SYRIA COMMITTEES
Bachar al-Assad, de la victoire
militaire
à la victoire politique
Luc Michel
Photo: D.R.
Samedi 31 mai 2014
Luc MICHEL pour Syria Committees –
Comités Syrie/
Avec SANA – Al Watan – AFP/ 2014 05 31/
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Le président syrien Bachar al-Assad,
assuré de remporter la présidentielle du
3 juin, est convaincu à juste titre
d'avoir sauvé sa Syrie ba’athiste face à
une rébellion et à des pays occidentaux
comme arabes – qui ont organisé et
financé cette même rébellion - exigeant
son départ. "Il est persuadé que malgré
la houle, il est le seul chef d'Etat
arabe à être resté à la barre et il veut
montrer en organisant ce scrutin en
temps et en heure qu'il est le garant
des institutions que ses adversaires
veulent détruire", explique à l'AFP l'un
de ses collaborateurs.
Agé de 48 ans, cet ophtalmologue de
formation, conduit par la mort
prématurée de son frère aîné à mener une
vie politique, et qui a succédé en 2000
à son père Hafez, mort après avoir
dirigé pendant 30 ans la Syrie, a
maintes fois dit qu'il ne lâcherait pas
prise, quel qu'en soit le prix.
Face à une révolte organisée en par les
Occidentaux mars 2011 dans le sillage du
scénario US dit du « Printemps arabe »,
celui qui était un "moderniste" a du
mener une guerre épuisante sur tous les
fronts. Au fil de cette révolte qui
s'est complètement militarisée, et qui a
aussi débouché sur un terrorisme
sanglant importé de l’étranger, faisant
plus 162.000 morts, son caractère fort
s'est affirmé.
« D'un abord courtois et décontracté, il
affiche derrière son sourire une
détermination inébranlable et une
volonté implacable d'écraser la
rébellion » (dit l’AFP) qu'il assimile
avec raison à des « groupes terroristes
manipulés » par l'étranger.
Secrétaire-général du Ba’ath, le Parti
de la renaissance arabe, il voit la
révolte comme un complot ourdi par
l'Occident et les pays du Golfe pour
briser la "chaîne de la résistance"
contre Israël, dont il est un des
maillons essentiels.
« FUIR N’EST PAS UNE OPTION »
« Fuir n'est pas une option (...). Je
dois être aux premiers rangs des
défenseurs de la patrie. C'était mon
seul scénario depuis de le début de la
crise », a confié en janvier à l'AFP le
Président. Assad qui, malgré la guerre
et le danger terroriste omniprésent (il
faut avoir été à Damas, comme je l’ai
fait en juin 2013, pour comprendre), vit
à Damas avec sa femme et ses trois
enfants.
« Même fin août 2013, alors qu'il fait
face à la menace d'une intervention
militaire étrangère en Syrie, il
peaufine une image de sérénité lorsqu'il
reçoit les journalistes étrangers »
écrit avec dépit l’AFP. L'un de ses
conseillers assure que M. Assad n'a
jamais douté de sa victoire. "Il m'a
remonté le moral à plusieurs reprises et
m'a assuré qu'au bout de la route se
trouvait la victoire".
ASSAD EN POSITION DE FORCE,
APPUYE SUR L’AXE GEOPOLITIQUE
DAMAS-TEHERAN ET LE SOUTIEN RUSSE
Pour Volker Perthes, directeur de
l'Institut allemand international et de
sécurité, « il est clair qu'il a
consolidé sa position et ces élections
ont lieu pour démontrer qu'il tient bien
les régions sous son contrôle ».
« Bachar veut prouver qu'il est
l'alternative politique et qu'il est
capable de rétablir l'ordre et la
légalité », assure Souhail Belhadj.
Cette élection, théoriquement la
première depuis plus d'un demi-siècle, a
été qualifiée de "farce" par
l'opposition et l'Occident – les mêmes
qui ont avalisé la comédie des élections
afghanes et le théâtre électoral de Kiev
-, et critiquée par le secrétaire
général de l'ONU, dont on connaît le
tropisme occidental. Mais le président
syrien croit que cette consultation
arrive au bon moment, en expliquant
qu'il y a « un tournant dans la crise au
niveau militaire ainsi qu'au niveau
politique » avec des accords
sécuritaires ponctuels entre rebelles
non-djihadistes et armée.
Bachar al-Assad a suivi les traces de
son père. Il s'est appuyé sur les
alliances nouées par Hafez avec la
Russie (alors
l’URSS) dès les années 1970, avec
l'Iran dans les années 1980, et avec le
puissant mouvement chiite libanais
Hezbollah. « Aujourd'hui, il récolte les
fruits de ces alliances » assure Souhail
Belhadj, chercheur à l'Institut des
hautes études internationale et du
développement à Genève.
BACHAR AL-ASSAD ASSURE DE SA REELECTION
Les régions sous contrôle du
gouvernement en Syrie s'apprêtent à
réélire Bachar al-Assad, alors que la
guerre civile importée de l’étranger
« semble tourner à son avantage face à
des rebelles qui se déchirent et une
communauté internationale très divisée »
(dixit l’AFP).
Confronté à deux concurrents, le député
indépendant Maher al-Hajjar et l'homme
d'affaires ayant appartenu à
l'opposition patriotique intérieure
Hassan al-Nouri, Assad est certain de
l'emporter dans les régions tenues par
l'armée. Aucun candidat de l'opposition
n'est en lice, pour ce qui est
théoriquement la première présidentielle
depuis plus de 50 ans en Syrie. Bachar
et son père Hafez, qui a dirigé le pays
d'une main de fer de 1970 à 2000,
avaient été désignés par référendum.
Théoriquement, tous les Syriens âgés de
18 ans et plus sont appelés à voter, y
compris les 7 millions de déplacés par
la guerre à l'intérieur du pays. Mais
dans les faits l'affaire se révèle plus
compliquée. « Les élections se
dérouleront dans toutes les villes
syriennes, à l'exception de Raqa »,
ville martyre entièrement tenue par les
jihadistes ultra-radicaux de l'Etat
islamique d'Irak et du Levant (EIIL), a
affirmé à l'AFP Majed Khadra,
porte-parole de la Cour
constitutionnelle.
« Le scrutin se déroulera dans 40% du
territoire, où vivent 60% de la
population », selon le géographe
français spécialiste de la Syrie et
anti-Assad comme toute l’Université
française, Fabrice Balanche. En fait
plus de 50% du territoire, toutes les
grandes villes sauf Raqa, et près de 70%
des Syriens.
QUAND LE VOTE DES SYRIENS DE
L’ETRANGER FAIT PEUR AUX OCCIDENTAUX
Quant aux Syriens se trouvant à
l'étranger, seuls 200.000 des 3 millions
de réfugiés ou d'expatriés sont inscrits
sur les listes électorales dans 39
ambassades, où le vote était prévu
mercredi, selon une source au ministère
des Affaires étrangères citée par le
quotidien Al-Watan. "Il s'agit d'un
chiffre relativement acceptable, si nous
tenons compte du fait que la France,
l'Allemagne et la Belgique ont interdit
aux citoyens syriens" de voter, selon la
même source.
Les opposants qualifient ce scrutin de
"farce". Mais les réfugiés syriens dans
de nombreux pays sont venus massivement
voter Assad ce mercredi, sans contrainte
évidemment. Devant cette gifle annoncée
aux occidentaux, la France, l’Allemagne
et la Belgique, mais aussi la Tunisie,
ont interdit le vote dans leur pays,
paniquant devant ce qui est
incontestablement un plébiscite pour
Assad.
Ainsi l’exemple du Liban, terrible gifle
pour les Occidentaux : « Beyrouth a vécu
au rythme de l'élection présidentielle
syrienne ce mercredi 28 mai, journée
consacrée au vote des Syriens installés
à l'étranger. Dans un phénomène
inattendu, des milliers de
ressortissants syriens ont afflué vers
l'ambassade de leur pays, à Yarzé, au
sud-est de la capitale libanaise,
provoquant un embouteillage monstre, qui
a totalement bloqué la circulation »,
commente RFI.
Ce scrutin, dénoncé par l'Occident et
des pays arabes qui organisent
directement la guerre et le terrorisme
en Syrie, mais appuyé par Moscou et
Téhéran, alliés indéfectibles de Damas,
a lieu dans une situation militaire
plutôt favorable à Damas. Le pouvoir
peut aussi se féliciter de la guerre
intestine sanglante opposant dans
certaines régions l'EIIL au Front al-Nosra,
branche syrienne d'Al-Qaïda, ex-alliés
dans le combat auprès de la rébellion
syrienne.
Luc MICHEL
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