Ecologie
Pour le climat,
abandonner l'aéroport de Notre-Dame des
Landes !
Maxime Combes
Mardi 12 janvier 2015
Lors de la COP21,
François Hollande a promis une
« révolution climatique ». Elle aurait
déjà du justifier l'abandon du projet
d'aéroport de Notre-Dame des Landes.
Voici pourquoi, en cinq arguments étayés
qui devraient s'imposer à qui désire
être sérieux en matière de climat.
Le 12 décembre dernier, en
conclusion de la COP21, François
Hollande
déclarait que « la France
mettrait tout en œuvre pour appliquer
l’Accord de Paris ». Cet accord
réaffirme que l'ensemble des Etats de la
planète s'engagent à « contenir
l’élévation de la température moyenne de
la planète nettement en dessous de 2°C
par rapport aux niveaux
préindustriels ». Objectif suffisant
pour invalider le projet d'aéroport de
Notre-Dame des Landes.
Pour le climat, ne
plus construire d’infrastructures
climaticides
Ce ne sont pas des militants
pour la justice climatique qui
l'affirment. Mais les chercheurs Steven
Davis et Robert Socolow, de l'université
de Princeton. Dans
une étude publiée en août 2014, ils
montrent comment les
« engagements-carbone » – carbon
commitments en anglais – des
infrastructures existantes hypothèquent
le déploiement de nouvelles
infrastructures du même type.
Leur étude porte sur les
centrales thermiques. En rapportant à
une même date le total des émissions que
les infrastructures existantes vont
relâcher au cours de leur vie, les deux
chercheurs montrent, sous un jour
nouveau, comment les investissements
actuels dans la construction de
nouvelles centrales thermiques sont
absolument insoutenables.
Menée sur les centrales
thermiques, « l'analyse est similaire »
dans le secteur des transports selon les
auteurs. Il a été
calculé que les
« engagements-carbone » de nos économies
sont tels qu'il faudrait cesser de
construire de nouvelles infrastructures
liées aux énergies fossiles à compter de
2018 : rester en deçà des 2°C implique
de « stopper des infrastructures
émettrices plus rapidement que celles
qui sont construites » selon Davis et
Socolow.
Un résultat conforme à celui
énoncé par l'Agence
internationale de l'énergie dès 2012
qui affirmait que « près des
quatre cinquièmes des émissions de CO2
possibles d'ici à 2035 sont déjà
engagées par les centrales électriques,
les usines, les bâtiments existants »,
recommandant « des mesures pour réduire
les émissions avant 2017 ».
Nous y sommes. 2017, c'est
l'année prochaine.
Pour rester en deçà des 2°C de
réchauffement climatique – ou mieux
1,5°C – énoncés par l'Accord de Paris,
ne pas construire de nouvelles
infrastructures climaticides devient un
impératif. L'aéroport à Notre-Dame des
Landes n'est pas un investissement
d'avenir. C'est le projet-vestige d'une
économie et d'une philosophie du siècle
passé qu'il nous faut apprendre à
dépasser.
Pour le climat,
réduire les émissions (et le trafic) de
l'aviation civile
Les promoteurs justifient
l'aéroport de Notre-Dame des Landes par
l'augmentation future du trafic aérien.
Avec une croissance de 5% par an en
moyenne, le trafic aérien mondial double
tous les 15 ans. Il est prévu qu'il
atteigne 7 milliards de passagers à
l'horizon 2032 contre 3,4 milliards en
2015. Conséquence : les émissions
mondiales de l'aviation civile – qui
représentent 3% des émissions mondiales
– explosent :
plus 80 % entre 1990 et 2012.
Pourtant, comme vient de le
confirmer l'accord de Paris, le
secteur de l'aviation civile est pour
l'instant exempté de tout objectif de
réduction d'émission de GES. Si rien
n'est fait, les émissions du secteur
pourraient être
multipliées par trois dans les
années à venir, selon l'Organisation de
l'Aviation civile internationale (OACI).
Parier sur l'augmentation du trafic
aérien pour justifier la construction de
nouveaux aéroports est proprement
insoutenable. Inexcusable même.
Pour le climat,
faire basculer les investissements dans
la transition
La France
compte plus d’aéroports que
l’Allemagne et le Royaume-Uni réunis,
soit un tiers du nombre d’aéroports
régionaux de l’Europe entière. Difficile
de justifier, même pour les promoteurs
du trafic aérien, un équipement
inadapté. Evaluée à près de
600 millions d'euros, la
construction de l'aéroport de Notre-Dame
des Landes pourrait nécessiter la
mobilisation de plusieurs milliards
d'euros si l'on tient compte des
aménagements routiers et ferroviaires
supplémentaires.
A l'heure où les
investissements dans la transition sont
largement insuffisants – à peine un euro
est investi dans les énergies
renouvelables quand près de quatre le
sont dans les énergies fossiles –
abandonner un tel projet d'aéroport
pourrait permettre de débloquer des
financements importants pour financer de
véritables politiques de transition
énergétique.
Pour le climat,
préserver les zones humides.
L’intensification de
l’agriculture, l’urbanisation, les
pollutions ont détruit
plus des deux tiers des zones
humides de France métropolitaine au
cours du 20ème siècle. Telles des
éponges, elles reçoivent l’eau, la
stockent et la restituent, permettant de
limiter les impacts des inondations et
des sécheresses. Les zones humides,
représentent 3 % à 4 % du territoire,
sont l’un des plus importants puits de
carbone terrestre avec les forêts.
Le projet d’aéroport de
Notre-Dame des Landes présente une
emprise au sol d’environ 1400 hectares
dont plus de 80 % sont assimilés à une
zone humide, selon
l'avis du CSPNB. Des zones humides
dont il
apparaît qu'elles ne peuvent être
compensées aisément : le travail du
groupe des « décompenseurs en lutte » a
montré que les surfaces impactées
par le projet de Notre-Dame des Landes
sont sous-estimées et que les zones
humides sont mal caractérisées et
sous-évaluées.
Pour le climat,
préserver les terres agricoles
L'artificialisation des terres
fait disparaître
d'importantes surfaces agricoles,
aussi bien en France (l'équivalent d'un
stade de football toutes les 5 minutes)
qu'en Europe (l'équivalent du
département du Cher chaque année) ou à
l'échelle mondiale (20 millions
d'hectares par an selon FAO). Combinée à
l'augmentation de la population
mondiale, à l'instabilité des marchés
agricoles et aux conséquences des
dérèglements climatiques, la disparition
de ces vastes étendues ne peut que créer
le terreau propice à la multiplication
des crises alimentaires.
A l'échelle mondiale, 70 à 80 %
de la nourriture est produite par des
petites fermes qui n'utilisent que 25%
des surfaces agricoles,
selon Grain.
Il est donc essentiel de maintenir les
(petits) paysans sur leurs terres,
développer et soutenir des projets d'agroécologie
paysanne, les circuits courts et la
relocalisation des circuits de
production et de consommation. Autant de
propositions qui s'expérimentent
d'ores-et-déjà sur le site de Notre-Dame
des Landes comme le montrent ce
dossier de la Confédération
paysanne et
ce reportage.
Conclusion : Bye-bye
Notre-Dame des Landes ?
Si François Hollande et Laurent
Fabius – qui se
félicite
d'être toujours le président des
négociations climat jusqu'à novembre
2016 – sont sincères en matière de lutte
contre les dérèglements climatiques, on
ne voit pas bien comment ils pourraient
ne pas abandonner ce projet suranné. Une
révolution climatique, même pacifique,
repose sur des mesures capables
d'incarner les ruptures qui permettent
de passer d'un monde à un autre, du
monde des énergies fossiles au monde de
la sobriété et des énergies
renouvelables.
Ils est temps d'abandonner
l'aéroport de Notre-Dame des Landes et
son monde. Et d'en inventer un nouveau.
Sur la base des expérimentations en
cours.
Maxime Combes, économiste et
membre d'Attac France.
Il publie Sortons de l'âge
des fossiles ! Manifeste pour la
transition, Seuil, coll.
Anthropocène et il a co-coordonné
Crime Climatique Stop ! L'appel de la
société civile, Seuil, Anthropocène.
@MaximCombes sur twitter
Bonus : je n'avais pas vu cette
déclaration sans fondement de Manuel
Valls le 4 novembre dernier :
Lire la réponse des naturalistes
en lutte :
Les mensonges du Premier Ministre
ou une grave méconnaissance du dossier ?
Publié sur :
http://blogs.mediapart.fr/blog/maxime-combes/...
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