LUC
MICHEL’S GEOPOLITICAL DAILY
Le révisionnisme occidental sur la
seconde guerre mondiale, un vieux
dossier (II)
Luc Michel
Mardi 14 juillet 2020
DEBAT SUR LA SECONDE GUERRE MONDIALE ET
GEOHISTOIRE (II) : LE REVISIONNISME
OCCIDENTAL SUR LA SECONDE GUERRE
MONDIALE, UN VIEUX DOSSIER
LUC MICHEL (ЛЮК
МИШЕЛЬ) & EODE/
Luc MICHEL pour EODE/
Quotidien
géopolitique – Geopolitical Daily/
2020 07 13/
La mémoire de la
seconde guerre mondiale est le nouveau
front entre Russie et Occidentaux. La
Russie reproche notamment avec raison
aux Occidentaux de minimiser son rôle
dans la victoire et les larges
sacrifices humains consentis pour
grandir celui des Américains et des
Britanniques. « Complot », « cynisme »,
« falsifications » : Russie et Européens
se livrent à une guerre des mots sur les
responsabilités de chacun dans la
Seconde Guerre mondiale, « un front
mémoriel que Vladimir Poutine prend très
au sérieux ».
Célébrée ce 22 juin
en grande pompe avec plus d’un mois de
retard à cause de l’épidémie de nouveau
coronavirus, la victoire de 1945 sur
l’Allemagne nazie a toujours été l’un
des piliers du patriotisme prôné par le
président russe. Et avec son grand
défilé militaire, un symbole du retour
de Moscou sur le devant de la scène
internationale.
III-
LE GOUFFRE MEMORIEL
ENTRE MOSCOU ET LES OCCIDENTAUX
* Lire les parties
I et II de mon analyse
sur
http://www.lucmichel.net/2020/06/23/luc-michels-geopolitical-daily-debat-sur-la-seconde-guerre-mondiale-et-geohistoire-i-poutine-publie-une-importante-tribune-historique-pour-denoncer-le-revisionnisme-occidenta/
À mesure que les
relations russo-européennes se
détérioraient, des guerres en Ukraine et
en Syrie aux fausses accusations de
bio-attentats (affaire Skripal),
d’espionnage ou d’ingérence, un gouffre
s’est aussi formé quant à
l’interprétation des événements du
siècle passé, chaque camp accusant
l’autre de chercher à « réécrire
l’histoire » en sa faveur. Dans les mois
ayant précédé la pandémie, Vladimir
Poutine semblait très focalisé par la
mémoire de la « Grande guerre
patriotique », comme les Russes
appellent le conflit germano-soviétique.
Il évoquait la question en longueur lors
de rencontres informelles, avec des
dirigeants de pays ex-soviétiques, lors
de sa conférence de presse annuelle,
d’une réunion avec les entrepreneurs ou
devant ses généraux. « Nous sommes
obligés de défendre la vérité sur la
victoire. Sinon, que dirons-nous à nos
enfants si le mensonge se répand dans le
monde entier comme la peste ? », avait
ainsi lancé Poutine en janvier devant le
Parlement russe. Il dit « passer un
temps considérable à lire les archives
de l’époque ».
Dernière
intervention en date, ce 18 juin,
Poutine a accusé les Occidentaux de «
révisionnisme » antirusse, dans une
longue tribune publiée dans les pages
d’une revue américaine, ‘The National
Interest’ (1).
PASSES D’ARMES
DIPLOMATIQUE
« Pour Poutine, le
thème de la guerre est la base de son
idée nationale de renaissance russe, de
pouvoir fort, de relever le pays »,
estime l’historien Vitali Dymarski,
notant que cette mémoire renforce aussi
l’image d’une patrie assiégée par ses
ennemis.
Cette conviction
s’est traduite en échanges peu
diplomatiques avec l’Union européenne et
d’anciens satellites, Pologne et Ukraine
en tête, avec qui Moscou entretient des
relations exécrables. Poutine a
notamment dénoncé le « cynisme
incroyable » de Varsovie, l’accusant
même d’avoir conclu une « entente » avec
Hitler à l’aube de la guerre. Ce qui est
historiquement rigoureusement exact !
(2) Le Premier ministre polonais Mateusz
Morawiecki a répliqué en dénonçant des «
balivernes » russes. La Pologne a aussi
boycotté des cérémonies consacrées à
Auschwitz en Israël, du fait de la
présence du président russe.
L’INSTITUT
PILECKI :
UN INSTITUT
POLONAIS CHARGE DE REVISER L’HISTOIRE ET DE FAIRE LA «
PROPAGANDE ETHNO-NATIONALISTE DU
GOUVERNEMENT POLONAIS »
La lecture de la
presse israélienne est une source
inépuisable d’informations dérangeantes,
soigneusement censurées dans les Médias
de l’OTAN. Ainsi, le ‘times of Israel’
nous apprend ce jour l’existence de
l’Institut Pilecki (3) et de son projet
lancé en mars 2019 intitulé « Appelés
par leur nom » (Called by Name) : « Pour
les critiques, l’Institut Pilecki honore
les héros et passe sous silence les
Polonais qui ont collaboré avec les
nazis, mais son fondateur nie « toute
intention politique » (…) de nombreux
universitaires affirment que
l’initiative lancée par l’Institut
Pilecki – une entité fondée en 2017 avec
des fonds gouvernementaux (4) – fait
partie d’une campagne organisée pour
blanchir le récit de guerre de la
Pologne et présenter les Polonais
ordinaires comme des sauveurs de Juifs
tout en passant sous silence leurs
(très) nombreux actes de trahison et
d’antisémitisme ».
De quoi s’agit-il
vraiment ?
« les
universitaires contactés par le Times of
Israel ont contesté l’indépendance de
cette recherche, affirmant que
l’Institut Pilecki est un organisme
gouvernemental dont le seul objectif est
de réécrire le récit de la guerre en
Pologne (…) Guesnet, professeur
d’histoire juive moderne à l’University
College London, est spécialisé dans
l’étude des Juifs polonais. « L’Institut
Pilecki a été créé par l’actuel
gouvernement ethno-nationaliste polonais
à des fins de propagande », a déclaré
Guesnet au Times of Israel. Bien qu’il
ait toutes les caractéristiques d’une
institution dédiée à la recherche, il
n’a qu’une seule tâche : travailler à «
la bonne réputation de la Pologne » dans
le cadre d’un récit historique qui a été
défini par ce gouvernement et ses
représentants (…) Guesnet l’a dit sans
détours : « [L’Institut] manipule
l’histoire. Par conséquent, lorsqu’on
traite du matériel proposé par
l’Institut Pilecki, il faut être
extrêmement prudent, car le gouvernement
actuel a pour objectif explicite de
privilégier un type de fait par rapport
à d’autres ». Grabowski (Ndla : un autre
universitaire) a déclaré dans un
courriel que l’Institut Pilecki est «
une agence de plus de l’Etat polonais
(entièrement financée par le budget de
l’Etat) impliquée dans la déformation
grossière de l’histoire et de la mémoire
de la Shoah ». Called by Name est « une
nouvelle tentative de ‘domestiquer’
l’histoire de la Shoah et de remplacer
les victimes juives par les nobles
sauveteurs polonais », a déclaré M.
Grabowski.
« Ce qui est
particulièrement choquant, c’est le fait
que les gens de Pilecki installent
diverses plaques commémoratives et des
monuments consacrés aux Polonais qui ont
sauvé des Juifs lors des cérémonies
commémorant la liquidation des ghettos
locaux », a-t-il déclaré. « J’appelle
cela des ‘plaques commémoratives’,
c’est-à-dire une célébration de la vertu
polonaise, et non de la mort de Juifs ».
Il a déclaré que cela constitue « une
atteinte à la mémoire de la Shoah ». Un
universitaire qui s’est entretenu avec
le Times of Israel a accusé le projet de
« manipuler l’histoire ». L’Institut
rejette vigoureusement ces accusations
(…) « L’Institut Pilecki fait partie des
efforts du gouvernement [polonais] qui a
été créé et recruté pour montrer que la
nation polonaise était une nation de
héros qui ont risqué leur vie pour
sauver les Juifs. Malheureusement, les
preuves historiques ne le confirment pas
», a déclaré un universitaire qui a
demandé l’anonymat. »
POUTINE CONTRE LE
PARLEMENT EUROPEEN
Vladimir Poutine a
également pris pour cible une résolution
de septembre du Parlement européen
condamnant le partage de la Pologne
entre l’URSS et l’Allemagne, y voyant
une tentative de mettre communisme et
nazisme sur le même plan. En cause,
l’insistance des Européens à dénoncer le
pacte germano-soviétique de 1939, qui
organisait le partage de l’Europe
orientale entre les deux régimes
totalitaires. Pour Moscou, ce fut une
nécessité géopolitique, les puissances
européennes ayant laissé l’URSS « seule
face à l’Allemagne » en cédant en 1938 à
Munich les Sudètes tchécoslovaques à
Hitler. La Russie reproche aussi aux
Occidentaux de minimiser son rôle dans
la victoire et les énormes sacrifices
humains consentis – 27 millions de morts
–, pour grandir celui des Américains et
des Britanniques (quelques centaines de
milliers). Moscou considère de ce point
de vue comme « annexe » le débarquement
de Normandie de juin 1944 (5). Dans sa
tribune du 18 juin, M. Poutine a ainsi
dit considérer que « la remise en cause
du rôle soviétique participe à saper les
fondements de l’ordre international né
de 1945 », une tendance « dangereuse »
selon lui. La Russie s’était déjà dite «
extrêmement indignée » que la Maison
Blanche n’a que cité, en mai, les
Etats-Unis et le Royaume-Uni au rang des
vainqueurs des nazis (sic).
DES ENJEUX TOUJOURS
ACTUELS
Elément essentiel
de l’identité nationale russe, la
victoire de 1945 a apporté à Moscou sa
place dans le monde d’après-guerre,
qu’il s’agisse du siège au Conseil de
sécurité de l’ONU ou des territoires
libérés des nazis que l’URSS a modelés
ensuite en glacis géopolitique.
Aujourd’hui, cette mémoire associée à
une politique de puissance doit « unir
le peuple » face à l’adversaire, estime
Vitali Dymarski. « Toute cette querelle
avec l’Europe, ce n’est pas de
l’Histoire, mais de la politique »,
résume-t-il.
NOTES ET RENVOIS :
(1) Cfr. LUC MICHEL’S GEOPOLITICAL
DAILY/
DEBAT SUR LA
SECONDE GUERRE MONDIALE ET GEOHISTOIRE
(I) : POUTINE PUBLIE UNE IMPORTANTE
TRIBUNE HISTORIQUE POUR DENONCER LE
‘REVISIONNISME OCCIDENTAL’
sur
http://www.lucmichel.net/2020/06/23/luc-michels-geopolitical-daily-debat-sur-la-seconde-guerre-mondiale-et-geohistoire-i-poutine-publie-une-importante-tribune-historique-pour-denoncer-le-revisionnisme-occidenta/
(2) Voir : « LES
FAITS HISTORIQUES DONNENT RAISON A
POUTINE » in Ibid.
(3) Voir « Un
institut polonais honore les siens qui
ont sauvé des Juifs. Poudre aux yeux ? »
, in TIMES OF ISRAEL, 2020 07 13,
sur
https://fr.timesofisrael.com/un-institut-polonais-honore-les-siens-qui-ont-sauve-des-juifs-poudre-aux-yeux/
(4) L’Institut
Pilecki a reçu du Parlement polonais une
somme forfaitaire unique de 74 millions
de PLN (environ 16,5 millions d’euros),
qui a été utilisée pour lancer
l’institut et couvrir les dépenses
opérationnelles jusqu’en 2019. Cette
année, l’institut a reçu une subvention
pour utilisateur spécifique de 20
millions de PLN (environ 4,4 millions
d’euros) du ministère de la Culture et
du Patrimoine national.
(5) Cfr. LUC
MICHEL’S GEOPOLITICAL DAILY/
GEOHISTOIRE/ POUR EN FINIR
DEFINITIVEMENT AVEC LE MYTHE YANKEE DU
‘6 JUIN 1944’ : NON, LE SOLDAT RYAN
N’EST PAS VENU ‘LIBERER L’EUROPE’ !
sur
http://www.lucmichel.net/2019/06/06/luc-michels-geopolitical-daily-geohistoire-pour-en-finir-definitivement-avec-le-mythe-yankee-du-6-juin-1944-non-le-soldat-ryan-nest-pas-venu-liberer-leur/
‘Sources : Interfax – AFP – PCN-Info –
Times of Israel – EODE Think Tank)
Photos :
Deux « mémoires »
antagonistes ;
Russie. Le
président russe Vladimir Poutine,
accompagné du patriarche orthodoxe
Cyrille de Moscou, dépose des fleurs sur
un monument à l'extérieur de la
cathédrale des Forces armées dans un
parc à thème militaire à l'extérieur de
Moscou, le 22 juin 2020.
Pologne. Un soldat
dépose des fleurs devant le monument au
héros polonais (anti-soviétique) de la
Seconde Guerre mondiale, le capitaine
Witold Pilecki (dont le nom a été donné
à l’Institut polonais chargé de réviser
l’histoire de la Seconde guerre
mondiale), lors des cérémonies
d’inauguration du monument à Varsovie,
en Pologne, le 13 mai 2017.
LUC MICHEL (ЛЮК
МИШЕЛЬ) & EODE
* Avec le Géopoliticien de l’Axe
Eurasie-Afrique :
Géopolitique – Géoéconomie –
Géoidéologie – Géohistoire –
Géopolitismes - Néoeurasisme –
Néopanafricanisme
(Vu de Moscou et Malabo) :
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