plus que quelques messages
d'empathie polis, marquant le mépris des
pays industrialisés pour le sort des
populations pauvres les plus exposées
aux effets des dérèglements climatiques.
Un an plus tard, rien n'a changé.
La COP19 de
Varsovie (Pologne) a tout juste débuté
que Yeb Saño a
annoncé débuter une grève de la faim
qu'il fera perdurer jusqu'à ce qu'il
juge qu'un « résultat significatif
soit en vue, jusqu'à ce que des
engagements concrets aient été pris ».
« Nous ne pouvons pas rester assis et
impuissants à regarder l'impasse
climatique internationale, il est temps
d'agir ! », invitant ceux qui
nient le réchauffement climatique à « sortir
de leur tour d'ivoire » et « visiter
son pays », durement touché par le
typhon Haiyan.
« Nous
pouvons arrêter cette folie »
a-t-il conclu après avoir exigé de
véritables réductions d'émissions de gaz
à effet de serre et des moyens
financiers pour aider les populations
pauvres à faire face aux dévastations
climatiques. « Chaque saison des
typhons nous coûte 2 % de PIB, la
reconstruction autant, soit presque 5 %
de notre économie qui disparaît chaque
année »
disait-il en 2012, ajoutant
que son pays n'avait pas reçu « de
financements climat pour se préparer et
s'adapter à ces typhons et phénomènes
climatiques extrêmes nouveaux ».
Tout en apportant
son soutien au négociateur philippin,
Pablo Solon, ancien ambassadeur de la
Bolivie à l'ONU, a affirmé que « seule
l'action peut briser l'inaction et
l'inertie des négociations ».
Doutant que « les négociateurs
présents à Varsovie se saisissent de
l'occasion », Walden Bello, député
et intellectuel philippin,
considère que les Etats-Unis, avec
un « Obama qui n'a pas le courage de
défier les fanatiques "climato-sceptiques"
du Tea Party et du Business » et la
Chine, dont « le développement
industriel intensif en carbone ne semble
pas négociable », vont bloquer toute
avancée.
Pour Walden
Bello, les pays « en première ligne »
des dérèglements climatiques, comme
les Philippines, doivent constituer une
nouvelle alliance pour « pousser tous
les grands émetteurs de gaz à effet de
serre à accepter de se soumettre à des
réductions d'émissions radicales et
immédiates, sans attendre 2020 »,
comme le prévoit le calendrier de
négociations. Préconisant des « tactiques
non orthodoxes » comme le fait « d'interrompre
les processus de négociations pour
empêcher de retomber dans l'opposition
habituelle entre le Nord riche et le
Groupe des 77 plus Chine », « une
configuration qui garantit une impasse
politique », Walden Bello se
range du côté de ceux qui pensent que le
train-train des négociations doit
dérailler pour espérer changer de voie.
Les sponsors pollueurs de la COP19 !
A observer la
mainmise des plus grands pollueurs
sur la COP19 de Varsovie, les politiques
régressives de l'Union européenne et
l'inertie criminelle des négociations,
on ne lui donnera pas tort. Ainsi
l'Union européenne a laissé la Pologne
organiser cette conférence en
partenariat avec
quelques-unes des entreprises les
plus polluantes de la planète,
comme BMW, ArcelorMittal, Alstom ou
Emirates, ces dernières obtenant une
place de choix au cœur même des
négociations. Au point que le
gouvernement polonais coorganise un
forum mondial sur le charbon et le
climat pour promouvoir « le
charbon propre », et PGE, son « joyau
industriel » en la matière.
A l'heure où sont
écrites ces lignes, la commissaire au
climat de l'Union Européenne, Connie
Hedegaard, n'a toujours pas daigné
s'exprimer sur la
situation aux Philippines et sur les
implications que cela devrait avoir sur
le cours de négociations. Sans doute
trop heureuse d'avoir
obtenu en fin de semaine que
le Conseil européen appuie sa
proposition de 'backloading' (1)
qui ne corrigera aucunement
la dangereuse inefficacité du marché
carbone européen. Dans les
couloirs de la Commission européenne, on
en est même à proposer l'abandon de tout
objectif d'efficacité énergétique et de
développement des énergies renouvelables
d'ici 2030, pour mettre sur la table un
piteux objectif de 30 % de réduction
d'émissions. En totale contradiction
avec l'objectif de ne pas dépasser les
2°C de réchauffement d'ici la fin du
siècle.
A écouter
le négociateur en chef de la
délégation française, on se rend
compte que le sursaut ne viendra pas de
ce côté-là non plus. Comment pourrait-il
en être autrement alors que le
gouvernement français est incapable
d'introduire
une fiscalité écologique juste et
efficace et alors qu'il a repoussé
la loi sur la transition énergétique aux
calendes grecques ? Avec un premier
ministre promoteur d'un
aéroport suranné et insoutenable,
des
banques climaticides et une
industrie
pétrolière parmi les plus néfastes de
la planète, François Hollande
serait honoré de reconnaître son
incapacité à mettre en œuvre une
véritable transition écologique en
France et en Europe.
Plutôt que
d'envoyer Laurent Fabius,
Pascal Canfin et Philippe Martin (trois
ministres!) à Varsovie pour de nouvelles
déclarations dépourvues de cohérence
nationale, François Hollande ferait
donc mieux de remettre les clefs de la
COP21 de 2015 aux Philippines.
Histoire que les
pays en première ligne des dérèglement
climatiques fassent dérailler le
train-train des négociations et ouvrent
une nouvelle voie.
Maxime Combes,
membre d'Attac
France et de l'Aitec,
engagé dans le projet
Echo des Alternatives (www.alter-echos.org)
(1) Cette proposition vise à décaler
la mise aux enchères de 900 millions de
quotas d'émission de CO2 lors de la
phase III (2013-2020) du marché carbone
européen.
Publié sur le blog
Médiapart de Maxime Combes
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