« Comment
Donald Trump et le général James Mattis,
son futur secrétaire à la Défense,
conduiront-ils l'énorme machine
militaire américaine, qui reste, de
loin, la plus puissante du monde ? »
interrogeait l’AFP ce 2 décembre. Mais
il faut revenir sur les questions
abordées car les réponses apportées
depuis Paris (relevant d’éléments de
langage atlantistes) sont bien loin
d’être complètes …
RENFORCER
COMME JAMAIS LA MACHINE DE GUERRE
AMERICAINE :
PLUS DE
TROUPES, DE BATEAUX ET D'AVIONS !
« Nous allons
entamer un grand effort national pour
reconstruire notre armée gravement
anémiée », annonce sans équivoque le
milliardaire devenu président. Durant sa
campagne, Donald Trump a promis
d'augmenter les moyens de l'armée
américaine: par exemple une marine à 350
navires (308 prévus pour l'instant pour
l'horizon 2020) (2), ou une armée de
terre à 540.000 hommes (450.000 prévus
pour l'instant en 2018). « Les
fabricants d'armes américains se
frottent les mains et leurs actions sont
en hausse ». Mais pour cela, Donald
Trump devra trouver un accord avec le
Congrès pour faire sauter les limites
actuellement posées par la loi sur les
dépenses militaires. Ce qui ne devrait
poser aucun problème, sénat et congrès
étant aux mains d’un parti républicain
dominé par les « lobbies de la guerre »
(lobby militaro-industriel, faucons,
lobby pro-israélien AIPAC, etc), ces
mêmes lobbies dominant aussi une grande
partie des élus républicains.
Ces dépenses
sont de l'ordre de 3,3% du PIB. Elles
restent près de trois fois supérieures à
celles de la Chine, le numéro 2 mondial
qui met les bouchées doubles en ce
moment, et plus de 8 fois supérieures à
celles de la Russie (selon les chiffres
de l'institut suédois Sipri, référence
en la matière). Elles vont donc
sensiblement augmenter encore …
EXIGER PLUS
DES ALLIES TRADITIONNELS ?
LA
REORGANISATION ET LA RELANCE DE L’OTAN
ET DE L’OTASE
Certains
analystes naïfs – j’appelle cela la
« Géopolitique de l’émotion », qui est
tout sauf de la Géopolitique –
proclament que « l’Europe » (mauvaise
appellation de l’UE, la petite-Europe
croupion de Bruxelles) « se tournerait
vers la Russie ». Analyse ubuesque au
moment où le Parlement Europén vote ses
résolutions russophobes et où le
Pentagone tombe aux mains du général
Mattis, homme-clé de la mise au pas et
du développement de l’OTAN à l’Est (1) !
Donald Trump
estime que « l'Amérique paye trop pour
la défense de ses alliés », en Europe
via l'Otan, ou en Asie via les alliances
stratégiques nouées avec des pays comme
le Japon ou la Corée du Sud. L'armée
américaine compte notamment 28.500
hommes stationnés en Corée du Sud,
environ 50.000 au Japon. « Le général
Mattis devra clarifier auprès des alliés
les intentions de l'administration Trump ».
Mais « les bases dispersées à travers le
monde (près de 400) grâce à ces
alliances sont un élément clé de la
puissance militaire américaine, à
laquelle M. Trump ne semble vouloir
donner aucun signe de renoncement ».
Mattis sera là
dans son élément car il a fait une
grande partie de sa carrière à la tête
précisément de l’OTAN : James Mattis
occupe de 2007 à 2009 le poste de
commandant suprême allié de la
transformation de l'OTAN et de son
extension à l’Est européen, aux
frontières de la Russie.
LES FAUCONS DU
PENTAGONE DERRIERE TRUMP !
La nomination
de généraux dans l’administration de
Trump, particulièrement à la CIA et au
Pentagone, n’est une surprise que pour
les mal-informés.
En effet,
Donald Trump avait dès sa victoire à la
primaire des Républicains emporté le
soutien de 88 généraux et amiraux à la
retraite dans une lettre ouverte
diffusée, alors que le candidat
républicain « cherchait à solidifier le
soutien dont il disposait dans la
communauté militaire contre Hillary
Clinton en novembre ». La campagne du
candidat républicain avait alors dévoilé
la lettre, organisée par le major
général Sidney Shachnow […] et le
vice-amiral Charles Williams, avant un
discours sur les affaires des vétérans à
Virginia Beach, en Virginie (sur fond de
cuirassier). Shachnow a déclaré que
Trump avait « le tempérament pour être
commandant-en-chef », alors que Williams
avait qualifié le candidat républicain
de « plus digne de confiance » que
Clinton.
Dans la
lettre, les commandants militaires à la
retraite avaient averti d’une
combinaison « potentiellement
extrêmement périlleuse » de coupes
budgétaires et de choix politiques qui
ont « enhardi » les ennemis du pays en
conséquence de ces actions. « C’est en
particulier le cas si notre gouvernement
persiste dans les pratiques qui nous ont
amenées dans l’impasse actuelle »,
ont-ils écrit dans la lettre. « Pour
cette raison, nous soutenons Donald
Trump et son engagement à reconstruire
notre armée, à sécuriser nos frontières,
à vaincre nos adversaires suprémacistes
islamistes et à restaurer la loi et
l’ordre intérieurement. Nous pressons
nos compatriotes américains de faire de
même. »
Trump a
qualifié ces soutiens de « grand honneur
» dans un communiqué diffusé par son
équipe de campagne. « Je remercie chacun
d’eux pour leur service et leur
confiance en moi pour servir comme
commandant-en-chef », a déclaré Trump. «
Garder notre nation sûre et mener nos
forces armées est la responsabilité la
plus importante de la présidence. ».
QUE VEULENT
CES GENERAUX ?
Ces officiers
généraux étaient 120 au jour de
l’élection.
Quel est leur
demande ? Le programme militaire de
Trump !
« Notre
politique étrangère doit être guidée par
le principe de la paix par la force, et
pour faire cela nous devons nous engager
à renforcer notre armée afin qu’elle
demeure la meilleure force de combat sur
la planète » avait déclaré Trump.
Ajoutons que
les soutiens militaires de Trump ont été
rejoints par 14 récipiendaires de la « Medal
of Honor » annonçant leur soutien à
Trump. Ils viennent des quatre branches
de l’armée et ont servi lors de la
Seconde Guerre Mondiale, la guerre de
Corée, la guerre du Vietnam et les
guerres d’Afghanistan et d’Irak. La
Medal of Honor est la plus haute
distinction militaire américaine. Si les
derniers présidents en ont attribué un
certain nombre à des fins politiques de
« diversité », il n’en demeure pas moins
que seules quelques centaines de
personnes l’ont reçue depuis la fin de
la Seconde Guerre Mondiale, la plupart à
titre posthume et pour la plupart lors
des guerres de Corée et du Vietnam
(seuls 77 récipiendaires de la Medal of
Honor sont vivants aujourd’hui).
QUE SERA LE
POLITIQUE MONDIALE DU PRESIDENT TRUMP :
UN PROGRAMME
ANNONCE DE CONFRONTATION MONDIALE !
Trump annonce
une politique agressive contre la Chine
- continuant le « pivot stratégique »
vers le Pacifique et contre la Chine
amorcé par Obama - et contre l’Iran,
revenant sur les accords signés à Genève
…
FIN DES
ACCORDS AVEC TEHERAN :
TRUMP VEUT
CONTRER L'IRAN PLUS AGRESSIVEMENT
Donald Trump a
sévèrement critiqué l'accord sur le
nucléaire iranien signé par Barack Obama
et les autres dirigeants des grandes
puissances avec Téhéran, à Genève, sur
le nucléaire civil. Le général Mattis a
déjà reconnu « que cet accord serait
difficile à remettre en cause ». Mais il
défendra sans aucun doute une ligne plus
ferme que celle de l'administration
Obama envers Téhéran, accusé par
Washington de « continuer à financer des
réseaux extrémistes qui déstabilisent le
Moyen-Orient » (sic) et de développer un
programme de missiles balistiques.
ENCORE ET
TOUJOURS « LA GUERRE AU TERRORISME » :
DETRUIRE DAECH
?
Comme ses
prédécesseurs, avec leur « guerre au
terrorisme », Donald Trump veut
« détruire » le groupe Etat islamique
(EI) et a semblé vouloir mettre le pied
sur l'accélérateur pour reconquérir le
« califat ». Pour ce faire, le
milliardaire populiste a notamment
proposé de « tuer les familles des
jihadistes » et de « recourir à la
torture », une piste qu'il a semblé
abandonner après son élection, sous
l'influence du général Mattis. Pendant
sa campagne, Trump n'a pas semblé
vouloir envoyer des troupes américaines
combattre directement au sol l'EI
(toujours la peur d’un nouveau Vietnam).
Il se heurtera donc aux mêmes
difficultés que l'administration Obama
en Syrie: trouver des troupes locales
fiables pour mener l'assaut contre les
djihadistes. Pour conquérir le bastion
djihadiste de Raqa en Syrie, la
coalition dirigée par les Etats-Unis
cherche encore « la formule idéale ». Le
tout en violation continue de la
souveraineté de Damas, qui n’a pas
appelé les occidentaux.
QUE FAIRE DU
BOURBIER AFGHAN ?
Après quinze
ans d'effort américain et occidental,
des dizaines de milliards de dollars
dépensés pour l'aider, l'armée afghane
ne parvient pas à se défendre seule
contre les talibans. A Berlin et à
Karashi, les USA et l’OTAN négocient
depuis plusieurs années pour « associer
les Talibans au gouvernement
pro-occidental de Kaboul. Barack Obama,
qui voulait ne « laisser qu'une force
américaine résiduelle de 1.000 hommes à
Kaboul » en quittant la Maison Blanche,
a dû se résoudre à laisser finalement
8.400 hommes. A nouveau Mattis est à son
affaire : En 2010, l'administration
Obama le nomme à la tête du Centcom, le
commandement des forces américaines au
Moyen-Orient, qui compte encore 150.000
militaires, dont 66.000 en Afghanistan.
LA QUESTION
DES ARMEMENTS NUCLEAIRES
Le président
Obama a lancé les programmes de
modernisation de la force nucléaire
américaine (missiles balistiques
terrestres, force aérienne nucléaire,
sous-marins lanceurs de missiles
balistiques), dont les équipement
doivent être renouvelés dans les années
à venir. Un tonneau des Danaïdes
financier, au point que certains experts
appellent à faire des choix drastiques.
Mais les tensions face à la Russie font
planer le spectre d'une nouvelle course
aux armements nucléaires: les Américains
accusent par exemple Moscou de
« développer un nouveau missile de
croisière nucléaire, en violation du
traité sur les forces nucléaires à
portée intermédiaire » (FNI).
La Corée du
Nord, qui a accédé à l'arme nucléaire,
« préoccupe aussi beaucoup les stratèges
américains ».