L'art de la guerre
Le déclin de l'empire USA
Manlio Dinucci
Mardi 24 mars 2015
Washington a mis le paquet pour empêcher
que ses alliés n’entrent dans la Banque d’investissements
pour les infrastructures asiatiques (Aiib),
créée par la Chine, mais n’y est pas
arrivé : Grande-Bretagne, Allemagne,
France et Italie (4 des membres du G7)
ont adhéré et d’autres, dont
l’Australie, suivront. Ce qui préoccupe
Washington est le projet d’ensemble dans
lequel entre l’Aiib. Il a comme
épicentre l’Organisation de Shanghai
pour la coopération (Sco) : née en 2001
par l’accord stratégique sino-russe pour
contrebalancer la pénétration
étasunienne en Asie Centrale, elle s’est
étendue au milieu économique,
énergétique, culturel et à d’autres. Aux
six membres (Chine, Russie, Kazakhstan,
Kirghizistan, Tadjikistan et
Ouzbékistan) se sont ajoutés, pour le
moment en tant qu’observateurs, Inde,
Iran, Pakistan, Mongolie et Afghanistan
et, comme partenaires de dialogue,
Biélorussie, Sri Lanka et Turquie.
La Sco, qui comprend un
tiers de la population mondiale et
augmentera à la moitié quand les actuels
pays observateurs en feront partie,
dispose de ressources et capacités de
travail pouvant en faire la plus grande
aire économique intégrée du monde.
La Sco est reliée aux
Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et
Afrique du Sud), qui ont décidé de créer
leur propre Banque pour le développement
et leur propre Fonds de réserve. Avec le
temps ces organismes financiers et
la Banque
asiatique peuvent supplanter en grande
partie la Banque mondiale et le FMI
qui, pendant 70 ans, ont permis aux USA
et aux plus grandes puissances
occidentales de dominer l’économie
mondiale à travers les prêts léonins et
autres outils financiers. Les nouveaux
organismes peuvent en même temps
réaliser la dédollarisation des échanges
commerciaux, en ôtant aux Etats-Unis la
capacité de décharger leur dette sur
d’autres pays en imprimant de la monnaie
utilisée comme devise internationale
dominante, même si la convertibilité du
dollar en or, établie en 1944 à Bretton
Woods, a pris fin en 1971. D’autres
monnaies sont plus fiables comme devise
internationale, comme le renminbi (ou
yuan) chinois : Londres est en train de
devenir la base pour le développement
d’outils financiers libellés en
renminbi. Ne pouvant pas contrecarrer
avec des outils économiques ce
processus, qui accélère le déclin des
Etats-Unis restés jusqu’ici la plus
grande puissance économique mondiale,
Washington jette son épée sur le plateau
de la balance.
C’est dans cette stratégie
qu’entre le putsch de place Maïdan qui,
en créant une nouvelle confrontation
avec la Russie, a permis aux USA de
renforcer ensuite l’Otan, principal
instrument de leur influence en Europe.
Dans cette même stratégie entre le
déplacement croissant de forces
militaires étasuniennes dans la région
Asie/Pacifique dans une fonction
anti-chinoise. Emblématique à cet égard,
la stratégie pour « la puissance
maritime du 21ème siècle », que vient de
publier
la U.S. Navy. Elle
souligne que l’importance économique de
cette région, où est en cours «
l’expansion navale » de la Chine, « impose de se fier de
façon croissante aux forces navales pour
protéger les intérêts étasuniens», si
bien qu’« en 2020 seront concentrées
dans la région environ 60% des forces
navales et aériennes de l’U.S. Navy».
Les puissances européennes,
tandis qu’elles adhèrent par intérêt
économique à
la Banque asiatique
créée par la Chine, collaborent à la
stratégie étasunienne pour empêcher par
la force militaire que la Chine, avec la Russie, ne subvertisse
l’actuel « ordre économique » mondial.
Le groupe franco-germano-espagnol Airbus
créera un réseau satellite militaire sur
la région Asie-Pacifique.
Et la France, qui a dépassé la Grande-Bretagne
comme allié le plus proche des USA, a
envoyé dans le Golfe son vaisseau
amiral, le Charles de Gaulle, en
le mettant sous commandement étasunien.
Edition de mardi 24 mars de
il manifesto
http://ilmanifesto.info/il-declino-dellimpero-usa/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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