Ecologie
L'inertie du G7 prépare
de nouveaux crimes climatiques !
Décryptage
Maxime Combes
Photo:
D.R.
Mardi 9 juin 2015
L'analyse de
la déclaration du G7 est sans appel : le
G7 fait du surplace par rapport au G8 de
2009, accentuant le fossé entre les
discours et la réalité du chaos
climatique. Loin de la décarbonation de
l'économie mondiale, le G7 défend le
business as usual et des politiques
climaticides.
Les pays du G7 étaient attendus au
tournant. Mis à l'index par des ONG
(Oxfam, Greenpeace, Amis de la Terre etc)
demandant aux pays du G7 (États-Unis,
Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni,
Italie, Canada) de stopper leur soutien
aux centrales au charbon, et invités par
Angela Merkel, hôte du G7, à s'engager
sur des objectifs ambitieux de réduction
d'émission de gaz à effet de serre
(GES), les pays du G7 ont envoyé un
message clair au reste du monde : la
lutte contre les dérèglements
climatiques n'est pas une priorité
absolue ! La recherche de la
croissance et la défense du business
as usual restent leur priorité. Au
final, dans le meilleur des cas, le
G8 fait du surplace en matière
d'engagements pour le climat,
tandis qu'il renouvelle son soutien à
des politiques économiques et
financières qui sont à l'origine de la
crise climatique.
La déclaration finale du G7 fait
dix-neuf pages en anglais (ici
en anglais et
ici en français là une
première analyse qui porte
principalement sur les parties
consacrées au climat, mises en rapport
avec les parties portant sur l'économie
mondiale (commerce, finance, etc).
1. En matière de
climat, le G7 fait du surplace.
Certains vont sans doute se féliciter
que les pays du G7 annoncent vouloir
rester en deçà des 2°C de réchauffement
climatique global et qu'ils
reconnaissent la nécessité de réduire
les émissions globales de 40 à 70 %
d'ici à 2050 par rapport à 2010. Soit le
strict minimum au regard des
recommandations du GIEC. Ce serait
oublier un peu vite que les pays du G8
(G7 + Russie) s'étaient déjà engagés en
2009 (G8 de L'Aquila – Italie) à ne pas
dépasser les 2°C et à atteindre une
réduction d'au moins 50 % des émissions
mondiales d'ici à 2050 (voir
la déclaration de l'époque).
Rien de neuf donc dans la déclaration de
2015. Sauf qu'à l'époque, ils
s'étaient également engagés à réduire de
80 %, ou plus, leurs propres émissions
d'ici 2050. Aucune mention de cet
objectif n'est présent dans la
déclaration de cette année. Les pays du
G7 ne se sont tout simplement pas fixés
d'objectifs de réduction d'émissions
pour 2050. Ni pour aucune autre date
intermédiaire (2020, 2030, etc). C'est
une régression par rapport à 2009.
Dans cette déclaration, le G7 se
félicite des engagements pris par ses
pays-membres pour la période post-2020.
Ce que l'on appelle les contributions
nationales, les INDC, dans le jargon des
négociations. Etonnant quand on sait que
les engagements des Etats-Unis sont très
largement insuffisants (voir
ici), tout comme ceux que le
Japon et le Canada viennent de rendre
public. De son côté, la copie rendue par
l'Union européenne, bien que meilleure,
est loin d'être à la hauteur des enjeux
(voir
ici, le G7 se
félicite des contributions de ses
membres qui conduisent la planète sur
une tendance de réchauffement de 3 à
4°C. Pour être à la hauteur de
l'objectif des 2°C que les pays du G7
disent vouloir respecter, chacune de
leurs contributions nationales devrait
être très largement revue à la hausse.
Ce n'est pas le cas. Aucun ne le
souhaite, ni pour la période prè-2020 ni
pour celle qui suit. Le fossé entre les
bonnes intentions et la réalité des
émissions ne peut que s'accroître.
2. Big Oil et Big
Coal peuvent se frotter les mains
Les observateurs vont également se
féliciter que la déclaration finale du
G7 parle de décarbonation de l'économie.
Certains le font déjà avec emphase
puisque l'European Climate Foundation
décrit cette déclaration comme « historique »,
signalant « la fin de l'âge des
fossiles ». Un peu de sérieux est
sans doute nécessaire. Les pays du G7
soulignent effectivement la nécessité
d'une « décarbonation de l'économie
mondiale au cours du siècle ».
Est-ce un progrès ? Cela aurait pu en
être un si une date limite et des
objectifs intermédiaires avaient été
fixés et si les pays du G7 s'étaient
donné une feuille de route. Pour
respecter les 2°C et atteindre la
décarbonation de l'économie mondiale,
cela suppose que les pays du G7
réduisent leurs émissions de près de 95%
d'ici à 2050. Comme nous l'avons vu, les
pays du G7 ne se sont pas fixés
d'objectifs pour 2050. Pas plus qu'il
n'y a d'objectifs intermédiaires. Quand
ils parlent d'eux-mêmes, les pays du G7
n'évoquent plus la décarbonation, mais
affirment qu'ils feront leur part pour
aller vers « une économie mondiale
sobre en carbone à long terme ».
Difficile de faire plus vague et
imprécis. La décarbonation (terme
mentionné une seule fois) est donc un
objectif sans calendrier de mise en
œuvre : c'est un objectif qui flotte
dans l'air et qui n'est
rattaché à aucune feuille de route.
Pendant les quatre-vingt cinq ans à
venir, d'ici à la fin du siècle, Big Oil
peut dormir tranquille et continuer à
profiter de la bombe climatique sur
laquelle il est assis.
Les ONG en sont pour leurs frais.
Le G7 ne s'est bien-entendu pas engagé à
sortir de l'ère du charbon, pas plus que
de l'ère des fossiles. Mieux, le charbon
n'est pas un problème pour les pays du
G7 puisqu'ils ne l'évoquent même pas.
Aucune mention dans la déclaration.
Les énergies fossiles ? Guère mieux.
Elles sont évoquées une fois pour
annoncer que les subventions aux
énergies fossiles doivent être
supprimées. Un progrès ? Pas vraiment,
puisque seules les subventions jugées
« inefficaces » doivent l'être.
C'est-à-dire les subventions qui gênent
la bonne marche de l'économie mondiale.
Que des subventions « efficaces » (la
majeure partie sans doute) contribuent
au réchauffement climatique ne pose
aucun problème aux pays du G7. Rappel :
les subventions aux énergies fossiles
représentent près de
100 milliards de dollars pour les
pays de l'OCDE. Le FMI les
évalue lui à
10 millions d'euros par minute pour l'ensemble des pays de la planète.
Avec les pays du G7, « l'ère
des énergies fossiles » a de beaux jours
devant elle et les multinationales
pétrolières, gazières et charbonnières
peuvent se frotter les mains : le G7 n'a
pas prévu de réguler leurs activités
climaticides (elles ne sont pas
mentionnées de la déclaration).
Bien-entendu, aucune mention n'est faite
du processus de désinvestissement
que connaît le secteur des énergies
fossiles – sans doute l'une des
initiatives les plus pertinentes et
appropriées que l'on connaisse à l'heure
actuelle – alors que des pays réellement
convaincus de l'urgence climatique
devraient promouvoir et renforcer cette
dynamique. Pas les pays du G7.
3. Les pays du G7 ne
veulent pas payer ! Ils confient la
tâche au secteur financier
Les pays du G7 sont
responsables de plus de 50 % des
émissions mondiales depuis la révolution
industrielle. Ce qui revient à dire
qu'ils sont largement responsables des
dérèglements climatiques actuels
(typhons, sécheresses, inondations,
fonte des glaces etc) qui font déjà des
milliers et des milliers de morts et
dévastent des territoires entiers. Il
était attendu qu'ils trouvent des
solutions pour accroître les
financements internationaux en matière
de climat (mitigation, adaptation,
pertes et dommages, etc). Résultat :
aucun nouvel engagement en la matière.
Ils sont d'ailleurs contents
d'eux-mêmes, déclarant que « les
financements climat se déploient déjà à
des niveaux supérieurs ».
Si l'objectif des 100
milliards de dollars est mentionné,
aucune feuille de route n'est fixée.
Personne ne sait quand et comment ils
seront disponibles alors qu'à peine 10
milliards, sur plusieurs années, ont été
récoltés jusqu'à présent. Les pays
du G7 appellent les banques de
développement (Banque mondiale, etc) à « débloquer
des financements climat ». Ces
banques ont pourtant toujours financé
des infrastructures et des programmes
contraire à la lutte contre les
dérèglements climatiques (centrales à
charbon, etc). Ils en appellent
également à la mobilisation du secteur
privé, dont on sait qu'il ne finance pas
ce qui n'est pas rentable : ceux qui
n'ont pas les moyens de se protéger des
conséquences du dérèglement climatique
devront donc se débrouiller tous seuls.
Non, pas tout à fait. Les pays du
G7 ont aussi pensé à eux. Les pays du G7
s'engagent à ce que « 400
millions de personnes supplémentaires
des pays les plus vulnérables aient
accès à une assurance pour faire face
aux conséquences des risques liés au
changement climatique d'ici à 2020 ».
Les assurances se frottent les mains.
C'est à elles que les pays du G7
confient la survie des populations les
plus vulnérables de la planète !
4.
La croissance à
tout prix, et le business as usual,
voilà l'objectif du G7
La déclaration fait dix-neuf
pages (en anglais). La lutte contre les
dérèglements climatiques est une
priorité des pays du G7. La preuve ?
Après un petit mot en introduction, le
chapitre qui y est consacré, se trouve
en page quatorze. Soit à la fin de la
déclaration. Très loin des chapitres
consacrés à l'économie mondiale, au
commerce international, au système
financier, etc. qui eux se trouvent en
tête de déclaration. L'occurrence des
termes est également frappante. La
« croissance », dont on sait qu'elle est
(souvent ? toujours ?) contradictoire à
la lutte contre les dérèglements
climatiques, est mentionnée à 20
reprises en moins de vingt pages, dans
presque tous les chapitres. Le commerce
international à une quinzaine de
reprises. La crise climatique n'est
réellement évoquée que dans le seul
chapitre qui lui est consacré. Preuve
que la crise climatique est une priorité
secondaire pour les pays du G7.
Et sur le contenu ? L'ambition
du pays du G7 est clairement de
retrouver le chemin de la croissance
économique. Pour ce faire, la
déclaration expose en détail, par
exemple, comment il faut généraliser les
politiques de libéralisation du commerce
et de l'investissement : les pays du
G7 se félicitent du dernier accord au
sein de l'OMC qui favorisent les
multinationales au détriment des pays
les plus faibles (voir
ici) ; ils
encouragent la poursuite des
négociations sur le commerce des
services (TISA) et sur le commerce des
biens et services environnementaux ;
sans oublier de mentionner les efforts
menés pour finaliser les négociations du
Ceta, du Tafta, du TPP, ou encore de
l'EPA (UE-Japon). Tous les pays de la
planète sont invités à faire de même.
Plus de commerce international pour plus
de croissance, voilà le message des pays
du G7 au reste du monde. Il est hors de
question de revenir sur les règles qui
organisent le business as
usual.
Or, comme nous l'avons expliqués dans
d'autres papiers,
la lutte contre les dérèglements
climatiques est incompatible, si l'on
souhaite être un peu sérieux sur la
question, avec la poursuite de la
libéralisation du commerce et de
l'investissement. Les pays du G7 ne sont
pas prêts à s'y résoudre. Ils
s'engagent ainsi à poursuivre des
politiques qui nous conduisent vers le
chaos climatique.
Comme le dit Attac France dans
son
communiqué,
« plutôt que de dépenser 200 millions
d’euros pour se réunir dans un château
surprotégé, il serait temps de créer un
tribunal international pour juger les
crimes climatiques. Nul doute que
l’inaction irresponsable des dirigeants
du G7 leur vaudrait une comparution
immédiate ».
Maxime Combes, Economiste,
membre d'Attac
France et de l'Aitec,
@MaximCombes sur Twitter
Publié sur :
http://blogs.mediapart.fr/blog/maxime-combes/...
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