Ecologie
Ségolène Royal a
raison : il est temps de laisser
les hydrocarbures dans le sol !
Maxime Combes
Jeudi 14 janvier 2015
L'annonce de Ségolène
Royal aurait du déclencher une tempête
médiatique. Elle est passée inaperçue.
La Ministre a pourtant mille fois
raison : l'urgence climatique et
l'impératif de la transition énergétique
doit conduire à ne plus chercher de
nouveaux hydrocarbures.
« Puisqu'il faut réduire la
part des énergies fossiles, pourquoi
continuer à donner des autorisations de
recherches d'hydrocarbures
conventionnels ? ». Ainsi s'est
exprimée Ségolène Royal, dans un débat
parlementaire mardi 12 janvier, comme le
rapporte une
dépêche AFP
passée (presque) inaperçue. Plus
inaperçue en tout cas que les rencontres
de Ségolène Royal avec
Justin Bieber
ou
Lenoardo Di Caprio.
Misère de la peopolisation de la vie
politique.
L'annonce de Ségolène Royal
aurait pourtant du déclencher une
tempête médiatique et une avalanche de
réactions. Des applaudissements nourris
venus des ONG, des écologistes ou des
promoteurs d'une véritable transition
énergétique. Sur l'autre versant,
industriels et champions du statu quo
auraient du exprimer des réprobations
furieuses ! Entre les deux,
éditorialistes et commentateurs auraient
essayé de concilier l'inconciliable, le
climat et la fuite en avant extractive.
Rien n'est venu. Aucune
réaction officielle. Aucun communiqué de
presse. Aucun édito. Aucun article
(hormis la reprise de la dépêche AFP sur
quelques sites d'information).
Comme si cela n'intéressait
personne (où sont donc les écologistes
?).
Comme si les déclarations
politiques – notamment celles de
Ségolène Royal – n'avait plus aucune
valeur. En tout cas moins qu'une photo
avec les Bieber et Di Caprio.
Comme si l'urgence climatique
était passée à la trappe : la COP21
n'est-elle pas finie ?
L'annonce de Ségolène Royal est
pourtant une annonce majeure. Une
annonce qui reprend mot à mot les
exigences de toutes celles et ceux qui
préconisent aujourd'hui de geler une
majorité des réserves prouvées
d'énergies fossiles pour répondre à
l'urgence climatique : conserver une
chance raisonnable de rester en deçà de
2°C de réchauffement climatique d'ici la
fin du siècle – qui plus est dans le cas
des 1,5°C tel que préconisé par l'accord
de Paris – implique de ne pas exploiter
80 % des réserves d'énergies fossiles.
Ce n'est pas une option. Mais une
condition.
A quoi bon alors continuer à
creuser, explorer, chercher de nouveaux
gisements ? Ségolène Royal a mille fois
raisons. Elle le dit très clairement :
il ne faut plus « délivrer
d'autorisation de recherches
d'hydrocarbures conventionnels,
puisqu'il faut inciter les groupes
industriels qui s'engagent dans ce type
d'activité à réorienter leurs
investissements vers la production
d'énergies renouvelables ou vers la
production de l'efficacité
énergétique ».
Nous encourageons donc Ségolène
Royal à passer aux actes. Plusieurs
décisions peuvent être prises sans
attendre :
-
selon son ministère, au 1er
juillet 2015, la France comptait 54
permis de recherches et quelque 130
demandes de permis de recherches :
il est plus qu'urgent de remettre à
plat les permis de recherche
existant – dont certains concernent
manifestement des hydrocarbures non
conventionnels – et de refuser les
nouvelles demandes de permis ;
-
la réforme du code minier,
qui doit pendre la forme d'une loi
et non d'ordonnances, doit être
débattue au plus vite au Parlement :
il faut y intégrer l'urgence
climatique et la nécessité –
scientifiquement démontrée – de
laisser les fossiles dans le sol
comme un des principes qui priment
dans la délivrance de nouveaux
titres miniers ; la France pourrait
devenir exemplaire et pionnière en
la matière ;
-
le gouvernement français
devrait exiger de rouvrir
immédiatement le mandat de
négociation des accords de
libre-échange et d'investissement
dont dispose la Commission
européenne (Tafta, Ceta, Tisa, etc)
pour y introduire les mentions de
l'urgence climatique – le mot climat
n'apparait pas – et de la nécessité
de réduire drastiquement production,
consommation et commerce
international des énergies
fossiles ;
Bien d'autres mesures sont
nécessaires, comme la nécessité de
désinvestir massivement des énergies
fossiles – la Caisse des dépôts et
Consignation devrait s'activer en la
matière – puisque sortir de l'âge des
fossiles nécessite d'aller beaucoup plus
loin. Dans le livre du même nom, nous
avons proposé dix étapes, comme autant
de propositions pour déverrouiller,
déminer et déclencher la transition : le
principe des 3D.
Ne serait-il pas temps d'en
débattre ouvertement, publiquement et
sérieusement ?
Pour que l'Etat d'urgence
climatique ne devienne pas un Etat
d'urgence permanent.
Maxime Combes, économiste et
membre d'Attac France.
Il publie Sortons de l'âge
des fossiles ! Manifeste pour la
transition, Seuil, coll.
Anthropocène et il a co-coordonné
Crime Climatique Stop ! L'appel de la
société civile, Seuil, Anthropocène.
@MaximCombes sur twitter
PS : un tel post n'aurait pas
été possible sans la veille et les
alertes des collectifs citoyens luttant
contre l'exploration et l'exploitation
des hydrocarbures (de schiste, mais pas
seulement) ! Merci à eux et à leurs
animateurs qui se reconnaîtront.
Publié sur le blog de l'auteur :
http://blogs.mediapart.fr/blog/maxime-combes/...
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