UKRAINE
La Clinton-Pinchuk Connection
Manlio Dinucci
Samedi 22 février 2014
A la table de Kiev où a été négocié
l’accord formel entre gouvernement,
opposition, Ue et Russie ne siégeait
officiellement aucun représentant de la
puissante oligarchie interne qui, plus
liée à Washington et à l’OTAN qu’à
Bruxelles et à l’Ue, pousse l’Ukraine
vers l’Occident. Emblématique est le cas
de Victor Pinchuk, magnat de l’acier, 54
ans, classé par la revue Forbes
parmi les hommes les plus riches du
monde.
La
fortune de Pinchuk commence quand en
2002 il épouse Olena, fille de Leonid
Kuchma, second président de l’Ukraine
(1994-2005). En 2004 l’illustre
beau-père privatise le plus grand
complexe sidérurgique ukrainien, celui
de Kryvorizhstal, en le vendant à la
société Interpipe, dont son gendre est
co-propriétaire, pour 800 millions de
dollars, un sixième environ de sa valeur
réelle. Interpipe monopolise ainsi la
fabrication des canalisations en acier.
En 2007 Pinchuk constitue l’EastOne
Group, société de consultance pour
investissements internationaux, qui
fournit aux multinationales tous les
outils pour pénétrer dans les économies
de l’Est. Il devient en même temps
propriétaire de quatre chaînes de
télévision et d’un tabloïd populaire (Faits
et commentaires) avec une diffusion
de plus d’un million d’exemplaires. Sans
négliger cependant les œuvres de
bienfaisance : il crée la Victor Pinchuk
Foundation, considérée comme la plus
grande « fondation philanthropique »
ukrainienne.
C’est à travers cette fondation
que Pinchuk se lie avec les Clinton, en
soutenant la Clinton Global Initiative
établie par Bill et Hillary en 2005,
dont la mission est de « réunir les
leaders mondiaux pour créer des
solutions innovatrices aux défis
mondiaux les plus urgents ». Derrière ce
slogan rutilant se trouve l’objectif
réel : créer un réseau international de
puissants appuis à Hillary Clinton, l’ex
first lady qui, après avoir été
sénatrice de New York en 2001-2009 et
secrétaire d’Etat de 2009 à 2013, tente
à nouveau l’ascension à la présidence.
La fructueuse collaboration commence en
2007 quand Bill Clinton remercie
« Victor et Olena Pinchuk pour leur
vigoureuse activité sociale et l’appui
fourni à notre programme
international ». Appui que Pinchuk
concrétise par une première contribution
de 5 millions de dollars, auxquels en
succèdent d’autres, à la Clinton Global
Initiative. Ceci ouvre à Pinchuk les
portes de Washington : il embauche pour
40 000 dollars mensuels le lobbyiste
Schoen, qui lui organise une série de
contacts avec d’influents personnages, y
compris une douzaine de rencontres en
une an, entre 2011 et 2012, avec de
hauts fonctionnaires du Département
d’Etat. Ceci favorise aussi les
affaires, en permettant à Pinchuk
d’augmenter ses exportations aux
Etats-Unis, même si maintenant les
métallurgistes de Pennsylvanie et d’Ohio
l’accusent de vendre les tubes d’acier
aux USA au-dessous du prix.
Pour renforcer ultérieurement ses
liens avec les Etats-Unis et l’Occident,
Pinchuk lance la Yalta European Strategy (Yes),
« la plus grande institution sociale de
diplomatie publique en Europe
orientale », dont le but officiel est
d’ « aider l’Ukraine à se développer en
un pays moderne, démocratique et
économiquement puissant ». Grâce à la
grosse disponibilité financière de
Pinchuk (qui rien que pour fêter son 50ème
anniversaire a dépensé plus de 5
millions de dollars dans une station de
ski française),
la Yes est en mesure de
tisser un vaste réseau de contacts
internationaux, qui devient visible lors
du meeting annuel organisé à Yalta. Y
participent « plus de 200
politiciens, diplomates, hommes d’Etat,
journalistes, analystes et dirigeants du
monde des affaires provenant de plus de
20 pays ». Parmi ceux-ci émergent les
noms de Hillary et Bill Clinton,
Condoleezza Rice, Tony Blair, George
Soros, José Manuel Barroso et Mario
Monti (qui a participé au meeting de
septembre dernier), aux côtés desquels
on trouve des personnages moins connus,
mais non pour autant moins influents,
dont des dirigeants du Fonds monétaire
international (comme Dominique
Strauss-Khan, voir NdT).
Comme a expliqué Condoleezza Rice
au meeting Yes 2012, « les
transformations démocratiques requièrent
du temps et de la patience, requièrent
un appui de l’extérieur comme de
l’intérieur ». Excellente synthèse de la
stratégie que l’Occident adopte sous
le manteau de l’ « appui de
l’extérieur » pour favoriser les
« transformations démocratiques ». Une
stratégie désormais consolidée, de la Yougoslavie à la Libye, de la Syrie à l’Ukraine : ficher
des coins dans les failles qu’a tout
Etat, pour en dégonder les bases en
soutenant ou fomentant des rébellions
anti-gouvernementales (type celles de
Kiev, trop ponctuelles et organisées
pour être considérées comme simplement
spontanées), tandis qu’on déchaîne une
trépidante campagne médiatique contre le
gouvernement qu’on veut abattre. Pour ce
qui concerne l’Ukraine, l’objectif est
de faire crouler l’Etat ou de le casser
en deux : une partie qui entrerait dans
l’OTAN et dans l’Ue, une autre qui
resterait majoritairement reliée à la Russie. Dans ce cadre
s’insère la Yalta European
Strategy de l’oligarque ami des Clinton.
Edition de samedi 22 février 2014 de
il manifesto
http://ilmanifesto.it/la-clinton-pinchuk-connection-una-oligarchia-ucraino-americana/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
Et quelques aspects de la Pinchuk-French
Connection
(NdT)
« Mercredi 27 mars [2013], la Ministre de la Culture et de la Communication,
Mme Aurélie Filippetti, a remis les
insignes de chevalier de l’ordre des
Arts et des Lettres à Victor Pinchuk.
Elle a salué en lui « le visage européen
du mécénat » et le « mariage heureux
entre l’industrie et la culture, à
l’image de l’installation monumentale d’Olafur
Eliasson qui, comme le fer y subit de
constants changements d’état,
métamorphose votre nouvelle aciérie »
(http://www.ambafrance-ua.org/Victor-Pinchuk-chevalier-de-l
).
« Mon professeur en art contemporain est
français,
Nicolas Bourriaud (critique d'art,
il a dirigé le Palais de Tokyo avec
Jérôme Sans de 2002 à 2006 et il est
l'actuel directeur des Beaux-Arts de
Paris depuis octobre 2011). Je l'appelle
même mon gourou! Je l'ai rencontré en
2002 par l'intermédiaire de mon ami
Marcel Gross, directeur associé d'Euro
RSCG ».
(http://www.lefigaro.fr/arts-expositions/2013/04/09/03015-20130409ARTFIG00261-victor-pinchuk-j-aime-la-folie-provocatrice-des-artistes.php
)
"Comment exister socialement dans son
pays tout en ne faisant pas de politique
?" C'est Euro RSCG, en la personne du
Français Stéphane Fouks, qui va lui
fournir une réponse en trois points : 1.
Créer un musée d'art contemporain qui
valorise l'art ukrainien. 2. Mettre en
place un think tank pour le rayonnement
de l'Ukraine et son entrée dans
l'Europe. 3. Créer une fondation
anti-sida dont s'occupera sa femme.
L'oligarque s'investit dans la
philanthropie.
[...] « À une certaine période de la
vie, il est temps de rendre un peu de ce
qu'on a reçu, en étant guidé par une
vision", dit-il. Pour autant,
l'Ukrainien ne perd pas le nord : sa
frénésie d'artistes n'est qu'une étape
dans sa stratégie de conquête. Chaque
automne, à Yalta, son think tank baptisé
YES (pour Yalta European Strategy)
travaille à faire rayonner l'Ukraine
avec des invités comme Tony Blair ou
Dominique Strauss-Kahn. À Davos, en
marge du sommet, il imprime aussi sa
marque : le 27 janvier, il organise une
table ronde avec la jeune Cheikha
Mayassa, princesse du Qatar très
investie dans l'art, et Paulo Coelho ».
(http://www.lepoint.fr/culture/pinchuk-l-amateur-d-art-qui-venait-du-froid-24-01-2011-130601_3.php
).
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