Opinion
L'expo flottante
d'armes du Système Italie
Manlio Dinucci & Tommaso Di Francesco
Jeudi 14 novembre 2013
Hier a appareillé de Civitavecchia le
groupe de la marine militaire constitué
du porte-avion Cavour, de la frégate
Bergamini, du
navire de support logistique Etna
et du patrouilleur Borsini. Le but
officiel de la « campagne navale »
-organisée par le ministère de la Défense en collaboration
avec les ministères des Affaires
Etrangères, du Développement économique
et des Biens culturels- est de présenter
« le Système Pays en mouvement et de
renforcer la présence de l’Italie dans
les aires géographiques considérées
comme stratégiques pour les intérêts
nationaux, en plus de fournir une
assistance humanitaire aux populations
nécessiteuses ».
Le
groupe naval fera escale dans 7 ports
moyen-orientaux de
la Mer Rouge et du
Golfe Persique –Djedda (Arabie
Saoudite), Mascate (Oman), Dubaï
(E.A.U.), Abou Dabi (E.A.U.), Doha
(Qatar), Mina Sulman (Bahreïn), Koweït
City (Koweït)- et dans 13 ports
africains : Djibouti (Djibouti), Mombasa
(Kenya), Antseranana (Madagascar),
Maputo (Mozambique), Durban (Afrique du
Sud), Le Cap
(Afrique du Sud ), Luanda
(Angola), Pointe-Noire (Congo), Lagos
(Nigeria), Tema (Ghana), Dakar
(Sénégal), Casablanca (Maroc) et Alger
(Algérie). Le groupe, après un voyage de
cinq mois, rentrera en Italie le 7 avril
2014.
Le coût de la campagne navale est
prévu à 20 millions d’euros, dont 7 à
charge de l’Etat et 13 pour les
« partenaires de l’industrie privée ».
Des sous bien dépensés : ces derniers
pourront utiliser le porte-avions, long
de 244 mètres et large de 39, comme une grande
foire d’exposition itinérante. A bord
ont été installés les stands dans
lesquels ils exposent leurs produits et
contactent leurs clients. La mission du
porte-avions Cavour, a assuré le
ministre Mauro (de la défense) en
intervenant hier à
la Chambre
pendant l’examen du décret missions,
n’est pas de « vendre des systèmes
d’arme italiens à l’étranger ». On
comprend mal alors pourquoi on trouve au
centre de l’Expo flottante les plus
grandes industries guerrières italiennes
avec leur catalogue d’échantillons, qui
sera présenté aux acquéreurs potentiels
de port en port. Au premier plan celles
de Finmeccanica : AugustaWestland qui
présente des hélicoptères de guerre,
dont deux sont exposés sur le Cavour ;
Oto Melara, qui expose le système d’arme
127/64 LW Vulcain caractérisé par un
rythme de feu élevé (jusqu’à 35
coups/minute) et par la possibilité
d’utiliser des munitions guidées ; Selex
ES, spécialisée dans des systèmes radar
et de combat ; Wass, qui présente dans
le stand Finmeccanica la torpille
lourde Black Shark ; Telespazio, qui
offre ses systèmes de télécommunications
militaires, et satellitaires aussi ;
Mbda, qui expose les missiles Aspide,
Aster, Teseo/Otomat et autres. Elt offre
des appareillages électroniques pour la
guerre aérienne, terrestre et navale ;
Intermarine, des vaisseaux militaires.
Les clients qui ne peuvent pas se
permettre les canons Otomelara à feu
rapide pourront toujours trouver, au
stand Beretta sur le Cavour, une vaste
gamme de pistolets automatiques. Les
produits civils des autres stands sont
en général des produits de luxe, comme
les avions
executive de Piaggio et de
Blackshape.
A côté des armes exposées dans
les stands, se trouvent sur le Cavour
cinq chasseurs Sea Harrier à décollage
vertical, quatre hélicoptères, une
soixantaine de fusiliers de la Brigade San Marco et des
spécialistes sous-marins du Comsubin. La
campagne navale en fait, en plus de
promouvoir les « excellences
italiennes », sert à des « opérations de
lutte contre la piraterie » et à
l’ « entraînement de personnel
militaire » surtout en Afrique. Pour
« l’assistance humanitaire » se trouvent
à bord du Cavour la Croix-Rouge et les
associations (à but non lucratif)
Fondazione Francesca Rava et Operation
Smile.
Une organisation parfaite. On va
vendre encore plus d’armes aux pays du
Moyen-Orient et de l’Afrique, dominés
par des oligarchies et des castes
militaires, en provoquant une
augmentation ultérieure de leurs
dépenses militaires qui comportera une
augmentation ultérieure de la pauvreté,
surtout en Afrique. Chaque canon, chaque
missile vendu par les commis voyageurs
du Cavour signifiera des milliers de
morts en plus, surtout chez les enfants,
à cause d’une sous-alimentation
chronique et de maladies qui pourraient
être soignées.
Mais sur le Cavour se trouvent
aussi les « opérateurs humanitaires »
pour montrer combien l’Italie est
sensible et prête à aider « les
populations nécessiteuses».
Dans le Rapport 2013 de la marine
militaire on souligne que les navires de
guerre sont des « ambassadeurs de
l'Italie ». Un navire comme le Cavour
doit être considéré comme une
« projection du pays, non seulement en
tant qu’instrument militaire mais aussi
en tant que véhicule pour promouvoir nos
intérêts économiques : le navire, donc,
comme symbole gagnant du Made in Italy »
comme le montre « le succès commercial
de notre industrie pour la Défense ». De cette manière
la marine militaire se sponsorise aussi
elle-même, en démontrant que dépenser
3,5 milliards d’euros pour un bateau
comme le Cavour (qui coûte 200 millions
d’euros par jour de navigation) et
quelques autres milliards pour le doter
des chasseurs F-35, signifie faire un
investissement pour le « Système Pays ».
Un pays qui doit être
militairement prêt à la « projection de
capacité pour intervenir là où c’est
nécessaire », à savoir projeter ses
forces armées là où sont en jeu les
intérêts économiques et politiques des
puissances occidentales, au premier rang
desquelles les Etats-Unis. Ce n’est pas
un hasard si la campagne navale
italienne se déroule au Moyen-Orient et
en Afrique, deux des aires stratégiques
les plus importantes pour les USA et
l’OTAN.
Edition de jeudi 14 novembre de
il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/inedicola/manip2n1/20131114/manip2pg/01/manip2pz/348520/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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